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Ariane Web: Conseil d'État 393591, lecture du 14 décembre 2015

Analyse n° 393591
14 décembre 2015
Conseil d'État

N° 393591
Publié au recueil Lebon

Lecture du lundi 14 décembre 2015



335-01-04 : Étrangers- Séjour des étrangers- Restrictions apportées au séjour-

Placement en rétention ou assignation à résidence - Conditions - Fixation du pays de destination - Absence.




La rétention administrative ne peut être légalement décidée, sur le fondement du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé, que si l'obligation de quitter le territoire français est elle-même légale. La circonstance que l'autorité administrative n'ait pas fixé le pays de renvoi concomitamment à l'OQTF ne fait pas par elle-même obstacle à ce que l'étranger faisant l'objet de cette obligation soit placé en rétention. Toutefois, au regard tant de l'objet de la mesure de placement en rétention administrative que des dispositions de l'article L. 554-1 du CESEDA, l'administration ne peut placer l'étranger en rétention administrative que dans la mesure où cela est strictement nécessaire à son départ et en vue d'accomplir les diligences visant à permettre une exécution d'OQTF, notamment celles qui doivent permettre la détermination du pays de renvoi. Il appartient au juge administratif, saisi sur le fondement du III de l'article L. 512-1 du CESEDA, lorsque le caractère strictement nécessaire du placement en rétention est contesté devant lui, de contrôler que l'administration met en oeuvre de telles diligences.





335-03-02 : Étrangers- Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière- Légalité interne-

Décision fixant le pays de destination - 1) Décision distincte sans incidence sur la légalité de l'OQTF mais nécessaire à son exécution d'office - 2) Décision nécessaire pour procéder à une rétention administrative - Absence.




1) Les décisions par lesquelles l'administration refuse ou retire à un étranger le droit de demeurer sur le territoire français, l'oblige à quitter ce territoire et lui signifie son pays de destination sont, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'intégration et à l'immigration, en principe, regroupées au sein d'un acte administratif unique. La décision fixant le pays de renvoi constitue cependant, en vertu du premier alinéa de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français (OQTF), qui fait d'ailleurs l'objet d'une motivation spécifique. La décision fixant le pays de renvoi est ainsi sans incidence sur la légalité de la décision portant OQTF. L'adoption de la décision fixant le pays de renvoi conditionne, en revanche, la possibilité pour l'administration d'exécuter d'office l'obligation de quitter le territoire, dans les conditions prévues à l'article L. 513-1. Dès lors, la circonstance que l'administration n'édicte pas dans un même acte l'OQTF et la décision fixant le pays de renvoi est sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement mais fait obstacle à ce qu'elle puisse être exécutée d'office. 2) La rétention administrative ne peut être légalement décidée, sur le fondement du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé, que si l'obligation de quitter le territoire français est elle-même légale. La circonstance que l'autorité administrative n'ait pas fixé le pays de renvoi concomitamment à l'OQTF ne fait pas par elle-même obstacle à ce que l'étranger faisant l'objet de cette obligation soit placé en rétention. Toutefois, au regard tant de l'objet de la mesure de placement en rétention administrative que des dispositions de l'article L. 554-1 du CESEDA, l'administration ne peut placer l'étranger en rétention administrative que dans la mesure où cela est strictement nécessaire à son départ et en vue d'accomplir les diligences visant à permettre une exécution d'OQTF, notamment celles qui doivent permettre la détermination du pays de renvoi. Il appartient au juge administratif, saisi sur le fondement du III de l'article L. 512-1 du CESEDA, lorsque le caractère strictement nécessaire du placement en rétention est contesté devant lui, de contrôler que l'administration met en oeuvre de telles diligences.





335-03-03 : Étrangers- Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière- Règles de procédure contentieuse spéciales-

Recours contre la décision fixant le pays de destination - 1) Ediction simultanément à l'OQTF - Recours de l'art. L. 512-1 du CESEDA (1) - 2) Ediction postérieure - Faculté d'exercer le recours de l'art. L. 512-1 du CESEDA - Existence.




1) Le législateur a entendu instituer, à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), une voie de recours spéciale ayant un effet suspensif contre les mesures relatives à l'éloignement des étrangers, parmi lesquelles figure la décision fixant le pays de renvoi de l'intéressé. Lorsque la décision fixant le pays de renvoi est notifiée à l'intéressé simultanément à l'obligation de quitter le territoire (OQTF), il appartient à l'étranger souhaitant bénéficier de l'effet suspensif d'exécution du recours prévu à l'article L. 512-1 de contester simultanément l'obligation de quitter le territoire français et la décision distincte, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 513-3. 2) En revanche, lorsque l'administration notifie la décision fixant le pays de renvoi postérieurement à l'OQTF, il ne saurait être fait grief à l'étranger de ne pas avoir contesté simultanément ces deux décisions. Dès lors, dans cette hypothèse, l'étranger conserve la possibilité de contester la décision fixant le pays de renvoi dans les conditions prévues aux articles L. 512-1 et L. 512-3 du CESEDA, alors même que la mesure d'éloignement et, le cas échéant, la mesure de placement en rétention, auraient déjà été contestées et que le recours formé contre ces décisions aurait été rejeté par le tribunal administratif. L'exercice de cette voie de recours revêt alors un caractère suspensif et l'OQTF ne peut faire l'objet d'une exécution forcée tant que le tribunal administratif n'a pas statué sur ce recours. Le délai de recours court, dans les conditions prévues à l'article L. 512-1, à compter de la notification à l'intéressé de la décision fixant le pays de renvoi. L'exercice de cette voie de recours n'a pas pour effet de prolonger ni de rouvrir le délai de recours contentieux contre l'OQTF notifiée avant la décision fixant le pays de renvoi.


(1)Cf. CE, Section, 13 décembre 2013, M. Bashardost, n° 367533, p. 364.

Voir aussi