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Ariane Web: CAA BORdeAUX 16BX03518, lecture du 17 juillet 2017

Décision n° 16BX03518
17 juillet 2017
CAA de BORDEAUX

N° 16BX03518

FORMATION DE CHAMBRES REUNIES
M. DE MALAFOSSE, président
Mme Marie-Pierre DUPUY, rapporteur
M. de la TAILLE LOLAINVILLE, rapporteur public
DE CONTENCIN, avocats


Lecture du lundi 17 juillet 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Philippe Vediaud Publicité a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler le contrat conclu en 2010 entre la commune de Bègles et la société Communication et Développement Atlantique, ayant pour objet " la mise à disposition de modules d'affichage destinés à l'information municipale et à la publicité ", d'autre part, de condamner la commune à l'indemniser des préjudices subis à raison de son éviction irrégulière de ce contrat.

Par un jugement n° 1000736 du 25 avril 2013, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le contrat et condamné la commune de Bègles à verser à la société Philippe Vediaud Publicité la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice tenant aux frais de présentation de son offre.

Par un arrêt n°s 13BX01692, 13BX01693, 13BX1745 du 2 juin 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société Philippe Vediaud Publicité devant le tribunal.

Par une décision du 21 octobre 2016, rendue sous le n° 392355, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé ces affaires.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 20 juin 2013 sous le n° 13BX01692, la commune de Bègles demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000736 du 25 avril 2013 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a annulé le contrat conclu en 2010 avec la société Communication et Développement Atlantique pour la mise à disposition de modules d'affichage destinés à l'information municipale et l'a condamnée à verser à la société Philippe Vediaud Publicité la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Philippe Vediaud Publicité devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de la société Philippe Vediaud Publicité une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le tribunal a commis en erreur de droit en annulant le contrat litigieux au motif tenant à la méconnaissance des dispositions du code des marchés publics ; en effet, le rapport de synthèse et d'analyse des offres a été signé par Mme E...en sa qualité de secrétaire de séance de la commission d'appel d'offres, et non comme agent administratif de la commune ; il résulte du compte-rendu de la commission d'appel d'offres qu'elle a elle-même décidé de retenir l'offre présentée par la société Communication et Développement Atlantique.

Par un mémoire enregistré le 28 août 2013, la société Communication et Développement Atlantique, représentée par MeP..., conclut aux mêmes fins que la requête de la commune de Bègles et à la mise à la charge de la société Philippe Vediaud Publicité d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que c'est à juste titre que la commune de Bègles allègue l'erreur de droit commise par le tribunal administratif.


II) Par une requête enregistrée le 20 juin 2013 sous le n° 13BX01693, la commune de Bègles demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1000736 du tribunal administratif de Bordeaux du 25 avril 2013.

Elle soutient que le moyen qu'elle invoque, tiré de l'erreur de droit commise par le tribunal administratif, est sérieux et de nature à justifier la réformation du jugement.

Par un mémoire enregistré le 2 juillet 2013, la société Communication et Développement Atlantique, représentée par MeP..., conclut aux mêmes fins que la requête de la commune de Bègles.

Elle soutient que le moyen invoqué par la commune de Bègles est fondé.


III) Par une requête enregistrée le 25 juin 2013 sous le n° 13BX01745 et des mémoires enregistrés les 22 juillet 2014, 21 avril 2015, 12 mai 2015, 17 février 2017, 16 mars 2017 et 3 avril 2017, la société Philippe Vediaud, représentée par MeH..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000736 du 25 avril 2013 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a limité au montant de 2 000 euros la somme que la commune de Bègles a été condamnée à lui verser en réparation du préjudice qui lui a été causé par son éviction irrégulière du contrat de mise à disposition de modules d'affichage destinés à l'information municipale et à la publicité ;

2°) de condamner la commune de Bègles à lui verser la somme de 916 144,71 euros en réparation de son préjudice ou, à défaut, de désigner un expert ayant mission d'évaluer le bénéfice net qu'elle aurait perçu si elle avait obtenu le contrat ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bègles la somme de 5 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur ses conclusions à fin de désignation d'un expert ; le jugement est par suite irrégulier :
- le jugement est insuffisamment motivé ; le tribunal a en effet omis de répondre :
- au moyen tiré de l'imprécision du critère relatif aux qualités esthétiques et fonctionnelles figurant dans le dossier de consultation, en méconnaissance de l'article 53 du II du code des marchés publics ;
- au moyen tiré de ce que le contrat a été attribué à la société Communication et Développement Atlantique sur la base d'un dossier de candidature comportant des références erronées ;
- au moyen tiré de ce que les offres présentées au titre des variantes n'ont pas fait l'objet d'une analyse à part entière ;
- au moyen tiré de l'imprécision des stipulations du contrat, en méconnaissance de l'article 5 du code des marchés publics ;
- s'agissant de la validité du contrat en cause :
- le moyen d'ordre public susceptible s'être soulevé par la cour, tenant à l'absence de contrepartie licite pour le titulaire du contrat, est lapidaire, de sorte que les parties ne sont pas mises à même de le discuter utilement ;
- en admettant l'illicéité de la contrepartie pour le titulaire, la prestation proposée par le titulaire, elle aussi subordonnée à l'obtention d'une autorisation d'occupation du domaine public par la communauté urbaine de Bordeaux, serait également illusoire ; il en résulte que la contrepartie à l'installation des panneaux n'est pas plus illusoire que la prestation principale, de sorte que le contrat n'est entaché d'aucune nullité ;
- si un tel contrat était conclu par l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de voirie, il serait, d'une part, entaché d'incompétence car l'information municipale n'entre pas dans ses compétentes, d'autre part contraire aux dispositions du code des marchés publics en ce qu'un tel contrat ne viserait pas à la satisfaction du besoin de la personne publique contractante ; la contrepartie serait tout aussi illusoire en cas d'intervention du maire ou du préfet au titre de la police de l'affichage ;
- le contrat en cause n'octroie pas un droit exclusif d'exploitation ;
- retenir l'absence de contrepartie dénaturerait le contrat tel qu'exécuté selon l'usage, les autorisations délivrées par la communauté urbaine de Bordeaux indiquant toutes que l'autorisation est accordée pour l'activité d'affichage publicitaire ;
- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de fait en estimant que les sous-critères relatifs aux qualités esthétiques, aux qualités fonctionnelles, au service après-vente et à l'assistante technique ne constituaient pas, chacun, des critères de sélection, susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres et leur sélection ;
- la règlement de consultation du contrat a méconnu les dispositions des articles 1er et 53 II du code des marchés publics ; il comportait des sous-critères relatifs aux qualités esthétiques, aux qualités fonctionnelles, au service après-vente et à l'assistante technique constituant en réalité des critères de sélection, dont la pondération n'était pas indiquée ; les sous-critères relatifs aux performances en matière d'insertion sociale et de protection de l'environnement sont sans lien avec la valeur technique, et constituent également des critères de sélection ; s'agissant du critère relatif aux qualités esthétiques et fonctionnelles, les candidats n'étaient pas mis à même d'appréhender les attentes de la personne publique qui s'est ainsi ménagée un pouvoir discrétionnaire d'appréciation ; le rapport d'analyse des offres révèle pourtant qu'il était attendu un " style épuré ", précision qui ne figurait pas dans les documents de la consultation ;
- en méconnaissance des articles 50 et 53 du code des marchés publics, les exigences minimales sur les variantes n'étaient pas portées à la connaissance des candidats ;
- les offres présentées au titre des variantes auraient dû être analyses et notées comme des offres à part entière ;
- la candidature de la société Communication et Développement Atlantique était incomplète et aurait ainsi dû être rejetée ; en effet, s'agissant des références fournies, n'étaient précisées ni le nombre de mobiliers urbains, ni les dates des contrats précédemment conclus ; en outre, la société attributaire n'avait pas produit de lettre de candidature prévue par l'article 3-1 du règlement de la consultation ;
- la société Communication et Développement Atlantique a produit à l'appui de sa candidature de fausses références, de sorte que le contrat ne pouvait lui être attribué ;
- le contrat était imprécis, en méconnaissance de l'article 5 du code des marchés publics, dès lors qu'il ne précisait pas le délai de délivrance des autorisations d'occupation du domaine public par la Communauté urbaine de Bordeaux ;
- les irrégularités dont le contrat est entaché sont à l'origine de son préjudice ; son offre était complète et a été classée en 2ème position ; elle bénéficiait donc d'une chance sérieuse de conclure le contrat et d'obtenir sa reconduction ;
- le quantum de son préjudice est établi par l'attestation de son expert-comptable ; il appartient à la cour, le cas échéant, de désigner un expert aux fins d'évaluer son préjudice.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 août 2013 et 9 février 2017, la société Communication et Développement Atlantique, représentée par MeP..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Philippe Vediaud Publicité d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du même jugement en tant qu'il a annulé le contrat conclu en 2010 avec la commune de Bègles pour la mise à disposition de modules d'affichage destinés à l'information municipale et a condamné ladite commune à verser à la société Philippe Vediaud Publicité la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice.

Elle soutient que :
- les références produites à l'appui de sa candidature n'étaient pas erronées puisqu'elle a bien conclu des contrats portant sur des mobiliers urbains avec la commune de La-Teste-de-Buch en 1994 et 1997 ;
- le dossier de candidature de la société Philippe Vediaud Publicité était, s'agissant des références, également incomplet ; le vice allégué par cette société est donc sans rapport avec son éviction.

Par des mémoires en défense enregistrés les 4 mars 2014, 28 août 2014, 9 janvier 2017 et 6 mars 2017, la commune de Bègles conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Philippe Vediaud Publicité d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du même jugement en tant qu'il a annulé le contrat conclu en 2010 avec la société Communication et Développement Atlantique pour la mise à disposition de modules d'affichage destinés à l'information municipale et l'a condamnée à verser à la société Philippe Vediaud Publicité la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice.

Elle soutient que :
- la société Communication et Développement Atlantique avait produit un dossier de candidature complet, comprenant l'ensemble des pièces prévues, ainsi que le prévoir l'article 45 du code des marchés publics ;
- la liste des références ne constituait qu'un élément d'appréciation des capacités professionnelles des candidats ; l'erreur invoquée n'a pas faussé l'appréciation compte tenu des nombreuses autres références ;
- la candidature de la société Philippe Vediaud Publicité comportait des références sans mention des dates et des montants des contrats ; elle n'est dès lors pas fondée à invoquer la prétendue irrégularité de la candidature de la société Communication et Développement Atlantique ; le manquement invoqué n'est pas en lien avec son éviction ;
- aucun des moyens invoqués par la requérante portant sur la validité du contrat n'est fondé ;
- la société Philippe Vediaud Publicité n'établit pas avoir perdu une chance sérieuse de remporter le contrat ; en admettant même qu'elle ait été privée d'une chance sérieuse de conclure le contrat en cause, elle n'aurait pas nécessairement bénéficié d'une reconduction tacite du contrat, la clause de reconduction tacite ayant au demeurant été jugée illégale par le Conseil d'Etat ; le préjudice tenant au manque à gagner doit dès lors être limité à une période de trois années d'exécution du contrat, et diverses charges d'exploitation doivent être ajoutées à celles dont la société fait état aux fins de calculer le montant du préjudice, lequel ne saurait excéder 50 386, 88 euros.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la société Communication et développement Atlantique dans le cadre de l'instance n° 13BX01692 et de l'invalidité du contrat conclu le 14 janvier 2010 entre la commune de Bègles et la société Communication et Développement Atlantique.

Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de M. L...de la Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant la société Philippe Vediaud Publicité, de MeC..., représentant la commune de Bègles et de Me A...représentant la société Communication et Développement Atlantique.


Considérant ce qui suit :

1. La société Philippe Vediaud Publicité a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le contrat conclu le 14 janvier 2010 entre la commune de Bègles et la société Communication et Développement Atlantique, ayant pour objet la mise à disposition, l'installation, l'entretien, et la maintenance de mobilier publicitaire et non publicitaire à Bègles. Par un jugement n° 1000736 du 25 avril 2013 le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le contrat et condamné la commune à verser à la société Philippe Vediaud Publicité la somme de 2 000 euros. La commune de Bègles et la société Philippe Vediaud Publicité ont relevé appel de ce jugement, dont la commune de Bègles a demandé le sursis à exécution. Par un arrêt n°s 13BX01692, 13BX01693, 13BX01745 du 2 juin 2015, la cour de céans a annulé ce jugement, rejeté la demande présentée par la société Philippe Vediaud Publicité devant le tribunal administratif et prononcé un non lieu à statuer sur la requête de la commune de Bègles tendant au sursis à exécution du jugement. Par une décision du 21 octobre 2016, rendue sous le n° 392355, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé ces affaires.

2. Les requêtes présentées sous les n°13BX01692 et n°13BX01693 présentées par la commune de Bègles, la requête n°13BX01745 présentée par la société Philippe Vediaud Publicité et les conclusions incidentes présentées par la commune de Bègles et la société Communication et Développement Atlantique dans l'instance n°13BX01745 sont toutes dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité des conclusions de la société Communication et Développement Atlantique présentées dans le cadre de l'instance n° 13BX01692 :

3. Dans le cadre de l'instance n°13BX01692, la société Communication et Développement Atlantique a présenté un mémoire tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 avril 2013 en tant qu'il a annulé le contrat susmentionné qu'elle avait conclu avec la commune de Bègles le 14 janvier 2010 et condamné cette commune à verser une somme de 2 000 euros à la société Philippe Vediaud Publicité. La société Communication et Développement Atlantique ayant la qualité de partie en première instance, ce mémoire doit être regardé, non comme une intervention, mais comme un appel. Or, alors que le jugement attaqué a été notifié à cette société le 26 avril 2013, ses conclusions ont été enregistrées devant la cour le 28 août 2013, après l'expiration du délai d'appel de deux mois ; elles sont par suite irrecevables.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. Pour rejeter les conclusions de la société Philippe Vediaud Publicité tendant à l'indemnisation du manque à gagner qu'elle estime avoir subi en qualité de candidat évincé, le tribunal a considéré que cette dernière était dépourvue d'une chance sérieuse de remporter le contrat. Alors que l'offre de la société avait été classée en deuxième position derrière celle de la société Communication et Développement Atlantique, le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen, soulevé par la société requérante, tiré de ce que la candidature de la société attributaire comportait des inexactitudes ayant faussé l'appréciation portée sur cette candidature en méconnaissance du principe d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Eu égard à l'incidence de la réponse à ce moyen sur l'appréciation du caractère sérieux des chances qu'avait la société requérante de conclure le contrat en cause, le jugement attaqué est, sur point, insuffisamment motivé.

6. La société Philippe Vediaud Publicité est par suite fondée à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur ses conclusions indemnitaires, est irrégulier, et doit ainsi être annulé.

7. Par suite, il y a lieu de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur les conclusions incidentes de la société Communication et Développement Atlantique et les conclusions de la commune de Bègles relatives à la contestation de la validité du contrat litigieux, et par la voie de l'évocation sur les conclusions indemnitaires présentées par la société Philippe Vediaud Publicité.

Sur la validité du contrat :

8. Un contrat est illégal lorsqu'il est dépourvu de cause ou qu'il est fondé sur une cause qui, en raison de l'objet de ce contrat ou du but poursuivi par les parties, présente un caractère illicite.

9. D'une part, aux termes de l'article L. 5215-20-1 du code général des collectivités territoriales dans sa version applicable en l'espèce : " Les communautés urbaines existant à la date de promulgation de la loi n°99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale continuent d'exercer à titre obligatoire, au lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : (...) 11° Voirie et signalisation (...) ". En vertu de ces dispositions, la gestion des dépendances du domaine public routier comprises dans le périmètre de la communauté urbaine de Bordeaux relevait, à la date à laquelle a été signé le contrat litigieux, de la compétence de cet établissement public.

10. D'autre part, l'occupation d'une dépendance du domaine public fait l'objet, lorsqu'elle donne lieu à emprise, d'une permission de voirie qui, à la date à laquelle le contrat a été conclu, était délivrée par l'autorité responsable de la gestion du domaine.

11. Il n'appartenait ainsi qu'à la communauté urbaine de Bordeaux, à la date de signature du contrat en litige, de délivrer des permissions de voirie pour autoriser l'installation de mobiliers d'affichage sur le domaine public routier dès lors que l'installation de ces mobiliers impliquait une emprise dans le sol, et, par voie de conséquence, de réglementer, tant dans l'intérêt du domaine et de son affectation, que dans l'intérêt général, les conditions auxquelles doit satisfaire l'affichage, cette faculté comportant celle de concéder l'affichage sur ces emplacements à une entreprise d'affichage.

12. Il résulte de l'instruction que le contrat conclu le 14 janvier 2010 entre la commune de Bègles et la société Communication et Développement Atlantique prévoit l'installation, par voie de fixation au sol, de mobiliers d'affichage, ayant vocation à être implantés principalement sur le domaine public routier et ses dépendances. Le contrat stipule que le titulaire, avant d'installer le mobilier urbain, doit solliciter auprès de la communauté urbaine de Bordeaux, en sa qualité de propriétaire et de gestionnaire du domaine public routier, des permissions de voirie portant autorisation d'occuper le domaine public et d'exécuter les travaux d'installation des mobiliers en cause. Concernant les obligations réciproques des parties, il résulte des pièces contractuelles que le titulaire s'engage à assurer des prestations d'installation, d'entretien et de maintenance des panneaux d'affichage ainsi que des prestations d'impression et d'affichage. En contrepartie de l'exécution de ces prestations, le contrat prévoit le droit, pour le titulaire, d'exploiter les espaces publicitaires équipant les mobiliers urbains. L'article 2 de l'acte d'engagement, relatif au " montant de l'offre ", stipule ainsi que " La ville ne déboursera aucun denier public pour les prestations concernées. Le titulaire sera rémunéré de la prestation assurée au titre du présent marché par l'encaissement des ressources publicitaires issues de redevances collectées auprès des annonceurs ". L'article 1.5 du cahier des clauses administratives particulières indique qu' " en contrepartie du droit d'exploitation commerciale des panneaux installés sur la commune, le titulaire aura à sa charge l'impression, l'exécution, l'installation d'affiches pour le compte de la ville de Bègles tels que définis au CCTP ". L'article 9 du cahier des clauses techniques particulières précise que " la consommation électrique des modules d'affichage est à la charge de la ville de Bègles ".

13. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 que la commune de Bègles, alors membre de la communauté urbaine de Bordeaux, devenue Bordeaux métropole, n'avait pas le pouvoir de concéder l'affichage sur les mobiliers objets du contrat litigieux installés sur le domaine public routier dont la communauté urbaine de Bordeaux était gestionnaire. La circonstance que le contrat prévoit la délivrance, par la communauté urbaine de Bordeaux, de permissions de voirie pour l'installation des mobiliers d'affichage, n'a pas eu pour effet de conférer à la commune de Bègles un tel pouvoir. La clause contractuelle susanalysée offrant au titulaire du contrat, en contrepartie de ses prestations, un droit d'affichage sur ces mobiliers est, par suite, illégale. Eu égard au caractère déterminant de cette contrepartie, le contrat comporte un contenu illicite.

14. Il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

15. Le contrat dont il s'agit a, ainsi qu'il vient d'être dit, un contenu illicite qui fait obstacle à ce qu'il puisse être régularisé. Son annulation, eu égard à son objet et à son caractère illicite, ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général. La commune de Bègles et la société Communication et Développement Atlantique ne sont par suite pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ce contrat.





Sur les conclusions indemnitaires de la société Philippe Vediaud Publicité :

16. Le contenu même du contrat passé entre la commune de Bègles et la société Communication et Développement Atlantique étant illicite, et son exécution étant ainsi légalement impossible, la société Philippe Vediaud Publicité n'est pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice que lui aurait causé son éviction irrégulière. Ses conclusions indemnitaires ne peuvent dès lors qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Bègles.

Sur la requête n° 13BX01693 de la commune de Bègles tendant au sursis à exécution du jugement :

17. Le présent arrêt statuant sur la requête de la commune de Bègles tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de ladite commune tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :


Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la commune de Bègles n° 13BX01693 tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 avril 2013.
Article 2 : Le jugement n°1000736 du tribunal administratif de Bordeaux du 25 avril 2013 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires de la société Philippe Vediaud Publicité.
Article 3 : Les conclusions indemnitaires présentées par la société Philippe Vediaud Publicité devant le tribunal administratif de Bordeaux sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la société Philippe Vediaud Publicité, la Communication et Développement Atlantique et la commune de Bègles est rejeté.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à la société Philippe Vediaud Publicité, à la société Communication et Développement Atlantique et à la commune de Bègles.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Anne Guérin, président,
M. B...Q..., M. K...M..., M. G...D..., M. O...I..., présidents assesseurs,
Mme J...N..., Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2017.
Le rapporteur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,
Anne GUERIN
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.







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