Base de jurisprudence


Analyse n° 372057
1 juin 2015
Conseil d'État

N° 372057
Publié au recueil Lebon

Lecture du lundi 1 juin 2015



09-05-01 : Arts et lettres- Cinéma- Visas d'exploitation des films-

1) Principes généraux de la police spéciale du cinéma confiée au ministre chargé de la culture (art. L. 211-1 du CCIA) - 2) Office du juge saisi d'un recours contre le visa délivré à une oeuvre comportant des scènes violentes - a) Recherche de l'existence de scènes de très grande violence impliquant l'interdiction aux mineurs au titre du 4° ou du 5° de l'article R. 211-12 du CCIA - b) Examen de la manière dont ces scènes sont filmées pour le choix entre les restrictions prévues aux 4° et 5° - 3) Application à un film comportant de nombreuses scènes violents.




1) Les dispositions de l'article L. 211-1 du code du cinéma et de l'image animée (CCIA) confèrent au ministre chargé de la culture l'exercice d'une police spéciale fondée sur les nécessités de la protection de l'enfance et de la jeunesse et du respect de la dignité humaine, en vertu de laquelle il lui incombe en particulier de prévenir la commission de l'infraction réprimée par les dispositions de l'article 227-24 du code pénal, qui interdisent la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, d'un message à caractère violent ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine lorsqu'il est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur, soit en refusant de délivrer à une oeuvre cinématographique un visa d'exploitation, soit en imposant à sa diffusion l'une des restrictions prévues à l'article R. 211-12 du code du cinéma et de l'image animée, qui lui paraît appropriée au regard tant des intérêts publics dont il doit assurer la préservation que du contenu particulier de cette oeuvre. 2) a) Il résulte de cet article R. 211-12 qu'il appartient aux juges du fond, saisis d'un recours dirigé contre le visa d'exploitation délivré à une oeuvre comportant des scènes violentes, de rechercher si les scènes en cause caractérisent ou non l'existence de scènes de très grande violence de la nature de celles dont le 4° et le 5° de cet article interdisent la projection à des mineurs. En présence de scènes recevant cette qualification, aucun des autres classements, prévus au 1°, 2° et 3° du même article, ne saurait légalement être retenu. b) Dans l'hypothèse où le juge retient la qualification de scènes de très grande violence, il lui revient ensuite d'apprécier la manière dont ces scènes sont filmées et dont elles s'insèrent au sein de l'oeuvre considérée, pour déterminer laquelle de ces deux restrictions est appropriée, eu égard aux caractéristiques de cette oeuvre cinématographique. 3) Lorsqu'une oeuvre cinématographique comporte de nombreuses scènes violentes, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer si la présence de ces scènes doit entraîner une interdiction aux mineurs de dix-huit ans, la manière, plus ou moins réaliste, dont elles sont filmées, l'effet qu'elles sont destinées à produire sur les spectateurs, notamment de nature à inciter à la violence ou à la banaliser, enfin, toute caractéristique permettant d'apprécier la mise à distance de la violence et d'en relativiser l'impact sur la jeunesse. En l'espèce, film comportant un grand nombre de scènes filmées avec un grand réalisme, montrant des actes répétés de torture et de barbarie. De telles scènes, sans toutefois caractériser une incitation à la violence, comportent une représentation de la violence de nature à heurter la sensibilité des mineurs et justifient ainsi une interdiction de ce film aux mineurs de dix-huit ans.