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Décision n° 501257
21 novembre 2025
Conseil d'État

N° 501257
ECLI:FR:CECHR:2025:501257.20251121
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Vincent Mahé, rapporteur
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats


Lecture du vendredi 21 novembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Vivendi a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle et de frais d'assiette auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2104204 du 16 mars 2023, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 23PA02333 du 5 décembre 2024, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Vivendi contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 février, 5 mai et 17 octobre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Vivendi demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Vivendi ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 novembre 2025, présentée par la société Vivendi ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Vivendi a cédé au groupe General Electric, les 26 septembre 2010 et 25 janvier 2011, en application d'un accord conclu en décembre 2009, les titres de la société NBC-Universal qu'elle détenait. Dans la déclaration relative à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qu'elle a souscrite au titre de l'année 2011, elle a porté dans la rubrique " autres services extérieurs ", venant en déduction pour le calcul de l'assiette de cette imposition, une somme de 7 175 515 euros correspondant à un solde d'honoraires versés à la banque Barclays Capital Inc. en rémunération de prestations de conseil réalisées pour les besoins de cette cession. L'administration fiscale, estimant que cette dépense ne pouvait être prise en compte pour le calcul de la valeur ajoutée de l'entreprise, a réintégré cette somme dans la base d'imposition à la CVAE de la société Vivendi. Celle-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande tendant à la décharge des suppléments de CVAE, de taxe additionnelle et de frais d'assiette auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

2. Aux termes du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : / 1. Le chiffre d'affaires est égal à la somme : / - des ventes de produits fabriqués, prestations de services et marchandises ; (...) / - des plus-values de cession d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante (...) / 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré : / - des autres produits de gestion courante (...) ; / b) Et, d'autre part : / - les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ; (...) / - les services extérieurs (...) / - les autres charges de gestion courante (...) / - les moins-values de cession d'éléments d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante (...) ". Les dispositions de l'article 1586 sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause.

3. En premier lieu, si la cour, après avoir relevé sans dénaturation que les honoraires versés à la banque Barclays Capital avaient été inscrits dans la comptabilité de la société Vivendi dans une subdivision du compte 622 qui, dans le plan comptable général, applicable à cette société, est destiné à l'enregistrement des " Rémunérations d'intermédiaires et honoraires ", a donné à cette subdivision un intitulé inexact, cette simple erreur de plume est demeurée sans incidence sur son raisonnement.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour l'accompagner dans la mise en oeuvre des accords qu'elle avait conclus avec la société américaine Général Electric, lesquels prévoyaient des mécanismes d'options d'achat et de vente des titres de la société NBC-Universal qu'elle détenait, la société Vivendi a eu recours, dans des conditions formalisées par une lettre d'engagement du 2 décembre 2009, aux services et aux conseils de la banque Barclays Capital Inc. Selon cette lettre d'engagement, ces prestations incluaient notamment, outre des services relatifs à l'évaluation des titres de la société NBC-Universal, une assistance à la négociation, à l'élaboration des stratégies de négociation, à l'élaboration et la structuration du processus pour mener à bien la vente et devaient donner lieu à une rémunération globale prenant la forme du versement de " total success fees " ou " commissions de succès " et d'" incentive fees " ou " commissions incitatives ", dont le paiement était entièrement subordonné à l'aboutissement de la transaction. Après la cession à la société General Electric, le 25 janvier 2011, de la totalité des titres de la société NBC-Universal qu'elle détenait, la société Vivendi a versé à la banque Baclays Inc, conformément à la lettre d'engagement du 2 décembre 2009, la somme de 9 827 586,21 dollars américains, soit 7 175 515 euros, qu'elle a comptabilisée sous l'intitulé " success fees NBCU " au compte 622 " rémunération d'intermédiaires et honoraires ". En jugeant, au vu des éléments de fait qu'elle a relevés sans les dénaturer, que les dépenses en litige, qui avaient été exposées par la société Vivendi dans le seul but de mener à bien le projet de cession à la société General Electric des titres de la société NBC-Universal qu'elle détenait, devaient en l'espèce être regardées comme des frais inhérents à cette cession, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits. En en déduisant qu'en dépit de leur inscription par la société dans un compte de la classe 62 " autres services extérieurs ", ces frais, inhérents à une cession de titres de titres immobilisés de l'activité de portefeuille dont ils auraient dû, par suite, suivre le traitement comptable, impliquant un enregistrement, selon que la cession dégage un profit ou une perte, dans les comptes de produits ou de charges exceptionnelles 775 ou 675, n'étaient pas déductibles de l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, faute de relever d'une des catégories d'éléments comptables limitativement énumérés à l'article 1586 sexies du code général des impôts, la cour, qui s'est bornée à faire application des règles énoncées au point 2 et à tirer les conséquences des définitions de ces comptes, n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En troisième lieu, pour les motifs énoncés au point 4, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la requérante n'était pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 31 de l'instruction publiée au bulletin officiel des impôts, le 3 juin 2010, sous la référence 6E-1-10, dans les prévisions desquelles les dépenses en cause, qui ne constituaient pas des charges dont la norme comptable commanderait l'inscription dans les comptes 611 et 613 à 629 du plan comptable général, n'entraient pas.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vivendi n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Vivendi est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Vivendi et à la ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 novembre 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 21 novembre 2025.

Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Vincent Mahé
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle