Tribunal des conflits
N° C4348
Publié au recueil Lebon
M. Philippe Mollard, président
M. Boulouis, rapporteur
M. Paul CHAUMONT, rapporteur public
Lecture du lundi 7 juillet 2025
Vu, enregistrée à son secrétariat les 28 mars et 27 juin 2025, la requête et le mémoire en réplique, présentés pour la Société Mutuelle Assurances Corps Santé Français (MACSF) tendant à ce que le Tribunal, saisi par application de l’article 15 de la loi du 24 mai 1872 :
1° déclare nuls et non avenus le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 7 novembre 2017 et l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 6 décembre 2024 ;
2° condamne le centre hospitalier de Grasse à lui verser la somme de 310 603, 71 euros ;
3° mette à la charge centre hospitalier de Grasse la somme de 5 000 euros au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
par les motifs que la requête satisfait aux conditions de recevabilité fixées par l’article 15 de la loi du 24 mai 1872, le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 7 novembre 2017 et l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 6 décembre 2024, devenus irrévocables, portant sur le même objet et conduisant, en raison de leur contrariété sur le montant des sommes dont le centre hospitalier de Grasse serait débiteur à son égard, à un déni de justice ;
Vu, enregistré le 11 juin 2025 au secrétariat du Tribunal, le mémoire présenté par la SCP Le Prado, Gilbert pour le centre hospitalier de Grasse, tendant à titre principal, à rejeter la requête de la société MACSF comme irrecevable, à titre subsidiaire, confirmer la solution retenue par la cour administrative d’appel de Marseille et ramener les indemnités allouées à de plus justes proportions, et à mettre à la charge de la société MACSF la somme de 4 000 euros au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, notamment son article 75 ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Nicolas Boulouis, membre du Tribunal,
les conclusions de M. Paul Chaumont, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l’article 15 de la loi du 24 mai 1872 : « Le Tribunal des conflits peut être saisi des décisions définitives rendues par les juridictions administratives et judiciaires dans les instances introduites devant les deux ordres de juridiction, pour des litiges portant sur le même objet, lorsqu'elles présentent une contrariété conduisant à un déni de justice. / Sur les litiges qui lui sont ainsi déférés, le Tribunal des conflits juge au fond, à l’égard de toutes les parties en cause. Ses décisions ne sont susceptibles d’aucun recours ». En vertu de ces dispositions, les décisions définitives des tribunaux administratifs et des tribunaux judiciaires ne peuvent être déférées au Tribunal des conflits, au motif qu’elles présenteraient une contrariété conduisant à un déni de justice, que si elles ont été rendues dans des litiges portant sur le même objet.
2. M. A... E... a engagé devant le tribunal de grande instance de Grasse une action ayant pour objet de voir le docteur J... et le docteur I... condamnés à l’indemniser du préjudice résultant, selon lui, des fautes qu’ils auraient commises dans le traitement d’une affection. Par un jugement en date du 10 janvier 1995 ce tribunal a déclaré les intéressés conjointement et solidairement responsables de ce préjudice. Par un arrêt rendu le 25 mars 2010, la cour administrative d’appel de Marseille, a jugé le centre hospitalier de Grasse responsable de ce dommage à hauteur des deux tiers et, en conséquence, l’a condamné à rembourser à la société Le sou médical, assureur du docteur I..., les deux-tiers des sommes versées pour le compte de son assuré à M. A... E... et à la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes.
3. En raison de l’aggravation de son état de santé, M. A... E... a de nouveau saisi le tribunal de grande instance de Grasse d’une action ayant pour objet la condamnation des docteurs J... et I... à l’indemniser des préjudices subis du fait de cette aggravation. Par un jugement du 7 novembre 2017, devenu définitif, le tribunal de grande instance de Grasse a complété l’indemnisation initiale mise à la charge conjointe et solidaire du docteur I..., du docteur J... et de la société Axa France Iard, assureur de ce dernier pour indemniser le préjudice résultant de l’aggravation de l’état de santé de M. A... E.... La MACSF, qui avait succédé à la société Le Sou médical comme assureur du docteur I..., a, quant à elle, saisi le tribunal administratif de Nice d’une demande ayant pour objet de faire condamner le Centre hospitalier de Grasse à l’indemniser des sommes mises à la charge du docteur I... par le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 7 novembre 2017. Le tribunal a fait droit à leur demande. Sur appel, par un arrêt du 6 décembre 2024 devenu définitif, la cour administrative d’appel de Marseille a estimé que la proportion des deux-tiers retenue par son précédent arrêt trouvait à s’appliquer s’agissant des causes de l’aggravation de l’état de santé, mais elle a jugé également que cette aggravation était imputable à hauteur de 75% à une infection nosocomiale contractée par M. A... E... au centre hospitalier universitaire de Nice. D’autre part, la cour administrative d’appel a retenu une évaluation différente de celle du tribunal de grande instance de Grasse pour une partie des postes de préjudice résultant de l’aggravation de l’état de santé de celui-ci.
4. Il résulte de ce qui précède que les juridictions des deux ordres ont été saisies d’actions ayant un objet différent. Les conditions auxquelles les dispositions de l’article 15 de la loi du 24 mai 1872 subordonnent l’ouverture de la voie de recours qu’elles instituent ne sont ainsi pas réunies. Dès lors, les conclusions de la société MACSF tendant à ce que le tribunal des conflits déclare nuls et non avenus le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 7 novembre 2017 et l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 6 décembre 2024 et condamne le centre hospitalier de Grasse à lui verser la somme de 310 603, 71 euros ne sont pas recevables. Il s’ensuit que la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société MACSF la somme que le centre hospitalier de Grasse réclame à ce titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la société Mutuelle Assurances Corps Santé Français est rejetée.
Article 2 : les conclusions du centre hospitalier de Grasse présentées au titre du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Mutuelle Assurances Corps Santé Français, à M. H... I..., au centre hospitalier de Grasse et au centre hospitalier universitaire de Nice.
Délibéré à l'issue de la séance du 7 juillet 2025 où siégeaient :
M. Mollard, conseiller à la Cour de cassation, président du Tribunal des conflits ; M. Stahl, M. Collin, Mme de Silva, M. Boulouis, conseillers d’Etat ; Mme Agostini, M. Ancel, M. Flores, conseillers à la Cour de cassation.
Lu en séance publique le 7 juillet 2025.
Le président :
La rapporteure :
La secrétaire :
N° C4348
Publié au recueil Lebon
M. Philippe Mollard, président
M. Boulouis, rapporteur
M. Paul CHAUMONT, rapporteur public
Lecture du lundi 7 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée à son secrétariat les 28 mars et 27 juin 2025, la requête et le mémoire en réplique, présentés pour la Société Mutuelle Assurances Corps Santé Français (MACSF) tendant à ce que le Tribunal, saisi par application de l’article 15 de la loi du 24 mai 1872 :
1° déclare nuls et non avenus le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 7 novembre 2017 et l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 6 décembre 2024 ;
2° condamne le centre hospitalier de Grasse à lui verser la somme de 310 603, 71 euros ;
3° mette à la charge centre hospitalier de Grasse la somme de 5 000 euros au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
par les motifs que la requête satisfait aux conditions de recevabilité fixées par l’article 15 de la loi du 24 mai 1872, le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 7 novembre 2017 et l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 6 décembre 2024, devenus irrévocables, portant sur le même objet et conduisant, en raison de leur contrariété sur le montant des sommes dont le centre hospitalier de Grasse serait débiteur à son égard, à un déni de justice ;
Vu, enregistré le 11 juin 2025 au secrétariat du Tribunal, le mémoire présenté par la SCP Le Prado, Gilbert pour le centre hospitalier de Grasse, tendant à titre principal, à rejeter la requête de la société MACSF comme irrecevable, à titre subsidiaire, confirmer la solution retenue par la cour administrative d’appel de Marseille et ramener les indemnités allouées à de plus justes proportions, et à mettre à la charge de la société MACSF la somme de 4 000 euros au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, notamment son article 75 ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Nicolas Boulouis, membre du Tribunal,
les conclusions de M. Paul Chaumont, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l’article 15 de la loi du 24 mai 1872 : « Le Tribunal des conflits peut être saisi des décisions définitives rendues par les juridictions administratives et judiciaires dans les instances introduites devant les deux ordres de juridiction, pour des litiges portant sur le même objet, lorsqu'elles présentent une contrariété conduisant à un déni de justice. / Sur les litiges qui lui sont ainsi déférés, le Tribunal des conflits juge au fond, à l’égard de toutes les parties en cause. Ses décisions ne sont susceptibles d’aucun recours ». En vertu de ces dispositions, les décisions définitives des tribunaux administratifs et des tribunaux judiciaires ne peuvent être déférées au Tribunal des conflits, au motif qu’elles présenteraient une contrariété conduisant à un déni de justice, que si elles ont été rendues dans des litiges portant sur le même objet.
2. M. A... E... a engagé devant le tribunal de grande instance de Grasse une action ayant pour objet de voir le docteur J... et le docteur I... condamnés à l’indemniser du préjudice résultant, selon lui, des fautes qu’ils auraient commises dans le traitement d’une affection. Par un jugement en date du 10 janvier 1995 ce tribunal a déclaré les intéressés conjointement et solidairement responsables de ce préjudice. Par un arrêt rendu le 25 mars 2010, la cour administrative d’appel de Marseille, a jugé le centre hospitalier de Grasse responsable de ce dommage à hauteur des deux tiers et, en conséquence, l’a condamné à rembourser à la société Le sou médical, assureur du docteur I..., les deux-tiers des sommes versées pour le compte de son assuré à M. A... E... et à la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes.
3. En raison de l’aggravation de son état de santé, M. A... E... a de nouveau saisi le tribunal de grande instance de Grasse d’une action ayant pour objet la condamnation des docteurs J... et I... à l’indemniser des préjudices subis du fait de cette aggravation. Par un jugement du 7 novembre 2017, devenu définitif, le tribunal de grande instance de Grasse a complété l’indemnisation initiale mise à la charge conjointe et solidaire du docteur I..., du docteur J... et de la société Axa France Iard, assureur de ce dernier pour indemniser le préjudice résultant de l’aggravation de l’état de santé de M. A... E.... La MACSF, qui avait succédé à la société Le Sou médical comme assureur du docteur I..., a, quant à elle, saisi le tribunal administratif de Nice d’une demande ayant pour objet de faire condamner le Centre hospitalier de Grasse à l’indemniser des sommes mises à la charge du docteur I... par le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 7 novembre 2017. Le tribunal a fait droit à leur demande. Sur appel, par un arrêt du 6 décembre 2024 devenu définitif, la cour administrative d’appel de Marseille a estimé que la proportion des deux-tiers retenue par son précédent arrêt trouvait à s’appliquer s’agissant des causes de l’aggravation de l’état de santé, mais elle a jugé également que cette aggravation était imputable à hauteur de 75% à une infection nosocomiale contractée par M. A... E... au centre hospitalier universitaire de Nice. D’autre part, la cour administrative d’appel a retenu une évaluation différente de celle du tribunal de grande instance de Grasse pour une partie des postes de préjudice résultant de l’aggravation de l’état de santé de celui-ci.
4. Il résulte de ce qui précède que les juridictions des deux ordres ont été saisies d’actions ayant un objet différent. Les conditions auxquelles les dispositions de l’article 15 de la loi du 24 mai 1872 subordonnent l’ouverture de la voie de recours qu’elles instituent ne sont ainsi pas réunies. Dès lors, les conclusions de la société MACSF tendant à ce que le tribunal des conflits déclare nuls et non avenus le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 7 novembre 2017 et l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 6 décembre 2024 et condamne le centre hospitalier de Grasse à lui verser la somme de 310 603, 71 euros ne sont pas recevables. Il s’ensuit que la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société MACSF la somme que le centre hospitalier de Grasse réclame à ce titre.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Mutuelle Assurances Corps Santé Français est rejetée.
Article 2 : les conclusions du centre hospitalier de Grasse présentées au titre du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Mutuelle Assurances Corps Santé Français, à M. H... I..., au centre hospitalier de Grasse et au centre hospitalier universitaire de Nice.
Délibéré à l'issue de la séance du 7 juillet 2025 où siégeaient :
M. Mollard, conseiller à la Cour de cassation, président du Tribunal des conflits ; M. Stahl, M. Collin, Mme de Silva, M. Boulouis, conseillers d’Etat ; Mme Agostini, M. Ancel, M. Flores, conseillers à la Cour de cassation.
Lu en séance publique le 7 juillet 2025.
Le président :
La rapporteure :
La secrétaire :