Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 395122, lecture du 9 novembre 2016

Analyse n° 395122
9 novembre 2016
Conseil d'État

N° 395122
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 9 novembre 2016



01-04-03-07-02 : Actes législatifs et administratifs- Validité des actes administratifs violation directe de la règle de droit- Principes généraux du droit- Principes intéressant l'action administrative- Neutralité du service public-

1) Principe de laïcité - Loi du 9 décembre 1905 - Portée (1) - 2) Interdiction des signes ou emblèmes religieux sur les emplacements publics (art. 28 de la loi de 1905) (2) - a) Portée - b) Cas de l'installation temporaire d'une crèche de Noël - Légalité - i) Condition - Installation présentant un caractère culturel, artistique ou festif et n'exprimant ni reconnaissance d'un culte, ni préférence religieuse (3) - ii) Eléments d'appréciation à prendre en compte - iii) Portée de l'élément d'appréciation du lieu - Distinction entre les bâtiments publics et les autres emplacements publics - iv) Espèce.




1) Le principe de laïcité et la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat créent, pour les personnes publiques, des obligations, en leur imposant notamment, d'une part, d'assurer la liberté de conscience et de garantir le libre exercice des cultes, d'autre part, de veiller à la neutralité des agents publics et des services publics à l'égard des cultes, en particulier en n'en reconnaissant ni n'en subventionnant aucun. 2) a) L'article 28 de la loi du 9 décembre 1905, qui a pour objet d'assurer la neutralité des personnes publiques à l'égard des cultes, s'opposent à l'installation par celles-ci, dans un emplacement public, d'un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d'un culte ou marquant une préférence religieuse. Il ménage néanmoins des exceptions à cette interdiction. Ainsi, est notamment réservée la possibilité pour les personnes publiques d'apposer de tels signes ou emblèmes dans un emplacement public à titre d'exposition. En outre, en prévoyant que l'interdiction qu'il a édictée ne s'appliquerait que pour l'avenir, le législateur a préservé les signes et emblèmes religieux existant à la date de l'entrée en vigueur de la loi. b) i) Une crèche de Noël est une représentation susceptible de revêtir une pluralité de significations. Il s'agit en effet d'une scène qui présente un caractère religieux, mais aussi d'un élément faisant partie des décorations et illustrations qui accompagnent traditionnellement les fêtes de fin d'année, sans signification religieuse particulière. Eu égard à cette pluralité de significations, l'installation d'une crèche de Noël, à titre temporaire, à l'initiative d'une personne publique, dans un emplacement public, n'est légalement possible que lorsqu'elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d'un culte ou marquer une préférence religieuse. ii) Pour apprécier si l'installation d'une crèche de Noël présente un caractère culturel, artistique ou festif, ou si elle exprime la reconnaissance d'un culte ou marque une préférence religieuse, il y a lieu de tenir compte non seulement du contexte, qui doit être dépourvu de tout élément de prosélytisme, des conditions particulières de cette installation, de l'existence ou de l'absence d'usages locaux, mais aussi du lieu de cette installation. iii) Au regard du lieu de l'installation, la situation est différente, selon qu'il s'agit d'un bâtiment public, siège d'une collectivité publique ou d'un service public, ou d'un autre emplacement public. Dans l'enceinte des bâtiments publics, sièges d'une collectivité publique ou d'un service public, le fait pour une personne publique de procéder à l'installation d'une crèche de Noël ne peut, en l'absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, être regardé comme conforme aux exigences qui découlent du principe de neutralité des personnes publiques. A l'inverse, dans les autres emplacements publics, eu égard au caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d'année notamment sur la voie publique, l'installation à cette occasion et durant cette période d'une crèche de Noël par une personne publique est possible dès lors qu'elle ne constitue pas un acte de prosélytisme ou de revendication d'une opinion religieuse. iv) Crèche installée dans une alcôve d'un porche de l'hôtel de ville de Melun permettant l'accès des usagers aux services publics municipaux. L'installation de cette crèche dans l'enceinte de ce bâtiment public, siège d'une collectivité publique, ne résultait d'aucun usage local et n'était accompagnée d'aucun autre élément marquant son inscription dans un environnement culturel, artistique ou festif. En l'absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, l'installation de cette crèche méconnaît l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 et les exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques.





21 : Cultes-

1) Principe de laïcité - Loi du 9 décembre 1905 - Portée (1) - 2) Interdiction des signes ou emblèmes religieux sur les emplacements publics (art. 28 de la loi de 1905) (2) - a) Portée - b) Cas de l'installation temporaire d'une crèche de Noël - Légalité - i) Condition - Installation présentant un caractère culturel, artistique ou festif et n'exprimant ni reconnaissance d'un culte, ni préférence religieuse (3) - ii) Eléments d'appréciation à prendre en compte - iii) Portée de l'élément d'appréciation du lieu - Distinction entre les bâtiments publics et les autres emplacements publics - iv) Espèce.




1) Le principe de laïcité et la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat créent, pour les personnes publiques, des obligations, en leur imposant notamment, d'une part, d'assurer la liberté de conscience et de garantir le libre exercice des cultes, d'autre part, de veiller à la neutralité des agents publics et des services publics à l'égard des cultes, en particulier en n'en reconnaissant ni n'en subventionnant aucun. 2) a) L'article 28 de la loi du 9 décembre 1905, qui a pour objet d'assurer la neutralité des personnes publiques à l'égard des cultes, s'opposent à l'installation par celles-ci, dans un emplacement public, d'un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d'un culte ou marquant une préférence religieuse. Il ménage néanmoins des exceptions à cette interdiction. Ainsi, est notamment réservée la possibilité pour les personnes publiques d'apposer de tels signes ou emblèmes dans un emplacement public à titre d'exposition. En outre, en prévoyant que l'interdiction qu'il a édictée ne s'appliquerait que pour l'avenir, le législateur a préservé les signes et emblèmes religieux existant à la date de l'entrée en vigueur de la loi. b) i) Une crèche de Noël est une représentation susceptible de revêtir une pluralité de significations. Il s'agit en effet d'une scène qui présente un caractère religieux, mais aussi d'un élément faisant partie des décorations et illustrations qui accompagnent traditionnellement les fêtes de fin d'année, sans signification religieuse particulière. Eu égard à cette pluralité de significations, l'installation d'une crèche de Noël, à titre temporaire, à l'initiative d'une personne publique, dans un emplacement public, n'est légalement possible que lorsqu'elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d'un culte ou marquer une préférence religieuse. ii) Pour apprécier si l'installation d'une crèche de Noël présente un caractère culturel, artistique ou festif, ou si elle exprime la reconnaissance d'un culte ou marque une préférence religieuse, il y a lieu de tenir compte non seulement du contexte, qui doit être dépourvu de tout élément de prosélytisme, des conditions particulières de cette installation, de l'existence ou de l'absence d'usages locaux, mais aussi du lieu de cette installation. iii) Au regard du lieu de l'installation, la situation est différente, selon qu'il s'agit d'un bâtiment public, siège d'une collectivité publique ou d'un service public, ou d'un autre emplacement public. Dans l'enceinte des bâtiments publics, sièges d'une collectivité publique ou d'un service public, le fait pour une personne publique de procéder à l'installation d'une crèche de Noël ne peut, en l'absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, être regardé comme conforme aux exigences qui découlent du principe de neutralité des personnes publiques. A l'inverse, dans les autres emplacements publics, eu égard au caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d'année notamment sur la voie publique, l'installation à cette occasion et durant cette période d'une crèche de Noël par une personne publique est possible dès lors qu'elle ne constitue pas un acte de prosélytisme ou de revendication d'une opinion religieuse. iv) Crèche installée dans une alcôve d'un porche de l'hôtel de ville de Melun permettant l'accès des usagers aux services publics municipaux. L'installation de cette crèche dans l'enceinte de ce bâtiment public, siège d'une collectivité publique, ne résultait d'aucun usage local et n'était accompagnée d'aucun autre élément marquant son inscription dans un environnement culturel, artistique ou festif. En l'absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, l'installation de cette crèche méconnaît l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 et les exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques.


(1)Rappr. CE, 16 mars 2005, Ministre de l'outre-mer c/ Gouvernement de la Polynésie française, n° 265560, p. 108 ; Cons. constitutionnel, 21 février 2013, n° 2012-297 QPC. (2) Cf. décision du même jour, Fédération de la libre pensée de Vendée, n° 395223, à publier au Recueil. Rappr., s'agissant de la neutralité politique, CE, 27 juillet 2005, Commune de Sainte-Anne, n° 259806, p. 347. (3)Rappr., CE, Assemblée, 19 juillet 2011, Commune de Trélazé, n° 308544, p. 370 ; CE, Assemblée, 19 juillet 2011, Fédération de la libre pensée et de l'action sociale du Rhône et Picquier, n° 308817, p. 372 ; CE, 3 octobre 2011, Communauté d'agglomération Saint-Etienne métropole, n° 326460, T. pp. 795-810-920 ; CE, 4 février 2012, Fédération de la libre pensée et d'action sociale du Rhône, n° 336462, p. 185 ; CE, 26 novembre 2012, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, n° 344379, p. 390 ; CE, 15 février 2013, Association Grande confrérie de Saint Martial et autres, n° 347049, p. 10.

Voir aussi