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Ariane Web: Conseil d'État 507948, lecture du 15 octobre 2025, ECLI:FR:CEORD:2025:507948.20251015

Décision n° 507948
15 octobre 2025
Conseil d'État

N° 507948
ECLI:FR:CEORD:2025:507948.20251015
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
M. Denis Piveteau, rapporteur
HAIGAR, avocats


Lecture du mercredi 15 octobre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :
1° Sous le numéro 507948, par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 5 et 30 septembre et le 3 octobre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. AC... A... M... et Mme AF... A... AG..., agissant en leur nom et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs AAG... A... M..., AD... A... M..., AE... A... M..., Z... A... M..., P... M... et AA... A... M..., M. Q... R... et Mme F... K..., Mme O... I..., agissant en son nom et disant agir en qualité de représentante légale de sa soeur AH... I... et de son frère AI... I..., M. D... N..., Mme X..., M. G... N... et Mme U... L..., agissant en leur nom et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs E... N..., H... N... et J... N..., le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), le Mouvement pour la justice et l'Union juive française pour la paix (UJFP), demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision de suspendre les évacuations depuis la bande de Gaza, révélée par les déclarations du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, le 1er août 2025 ;

2°) d'enjoindre aux ministres compétents de prendre les mesures nécessaires pour l'enregistrement et l'instruction des demandes d'évacuation sollicitées au titre de la réunification familiale ;

3°) d'enjoindre aux mêmes ministres de procéder autant que faire se peut à un recensement de toutes les personnes dont la demande d'évacuation a été acceptée et celle en cours d'examen pour réunification familiale, afin d'avoir une visibilité globale sur la situation de ces personnes, d'organiser au mieux les conditions de leur départ, compte tenu de l'évolution de la situation, et de pouvoir les informer des suites qu'il est ou sera prochainement en mesure d'apporter à leur demande de rapatriement ;

4°) d'enjoindre aux mêmes ministres de prendre toutes les mesures rendues nécessaires pour l'effectivité du droit à la réunification familiale ;

5°) d'enjoindre aux mêmes ministres de prendre toutes mesures nécessaires pour que soit procédé à l'enregistrement, à l'instruction et à la mise en oeuvre effectives des demandes
d'évacuation afin qu'une décision soit prise dans un délai ne pouvant dépasser une semaine ;

6°) d'enjoindre aux mêmes ministres de faire toutes les diligences internes quant à la planification des évacuations en ce qu'elles relèvent des autorités françaises, consistant notamment à recenser et mettre à jour la liste des personnes ayant sollicité ou obtenu une évacuation, à procéder à l'instruction individualisée des dossiers, en particulier ceux présentés au titre de la réunification familiale, à organiser les modalités logistiques et administratives internes nécessaires à leur prise en charge en France et à informer régulièrement les personnes de l'état d'avancement de leur demande ;

7°) à titre subsidiaire, d'enjoindre aux mêmes ministres de réexaminer leur situation sans délai ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Ils soutiennent que :
- les déclarations du ministre des affaires étrangères du 1er aout 2025 constituent une décision administrative faisant grief en ce qu'elles ont eu pour effet de suspendre, de manière indifférenciée, toutes les procédures d'évacuation de palestiniens depuis la bande de Gaza vers la France ;
- que la compétence du juge administratif doit être admise sans qu'y fasse obstacle la théorie des actes de gouvernement dès lors qu'elle a été prise au vu d'un contexte politique interne, en invoquant le risque d'une menace à l'ordre public sur le territoire national, qu'elle constitue une décision unilatérale n'engageant aucun autre Etat, qu'elle concerne pour partie des personnes dont l'Etat français avait déjà arrêté le principe d'une évacuation, qu'elle méconnaît les article 2 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auxquels aucune dérogation n'est possible et méconnaît les décisions les plus récentes de la Cour européenne des droits de l'homme ;
- que la compétence du juge administratif doit également être admise dès lors que cette décision conduit l'administration à se soustraire à l'examen des demandes d'évacuation qui lui sont soumises ;
- il ne peut être conclu au non-lieu à statuer dès lors que, d'une part, la décision contestée ne relève pas d'une simple " planification " mais d'un blocage unilatéral des évacuations et, d'autre part, la décision contestée produit toujours ses effets ;
- la condition d'urgence est satisfaite et doit être présumée s'agissant de membres de familles d'une personne protégée ;
- elle méconnaît le principe de l'unité de vie familiale et du droit à la réunification familiale en ce que les réfugiés protégés en France ne peuvent plus solliciter la réunification familiale ;
- elle méconnaît l'exigence constitutionnelle et conventionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, en ce qu'elle suspend l'enregistrement et l'examen des demandes d'évacuation de manière indifférenciée et pour un délai indéterminé, faisant obstacle à ce que des décisions individuelles en matière de réunification familiale soient prises dans l'intérêt des enfants actuellement à Gaza ;
- elle méconnaît le principe de non-discrimination qui découle de la Constitution et des engagements conventionnels de la France en ce que la suspension des évacuations humanitaires de ressortissants palestiniens depuis la bande de Gaza vers la France ne repose pas sur une différence de situation objectivement vérifiable, mais exclusivement sur la nationalité des personnes concernées ;
- elle méconnaît les obligations incombant à l'Etat français au titre de la prévention de génocide en ce qu'elle a pour conséquence de maintenir des personnes devant rejoindre la France dans une zone où ils sont directement exposés à un risque génocidaire.
Par une intervention, enregistrée le 8 septembre 2025, le Syndicat des avocats de France demande que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête de M. A... M... et autres. Il se réfère aux moyens soulevés dans cette requête.

Par une intervention, enregistrée le 19 septembre 2025, l'association La Cimade demande que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête de M. A... M... et autres. Elle se réfère aux moyens soulevés dans cette requête.

Par une intervention, enregistrée le 22 septembre 2025, l'association France Palestine solidarité demande que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête de M. A... M... et autres. Elle se réfère aux moyens soulevés dans cette requête et soutient, en outre, que la situation sécuritaire et humanitaire dans la bande de Gaza est catastrophique.

Par une intervention, enregistrée le 23 septembre 2025, la Ligue des droits de l'homme demande que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête de M. A... M... et autres. Elle soutient que :
- la décision contestée est détachable de la conduite des relations internationales en ce qu'elle a pour effet de stopper l'examen des demandes d'évacuation et qu'elle a été prise pour un motif d'ordre public interne ;
- elle est entachée d'incompétence, faute pour le ministre des affaires étrangères de pouvoir légalement suspendre toute mesure d'examen de demande de visa ;
- elle méconnaît les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, le droit constitutionnel d'asile, le principe constitutionnel de respect de la dignité de la personne humaine et les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La Défenseure des droits, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, a présenté des observations, enregistrées le 24 septembre 2025.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2025, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête. Il soutient que le juge administratif n'est pas compétent, s'agissant d'une décision qui n'est pas détachable de la conduite des relations diplomatiques, qu'à titre subsidiaire elle est dépourvue d'objet en raison de ce que les services consulaires ont continué à instruire les demandes de visa et d'évacuation qui leur parviennent et, à titre encore plus subsidiaires, que les moyens soulevés ne sont pas propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.



2° Sous le numéro 507952, par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 5 et 30 septembre et le 3 octobre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... W..., M. AG... W... et Mme Y..., agissant en leur nom et pour le compte de l'enfant mineur AG... V..., le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), le Mouvement pour la justice et l'Union juive française pour la paix (UJFP), demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision de suspendre les évacuations depuis la bande de Gaza, révélée par les déclarations du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, le 1er août 2025 ;

2°) d'enjoindre aux ministres compétents de prendre les mesures nécessaires pour l'enregistrement et l'instruction des demandes de visa ou d'évacuation sollicitées au titre de la réunification familiale ;

3°) d'enjoindre aux ministres compétents de reprendre immédiatement, dans la
mesure du possible et compte tenu du contexte opérationnel, les diligences nécessaires à la mise en oeuvre des décisions individuelles d'évacuation déjà accordées et validées, et d'assurer leur exécution effective dans un délai d'une semaine ;

4°) d'enjoindre aux ministres compétents de procéder sans délai à l'enregistrement et à l'instruction effective des demandes d'évacuation en cours, notamment celle de la famille W... et d'y répondre par une décision motivée dans un délai maximal de 15 jours ;
5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre aux mêmes ministres de réexaminer leur situation sans délai ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Ils présentent les mêmes moyens que ceux invoqués à l'appui de la requête enregistrée sous le n° 507948 et soutiennent en outre que :
- Mme C... W..., de nationalité française, avait obtenu des services consulaires une décision d'évacuation qui devait concerner, lors d'une opération prévue pour le 6 août 2025, son père, sa belle-mère et son demi-frère ;
- il ne peut être conclu au non-lieu à statuer dès lors que la décision contestée produit toujours ses effets ;
- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale dès lors que la suspension de l'évacuation de la famille W... prévue le 6 août 2025 fait obstacle à ce que, d'une part, les membres de la famille puissent être réunis et, d'autre part, M. W... puisse bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée ;
- elle méconnaît le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant dès lors que la suspension générale des évacuations porte une atteinte directe à la vie du jeune AG... V....


Par une intervention, enregistrée le 8 septembre 2025, le Syndicat des avocats de France demande que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête de Mme W... et autres. Il se réfère aux moyens soulevés dans cette requête.

Par une intervention, enregistrée le 19 septembre 2025, l'association La Cimade demande que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête de Mme W... et autres. Elle se réfère aux moyens soulevés dans cette requête.

Par une intervention, enregistrée le 22 septembre 2025, l'association France Palestine solidarité demande que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête de Mme W... et autres. Elle se réfère aux moyens soulevés dans cette requête et soutient, en outre, que la situation sécuritaire et humanitaire dans la bande de Gaza est catastrophique.

Par une intervention, enregistrée le 23 septembre 2025, la Ligue des droits de l'homme demande que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête de Mme W... et autres. Elle reprend les mêmes moyens que ceux invoqués sous le n° 507948.

La Défenseure des droits, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, a présenté des observations, enregistrées le 24 septembre 2025.


Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2025, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête. Il soutient que le juge administratif n'est pas compétent, s'agissant d'une décision qui n'est pas détachable de la conduite des relations diplomatiques, qu'à titre subsidiaire elle est dépourvue d'objet en raison de ce que les services consulaires ont continué à instruire les demandes de visa et d'évacuation qui leur parviennent et, à titre encore plus subsidiaires, que les moyens soulevés ne sont pas propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.




Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. S... M... et autres et, d'autre part, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ainsi que le Syndicat des Avocats de France, la Cimade, l'association France Palestine Solidarité, la Ligue des droits de l'Homme et la Défenseure des droits.

Ont été entendus lors de l'audience publique du 3 octobre 2025, à 15 heures :

- M. AC... A... M..., assisté par son interprète ;

- Mme C... W... ;

- les représentants de M. A... M..., Mme C... W... et autres ;
- les représentantes du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ;

- les représentants du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;

- les représentants de l'association France Palestine Solidarité ;

- les représentants de la Ligue des droits de l'Homme ;

- le représentant de la Cimade ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a fixé la clôture de l'instruction au mercredi 8 octobre à midi, puis au jeudi 9 octobre à midi ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 octobre 2025, par lequel M. A... M... et autres maintiennent leurs conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 octobre 2025, par lequel Mme W... et autres maintiennent leurs conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 octobre 2025, par lequel le ministre de l'Europe et des affaires étrangères maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 octobre 2025, par lequel M. A... M... et autres maintiennent leurs conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 octobre 2025, par lequel Mme W... et autres maintiennent leurs conclusions par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Les requêtes de M. A... M... et autres et de Mme W... et autres, respectivement enregistrées sous les numéros 507948 et 507952, tendent à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, suspende l'exécution de la décision, révélée par un entretien radiophonique du ministre de l'Europe et des affaires étrangères du 1er août 2025, d'interrompre les opérations d'évacuation de ressortissants palestiniens depuis la bande de Gaza vers la France, dont plusieurs avaient été organisées depuis le mois de février 2024. Elles demandent également qu'en conséquence de la suspension prononcée, il soit enjoint aux ministres compétents de prendre diverses mesures qu'elles estiment nécessaires pour assurer dans les meilleurs délais la reprise de ces opérations d'évacuation et la mise en oeuvre effective du droit à réunification familiale invoqué par les membres des familles de ces ressortissants qui résident en France. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.

Sur les interventions :

3. L'association La Cimade, l'association France Palestine solidarité et la Ligue des droits de l'homme justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des requêtes. Leurs interventions sont, par suite, recevables.

4. En revanche, le Syndicat des avocats de France, qui constitue un syndicat professionnel ayant pour objet la défense des intérêts collectifs des avocats, ne saurait utilement se prévaloir des termes généraux de ses statuts qui lui donnent également pour objet " l'action pour la défense des droits de la défense et des libertés dans le monde ". Il ne justifie pas, dès lors, d'un intérêt de nature à lui donner qualité pour intervenir à l'appui des requêtes. Par suite, son intervention n'est pas recevable.

Sur les demandes en référé :

5. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'aile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. / (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite ". Aux termes de l'article L. 561-5 du même code : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire./ En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux ".

6. Il résulte de l'instruction qu'en raison de la situation de guerre qui affectait la bande de Gaza, les services de l'Etat ont assuré, en particulier à la suite de la fermeture du point de passage de Rafah en mai 2024, un certain nombre d'opérations ponctuelles d'évacuation aérienne à partir du territoire de Gaza, conduites avec l'aval des autorités israéliennes, afin de permettre à des personnes de nationalité palestinienne habitant dans la bande de Gaza de rejoindre un membre de leur famille résidant en France qui s'était vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui avait obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire et qui avait demandé le bénéfice de son droit à la réunification familiale, prévu par les dispositions citées ci-dessus.

7. Il résulte également de l'instruction que le Gouvernement a pris, à la fin du mois de juillet 2025, par une décision rendue publique le 1er août 2025 ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision de suspendre l'organisation de ces opérations d'évacuation, une opération prévue pour le 6 août 2025, dont les bénéficiaires avaient été déjà identifiés et prévenus, ayant, en particulier, été annulée. Par ailleurs, en conséquence de cette même décision et dans l'attente des résultats d'une enquête administrative interne, portant sur les modalités d'examen des dossiers de demande de visa en vue d'une réunification, les instructions de ces mêmes demandes présentées par des personnes de nationalité palestinienne ont été, sinon également suspendues, au moins fortement ralenties aux fins de vérifications plus approfondies des éléments mentionnés à l'article L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cités au point 5.

8. Il résulte toutefois, tant des éléments fournis lors de l'audience publique par le représentant du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, repris et complétés dans ses mémoires produits à la suite de cette audience, que de récentes déclarations à la presse de la représentante du même ministre, que la décision litigieuse de suspension des opérations d'évacuation de la bande de Gaza a été rapportée par son auteur, au vu des conclusions de l'enquête interne qui avait été diligentée et de la mise en oeuvre de certaines de ses recommandations. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères soutient au surplus que, cette décision étant désormais rapportée, il est prévu que la planification des opérations d'évacuation de Gaza reprenne dès que les conditions opérationnelles en seront réunies, sans que les termes des courriels récemment adressés à certains résidents du territoire de Gaza par le consulat français de Jérusalem puissent être regardés comme constituant un démenti de la part de l'administration. Enfin, il résulte également de l'instruction que l'examen des dossiers de demande de visa en vue d'une réunification émanant de personnes résidant dans la bande de Gaza a pu, sinon se poursuivre malgré l'intervention de la décision contestée, du moins reprendre dans des conditions permettant que, cette décision ayant été rapportée, il y soit répondu dans un délai raisonnable conformément à ce que requièrent les dispositions citées au point 5.

9. Ni la planification, l'organisation ou la réalisation d'opérations d'évacuation vers la France de résidents étrangers depuis le territoire étranger où ils résident, ni la décision de suspendre de telles opérations ou de cesser de les organiser ne sont détachables de la conduite des relations internationales de la France. Par suite, la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de demandes d'annulation en excès de pouvoir de telles décisions et n'est pas davantage compétente pour prononcer la suspension de leur exécution sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Les conclusions des requêtes de M. A... M... et autres et de Mme W... et autres, en tant qu'elles tendent, dans cette mesure, à la suspension de l'exécution de la décision révélée par les déclarations du 1er août 2025 du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, doivent ainsi être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

10. Par ailleurs, si les requérants soutiennent que la décision litigieuse a également eu pour effet d'entraîner l'interruption des différentes mesures permettant aux ressortissants palestiniens pouvant bénéficier d'une réunification familiale de faire valoir leurs droits, par l'instruction de leurs demandes et la délivrance de visas ou la prise de mesures d'effet équivalent pour les membres de leurs familles, il résulte de ce qui a été dit au point 8 que de tels effets de la décision contestée, s'ils sont de nature à faire de celle-ci une décision détachable de la conduite des relations internationales de la France, sont désormais rapportés à la date de la présente décision. Par suite il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions des requêtes tendant à ce que, dans cette mesure, l'exécution de la décision révélées par les déclarations du 1er août 2025 du ministre de l'Europe et des affaires étrangères soit suspendue.

11. Les conclusions des requêtes de M. A... M... et autres et de Mme W... et autres à fin de suspension de l'exécution de la décision qu'ils contestent devant ainsi être rejetées ou regardée comme privées d'objet, les conclusions de ces mêmes requêtes tendant à ce qu'il soit enjoint au Gouvernement de prendre diverses mesures qui seraient, selon les requérants, nécessairement impliquées par le prononcé d'une telle suspension ne peuvent qu'être rejetées. Par suite il en va de même, l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, de leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention du Syndicat des avocats de France n'est pas admise.
Article 2 : Les interventions de l'association La Cimade, de l'association France Palestine solidarité et de la Ligue des droits de l'homme sont admises.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes tendant à la suspension de l'exécution de la décision contestée, en tant qu'elle aurait interrompu l'examen des demandes de réunification des personnes de nationalité palestinienne résidant dans la bande de Gaza.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. AC... A... M... et à Mme C... W..., premiers requérants dénommés, au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Syndicat des avocats de France, à l'association La Cimade, à l'association France Palestine solidarité, à la Ligue des droits de l'homme et à la Défenseure des droits.
Fait à Paris, le 15 octobre 2025
Signé : Denis Piveteau