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Ariane Web: CAA PARIS 21PA00767, lecture du 16 décembre 2021

Décision n° 21PA00767
16 décembre 2021
CAA de PARIS

N° 21PA00767

1ère chambre
M. DIEMERT, président
M. Jean-François GOBEILL, rapporteur
Mme GUILLOTEAU, rapporteur public
LVI AVOCATS ASSOCIES, avocats


Lecture du jeudi 16 décembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Paprec Grand Île-de-France a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la délibération du 26 septembre 2017 par laquelle le conseil de territoire de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Villeneuve-le Roi (Val-de-Marne), ensemble le plan local ou, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe son site d'exploitation en zone " UGd " et " UFa ".

Par un jugement n° 1709497 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Melun a, après avoir admis l'intervention de l'association Club D.E.V.I.L., annulé ladite délibération.




Procédure devant la Cour :

I. - Par une requête n° 21PA00767 enregistrée le 15 février 2021 et des mémoires en réplique enregistrés les 4 mars, 31 mai et 15 juin 2021, la commune de Villeneuve-le-Roi, représentée par Me Lamorlette, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1709497 du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur la demande d'annulation de la délibération du 26 septembre 2017 présentée par la société Paprec Grand Île-de-France et l'association Club D.E.V.I.L. ;

3°) de fixer un délai d'un an à compter de la notification de l'arrêt à intervenir à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre pour notifier à la Cour une délibération du conseil de territoire confirmant l'approbation du plan local d'urbanisme prise après l'organisation d'une nouvelle enquête publique reposant sur un dossier incluant une évaluation environnementale ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la société Paprec Grand Île-de-France et de l'association Club D.E.V.I.L. une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le tribunal ne pouvait juger que le maire était incompétent pour demander seul à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre de poursuivre la procédure d'élaboration et d'achèvement du plan local d'urbanisme dès lors que l'article L. 134-9 du code de l'urbanisme, qui prévoit que la procédure est poursuivie par l'établissement public territorial sur accord de la commune, n'exclut pas qu'un tel accord émane d'un courrier du seul maire ;
- à supposer que le maire ne fût pas compétent pour effectuer cette demande, il s'agit d'un vice de procédure qui n'a privé les intéressés d'aucune garantie et qui n'a eu aucune incidence sur le sens de la décision dès lors que l'achèvement de la procédure n'a fait l'objet d'aucune critique par les membres du conseil municipal et que le document finalement approuvé ne s'est pas écarté des objectifs assignés par la délibération du conseil municipal ayant prescrit son élaboration ;
- le motif du jugement tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne ne pouvait dispenser la procédure d'une évaluation environnementale est erroné dès lors que :
* il comporte une contradiction en ce qu'il conteste au préfet du Val-de-Marne la possibilité d'invoquer des plans de prévention des risques d'inondation et de bruit tout en se fondant sur un plan de prévention des risques technologiques en cours d'élaboration ;
* les personnes intéressées aux projets d'urbanisation du secteur ont pu prendre connaissance du plan de prévention des risques technologiques ;
* les risques ont été pris en compte, notamment par le préfet du Val-de-Marne ;
* seule la partie Nord du secteur de la Carelle doit être urbanisée, cette zone étant exclue du périmètre des zones d'autorisation limitée prévues par le plan de prévention des risques technologiques ;
* le secteur de la Carelle, grevé d'une servitude constituée par un périmètre d'attente prévu par l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme, ne peut ainsi être urbanisé immédiatement ;
- les premiers juges ne pouvaient refuser de faire droit à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme relatives au prononcé d'un sursis à statuer dès lors que le vice de procédure est en l'espèce régularisable ;
- les conditions de mise en oeuvre de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme sont en l'espèce réunies.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2021, l'association Club D.E.V.I.L., représentée par Me Guillini, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Villeneuve-le-Roi une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.

Par des mémoires en défense enregistrés les 31 mai et 1er juillet 2021, la société Paprec Grand Île-de-France, représentée par Me Braud, conclut :

1°) à titre principal au rejet de la requête et à l'annulation de la délibération ;

2°) à titre subsidiaire, à l'annulation de la délibération du 26 septembre 2017 et au rejet de la demande de sursis à statuer ;

3°) à titre plus subsidiaire, à l'annulation de la délibération du 26 septembre 2017 en tant qu'elle classe son site d'exploitation en zone " UGd " et " UFa " ;

4°) en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre et de la commune de Villeneuve-le-Roi une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.

La requête a été communiquée à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Le 24 septembre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la Cour est susceptible d'être fondé sur le défaut d'intérêt à agir de la commune pour interjeter appel du jugement dès lors qu'elle n'a pas la qualité pour agir.

La commune de Villeneuve-le-Roi a présenté, le 29 septembre 2021, des observations en réponse. Elle soutient qu'elle a qualité pour agir.

Le 24 septembre 2021, les parties ont été informées que la Cour, après avoir constaté que le courrier du maire de Villeneuve-le-Roi du 11 janvier 2016 ne pouvait légalement constituer l'accord de la commune à la reprise de la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme par l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre, est susceptible de faire application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme dès lors que, par une délibération n° 2021.04.301 du 8 avril 2021, le conseil municipal a autorisé cet établissement public territorial à reprendre la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme sur le territoire de la commune.

La société Paprec Grand Île-de-France a présenté, le 29 septembre 2021, des observations en réponse. Elle soutient que la régularisation est impossible.

La commune de Villeneuve-le-Roi a présenté, le 29 septembre 2021, des observations en réponse. Elle soutient que rien ne fait obstacle à la régularisation envisagée.

Par une ordonnance du 24 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été prononcée le 29 septembre 2021à 12h00.


II. - Par une requête n° 21PA00814 enregistrée le 16 février 2021 et des mémoires en réplique enregistrés les 8 mars, 31 mai et 15 juin 2021, la commune de Villeneuve-le-Roi, représentée par Me Lamorlette, demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1709497 du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de mettre à la charge solidairement de la société Paprec Grand Île-de-France et de l'association Club D.E.V.I.L., une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2021, l'association Club D.E.V.I.L., représentée par Me Guillini, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Villeneuve-le-Roi une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.

Par des mémoires en défense enregistrés les 31 mai et 1er juillet 2021, la société Paprec Grand Île-de-France, représentée par Me Braud, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal au rejet de la requête ;

2°) en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Villeneuve-le-Roi une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.

La requête a été communiquée à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Le 24 septembre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la Cour est susceptible d'être fondé sur le défaut d'intérêt à agir de la commune pour interjeter appel du jugement dès lors qu'elle n'avait pas la qualité pour agir.

La commune de Villeneuve-le-Roi a présenté, le 29 septembre 2021, des observations en réponse. Elle soutient qu'elle a qualité pour agir.

Le 24 septembre 2021, les parties ont été informées que la Cour, après avoir constaté que le courrier du maire de Villeneuve-le-Roi du 11 janvier 2016 ne pouvait légalement constituer l'accord de la commune à la reprise de la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme par l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre, est susceptible de faire application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme dès lors que, par une délibération n° 2021.04.301 du 8 avril 2021, le conseil municipal a autorisé cet établissement public territorial à reprendre la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme sur le territoire de la commune.

La société Paprec Grand Île-de-France a présenté, le 29 septembre 2021, des observations en réponse. Elle soutient que la régularisation est impossible.

La commune de Villeneuve-le-Roi a présenté, le 29 septembre 2021, des observations en réponse. Elle soutient que rien ne fait obstacle à la régularisation envisagée.

Par une ordonnance du 24 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été prononcée le 29 septembre 2021à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gobeill,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
- les observations de Me Brasselet substituant Me Lamorlette, représentant la commune de Villeneuve-le-Roi,
- les observations de Me Braud, représentant la société Paprec Grand Île-de-France,
- et les observations de Me Stein substituant Me Guillini, représentant l'association Club D.E.V.I.L.

Une note en délibéré a été présentée, pour chaque requête, pour la commune de Villeneuve-le-Roi le 8 octobre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 26 septembre 2017, le conseil de territoire de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne). Saisi par la société Paprec Grand Île-de-France et après avoir admis l'intervention de l'association Club D.E.V.I.L., le tribunal administratif de Melun a, par un jugement du 15 décembre 2020, prononcé l'annulation de cette délibération, mis à la charge de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties. La commune de Villeneuve-le-Roi demande à la Cour l'annulation de ce jugement (requête n° 21PA00767) et à ce qu'il soit sursis à son exécution (requête n° 21PA00814).

2. Les requêtes n° 21PA00767 et n° 21PA00814 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

3. Dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur les conclusions de la requête au fond, il n'y a plus lieu, en tout état de cause, de statuer sur celles tendant à ce que la Cour ordonne le sursis à l'exécution du jugement contesté.

4. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. (...) " et aux termes de l'article R. 832-1 du même code : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que doit être regardée comme une partie présente à l'instance, ayant à ce titre qualité pour interjeter appel contre le jugement qui y a été rendu, la personne qui a été invitée par la juridiction à présenter des observations et qui, si elle ne l'avait pas été, aurait eu qualité pour former tierce opposition contre ce jugement si celui-ci préjudicie à ses droits.

5. Dès lors qu'une commune est dessaisie de la compétence afférente à l'élaboration de son plan local d'urbanisme, le tribunal administratif n'est pas tenu, sauf circonstances particulières, de l'appeler à présenter des observations dans le cadre d'une instance relative à une demande d'annulation, pour excès de pouvoir, de ce document.

6. Aux termes de l'article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales : " Dans le périmètre de la métropole du Grand Paris, sont créés, au 1er janvier 2016, des établissements publics de coopération intercommunale dénommés " établissements publics territoriaux " (...) ". Aux termes de l'article L. 5219-5 du même code : " II. - L'établissement public territorial élabore de plein droit, en lieu et place des communes membres, un plan local d'urbanisme intercommunal, dans les conditions prévues aux articles L. 134-1 à L. 134-9 du code de l'urbanisme ". Aux termes de l'article L. 134-9 du code de l'urbanisme : " Le conseil de territoire peut décider, après accord de la commune concernée, d'achever toute procédure d'élaboration ou d'évolution d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu engagée avant la date de sa création et encore en cours à cette même date. ".

7. Après que le conseil municipal de la commune de Villeneuve-le-Roi eut, le 8 septembre 2017, émis un avis favorable au projet de plan local d'urbanisme par une délibération qui doit être regardée comme donnant l'accord de la commune requis par les dispositions législatives précitées, l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre a approuvé ce document d'urbanisme par une délibération de son conseil de territoire du 26 septembre 2017.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Villeneuve-le-Roi, dessaisie de sa compétence en matière d'élaboration du plan local d'urbanisme au profit de l'établissement public territorial, n'est pas recevable, faute d'intérêt pour agir, à interjeter appel contre le jugement n° 1709497 du 15 décembre 2020 et que ses requêtes ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Villeneuve-le-Roi, qui est la partie perdante dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Paprec Grand Île-de-France et de l'association Club D.E.V.I.L. fondées sur les mêmes dispositions.


D É C I D E :


Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21PA00814 de la commune de Villeneuve-le-Roi.
Article 2 : Les conclusions de la requête n° 21PA00767 de la commune de Villeneuve-le-Roi sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la société Paprec Grand Île-de-France et de l'association Club D.E.V.I.L. fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Villeneuve-le-Roi, à l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre, à la société Paprec Grand Île-de-France et à l'association Club D.E.V.I.L.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2021.

Le rapporteur,




J.-F. GOBEILLLe président,




S. DIÉMERT
La greffière,



Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

N°s 21PA00767, 21PA00814


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