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Ariane Web: Conseil d'État 361767, lecture du 13 juin 2013

Analyse n° 361767
13 juin 2013
Conseil d'État

N° 361767 361768 361912 361913 361990 361991 362028
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du jeudi 13 juin 2013



46-01-02-02 : Outremer- Droit applicable- Statuts- Polynésie française-

Loi organique du 27 février 2004 - 1) " Lois du pays " - Procédure d'adoption - Usage de la langue française - Régime - Usage par le président de séance et par plusieurs orateurs de la langue tahitienne en méconnaissance de l'article 57 de la loi organique - Entrave à l'exercice du contrôle de légalité du texte ainsi adopté, à la prise de connaissance par les tiers des motifs de son adoption et de sa portée exacte, et privation des garanties d'accès et de compréhension indispensables au débat démocratique - Conséquence - Irrégularité qui, en l'espèce, est de nature à affecter la légalité de cette " loi du pays " - Existence, y compris dans le cadre postérieur à l'insertion dans la Constitution de l'article 75-1 (sol. impl.) (1) - 2) Répartition des compétences entre l'Etat et la Polynésie française - Protection sociale - Détermination des règles relatives au régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française - Inclusion - Conséquence - Compétence des autorités de la Polynésie française - Existence - Compétence de ces autorités pour fixer les règles de prescription afférentes au régime de retraite des travailleurs salariés - Existence (2) - Mention d'applicabilité prévue par le IV de l'article 25 de la loi du 17 juin 2008 - Portée - Incidence sur la compétence de la Polynésie française en matière de prescription en ce qui concerne le régime de retraite des travailleurs salariés - Absence.




1) " Loi du pays " adoptée au terme d'une séance de l'assemblée de la Polynésie française au cours de laquelle le premier vice-président de cette assemblée, président de séance, s'est exprimé en tahitien pendant l'exercice de cette présidence dans la direction des débats, y compris lors de l'examen du texte article par article, et plusieurs autres orateurs se sont exprimés en tahitien. Cette méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article 57 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, en vertu desquelles : " Le français est la langue officielle de la Polynésie française. Son usage s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ainsi qu'aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics. ", a notamment pour conséquence d'entraver l'exercice du contrôle de légalité du texte ainsi adopté, d'empêcher les tiers de prendre connaissance des motifs de son adoption et de sa portée exacte, et de priver toute personne, y compris les membres de l'assemblée, des garanties d'accès et de compréhension indispensables au débat démocratique. Dès lors, la procédure d'adoption de cette " loi du pays " est, au regard de ces dispositions, entachée d'une irrégularité qui, dans les circonstances de l'espèce, est de nature à en affecter la légalité. 2) La détermination des règles relatives au régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française relève de la protection sociale, matière pour laquelle les autorités de la Polynésie française sont compétentes en application des articles 13 et 14 de la loi organique du 27 février 2004, dès lors qu'elle n'est dévolue ni à l'Etat, ni aux communes de Polynésie française. La Polynésie française est également compétente pour déterminer les règles accessoires se rattachant aux domaines relevant de sa compétence. Ainsi, elle est compétente pour fixer les règles de prescription afférentes au régime de retraite des travailleurs salariés. Si le IV de l'article 25 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a rendu applicable à la Polynésie française la modification apportée par l'article 1er de cette loi à l'article 2235 du code civil, cette mention d'applicabilité, qui doit s'entendre comme visant les matières civiles réservées à l'Etat par l'article 14 de la loi organique, n'a pas pu priver la Polynésie française de sa compétence en matière de prescription en ce qui concerne le régime de retraite des travailleurs salariés.


(1) Rappr., pour une solution analogue avant l'insertion de l'article 75-1 dans la Constitution, CE, 29 mars 2006, Haut-commissaire de la République en Polynésie française et M. Fritch, n°282335, p. 179 ; CE, 22 février 2007, Fritch et autres, n° 299649, p. 106. (2) Rappr. CE, 19 décembre 2012, Syndicat des médecins libéraux de Polynésie française et autres, n° 349487, inédite au Recueil.

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