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Ariane Web: Conseil d'État 374224, lecture du 6 avril 2016

Analyse n° 374224
6 avril 2016
Conseil d'État

N° 374224
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 6 avril 2016



13-01-02-01 : Capitaux, monnaie, banques- Capitaux- Opérations de bourse- Autorité des marchés financiers-

1) Pouvoirs de l'AMF - Faculté d'utiliser des informations obtenues d'autorités étrangères en dehors de tout accord de coopération préalable - Existence - 2) Abus de marché - Détention, utilisation et communication d'une information privilégiée - Recours, par la commission des sanctions, à la méthode du faisceau d'indices - Légalité - Existence - Conditions (1) - 3) Commission des sanctions - Espèce - Sanction d'un manquement de transmission d'information privilégiée - Aggravation, à la demande du président de l'AMF, de la sanction prononcée par la commission des sanctions.




1) L'article L. 632-7 du code monétaire et financier fixe les conditions dans lesquelles l'Autorité des marchés financiers (AMF) peut conclure, avec des autorités homologues, des accords de coopération prévoyant notamment l'échange d'informations. L'article L. 632-16 du même code fixe les conditions dans lesquelles l'Autorité peut conduire des activités de surveillance, de contrôle et d'enquêtes à la demande d'autorités étrangères. Ces dispositions, qui dérogent aux dispositions de la loi du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que l'AMF utilise, pour les besoins d'une enquête dont elle a la responsabilité, des informations obtenues d'autorités étrangères en dehors de tout accord de coopération préalable. Il était ainsi loisible à l'Autorité de solliciter des autorités étrangères pour obtenir certains renseignements relatifs à l'activité d'une personne, alors même qu'elle n'aurait pas au préalable conclu d'accord de coopération avec ces autorités. 2) a) A défaut de preuve matérielle contre une personne mentionnée aux articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, la détention et l'utilisation d'une information privilégiée peuvent être établies, par la commission des sanctions de l'AMF, par un faisceau d'indices concordants. b) De même, la communication d'une information privilégiée peut être établie par un faisceau d'indices concordants, sans que la commission des sanctions ait l'obligation d'établir précisément les circonstances dans lesquelles l'information est parvenue jusqu'à la personne qui l'a reçue. 3) Le manquement de transmission d'information privilégiée commis par l'intéressé revêt une particulière gravité, en méconnaissance d'une obligation essentielle pour l'intégrité et la sécurité du marché et la protection de l'épargne investie. Il a été commis en toute connaissance de cause par l'intéressé, qui exerçait à l'époque des faits d'importantes fonctions au sein d'une banque, qui exigeaient une abstention totale de communication à des tiers des informations privilégiées auxquelles il avait accès. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de porter le montant de la sanction pécuniaire infligée par la commission des sanctions à l'intéressé de 400 000 à 600 000 euros et de prononcer à son encontre, comme le demande le président de l'AMF dans son recours incident, en plus de cette sanction pécuniaire, un blâme. Il y a également lieu de prévoir que l'AMF mentionnera sur son site internet la présente décision, qui réforme la décision de sanction attaquée.


(1) Cf., s'agissant de la détention d'une information privilégiée, CE, 30 décembre 2010, , n° 326987, p. 548 ; CE, 24 avril 2012, Mme et , n°s 338786 338929, T. p. 595. Rappr., s'agissant de la manipulation de cours, CE, 20 mars 2013, , n° 356476, T. p. 455.

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