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Ariane Web: Conseil d'État 370321, lecture du 19 juillet 2017

Analyse n° 370321
19 juillet 2017
Conseil d'État

N° 370321
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 19 juillet 2017



15-03 : Communautés européennes et Union européenne- Application du droit de l'Union européenne par le juge administratif français-

Modulation des effets d'une annulation par le juge national quand le droit de l'Union européenne est en cause - 1) Principe - Possibilité, dans les limites définies par la CJUE (1) - 2) Espèce - Modulation dans le temps de l'annulation du décret du 16 mai 2013 relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel - Effets passés regardés comme définitifs sous réserve des actions contentieuses déjà engagées.




1) La faculté de moduler dans le temps les effets d'une annulation contentieuse ne peut, s'agissant d'une annulation résultant d'une méconnaissance du droit de l'Union européenne, être utilisée qu'à titre exceptionnel et en présence d'une nécessité impérieuse. En effet, dans son arrêt "Association France Nature Environnement" du 28 juillet 2016 (C-379-15), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'une juridiction nationale peut, lorsque le droit interne le permet, exceptionnellement et au cas par cas, limiter dans le temps certains effets d'une déclaration d'illégalité d'une disposition du droit national qui a été adoptée en méconnaissance d'une directive, à la condition qu'une telle limitation s'impose par une considération impérieuse et compte tenu des circonstances spécifiques de l'affaire dont elle est saisie, lorsqu'elle est convaincue, ce qu'elle doit démontrer de manière circonstanciée, qu'aucun doute raisonnable n'existe quant à l'interprétation et l'application des conditions posées par sa jurisprudence à une telle limitation. 2) En l'espèce, l'annulation du décret du 16 mai 2013 relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel a en principe pour conséquence de faire revivre rétroactivement les dispositions du décret du 18 décembre 2009, dans sa rédaction antérieure à sa modification par le décret attaqué, jusqu'à leur abrogation par le décret du 30 décembre 2015 relatif à la codification de la partie réglementaire du code de l'énergie. En premier lieu, l'abrogation des dispositions du décret du 18 décembre 2009 issues du décret du 16 mai 2013 par le décret du 30 décembre 2015 fait obstacle à ce que l'annulation prenne effet à une date postérieure à la date de cette abrogation. Il n'y a par suite pas lieu de faire droit à la demande des parties tendant à ce que l'annulation ne prenne effet qu'à une date ultérieure. En second lieu, eu égard aux incertitudes graves qu'une annulation rétroactive ferait naître sur la situation contractuelle passée de plusieurs millions de consommateurs et de la nécessité impérieuse de prévenir l'atteinte au principe de sécurité juridique qui en résulterait, il y a lieu de prévoir, à titre exceptionnel, que les effets produits par le décret attaqué sont, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de la présente décision, regardés comme définitifs.





15-05-09 : Communautés européennes et Union européenne- Règles applicables- Énergie-

Tarifs réglementés de vente du gaz naturel - 1) Entrave à la réalisation d'un marché du gaz naturel concurrentiel - Existence (2) - Conditions d'admissibilité d'une telle entrave au regard du droit de l'Union européenne (2) - 2) Conditions non remplies en l'espèce.




1) Il résulte de l'interprétation de la directive 2009/73/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-121/15 du 7 septembre 2016 que, d'une part, les articles L. 445-1 à L. 445-4 du code de l'énergie, en imposant à certains fournisseurs de proposer au consommateur final la fourniture de gaz naturel à des tarifs réglementés, constituent une entrave à la réalisation d'un marché du gaz naturel concurrentiel prévue par cette directive et, d'autre part, que cette règlementation des prix de la fourniture du gaz naturel ne saurait être admise qu'à la triple condition qu'elle réponde à un objectif d'intérêt économique général, qu'elle ne porte atteinte à la libre fixation des prix que dans la seule mesure nécessaire à la réalisation de cet objectif et notamment durant une période limitée dans le temps et, enfin, qu'elle soit clairement définie, transparente, non discriminatoire et contrôlable. 2) En l'espèce, contrairement à ce qui était soutenu, le décret du 16 mai 2013 réglementant les tarifs de vente du gaz naturel n'a pas pour objectif de garantir la sécurité des approvisionnements de la France en gaz naturel, une harmonisation des prix sur l'ensemble du territoire national ou un prix raisonnable de la fourniture du gaz naturel. L'entrave à la réalisation d'un marché du gaz concurrentiel que constitue cette réglementation tarifaire ne poursuit donc aucun objectif d'intérêt économique général.





29-06-02-02-015 : Energie- Marché de l'énergie- Tarification- Gaz- Fourniture-

Tarifs réglementés de vente du gaz naturel - 1) Entrave à la réalisation d'un marché du gaz naturel concurrentiel - Existence (2) - Conditions d'admissibilité d'une telle entrave au regard du droit de l'Union européenne (2) - 2) Conditions non remplies en l'espèce.




1) Il résulte de l'interprétation de la directive 2009/73/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-121/15 du 7 septembre 2016 que, d'une part, les articles L. 445-1 à L. 445-4 du code de l'énergie, en imposant à certains fournisseurs de proposer au consommateur final la fourniture de gaz naturel à des tarifs réglementés, constituent une entrave à la réalisation d'un marché du gaz naturel concurrentiel prévue par cette directive et, d'autre part, que cette règlementation des prix de la fourniture du gaz naturel ne saurait être admise qu'à la triple condition qu'elle réponde à un objectif d'intérêt économique général, qu'elle ne porte atteinte à la libre fixation des prix que dans la seule mesure nécessaire à la réalisation de cet objectif et notamment durant une période limitée dans le temps et, enfin, qu'elle soit clairement définie, transparente, non discriminatoire et contrôlable. 2) En l'espèce, contrairement à ce qui était soutenu, le décret du 16 mai 2013 réglementant les tarifs de vente du gaz naturel n'a pas pour objectif de garantir la sécurité des approvisionnements de la France en gaz naturel, une harmonisation des prix sur l'ensemble du territoire national ou un prix raisonnable de la fourniture du gaz naturel. L'entrave à la réalisation d'un marché du gaz concurrentiel que constitue cette réglementation tarifaire ne poursuit donc aucun objectif d'intérêt économique général.





54-07-023 : Procédure- Pouvoirs et devoirs du juge- Modulation dans le temps des effets d'une annulation-

1) Conditions de modulation dans le temps de l'effet d'une annulation pour excès de pouvoir - a) Cas général (6) - b) Cas d'une annulation résultant d'une méconnaissance du droit de l'Union européenne (1) - 2) Espèce - Modulation dans le temps des effets de l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 16 mai 2013 relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel - a) Demande tendant à ce que l'annulation prenne effet à une date postérieure - Demande sans objet compte tenu de l'abrogation du décret attaqué - b) Effets passés du décret attaqué - Effets regardés comme définitifs sous réserve des actions contentieuses déjà engagées.




1) a) L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation, ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine. b) S'agissant d'une annulation résultant d'une méconnaissance du droit de l'Union européenne, cette faculté ne peut être utilisée qu'à titre exceptionnel et en présence d'une nécessité impérieuse. En effet, dans son arrêt "Association France Nature Environnement" du 28 juillet 2016 (C-379-15), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'une juridiction nationale peut, lorsque le droit interne le permet, exceptionnellement et au cas par cas, limiter dans le temps certains effets d'une déclaration d'illégalité d'une disposition du droit national qui a été adoptée en méconnaissance d'une directive, à la condition qu'une telle limitation s'impose par une considération impérieuse et compte tenu des circonstances spécifiques de l'affaire dont elle est saisie, lorsqu'elle est convaincue, ce qu'elle doit démontrer de manière circonstanciée, qu'aucun doute raisonnable n'existe quant à l'interprétation et l'application des conditions posées par sa jurisprudence à une telle limitation. 2) En l'espèce, l'annulation du décret du 16 mai 2013 relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel a en principe pour conséquence de faire revivre rétroactivement les dispositions du décret du 18 décembre 2009, dans sa rédaction antérieure à sa modification par le décret attaqué, jusqu'à leur abrogation par le décret du 30 décembre 2015 relatif à la codification de la partie réglementaire du code de l'énergie. a) En premier lieu, l'abrogation des dispositions du décret du 18 décembre 2009 issues du décret du 16 mai 2013 par le décret du 30 décembre 2015 fait obstacle à ce que l'annulation prenne effet à une date postérieure à la date de cette abrogation. Il n'y a par suite pas lieu de faire droit à la demande des parties tendant à ce que l'annulation ne prenne effet qu'à une date ultérieure. b) En second lieu, eu égard aux incertitudes graves qu'une annulation rétroactive ferait naître sur la situation contractuelle passée de plusieurs millions de consommateurs et de la nécessité impérieuse de prévenir l'atteinte au principe de sécurité juridique qui en résulterait, il y a lieu de prévoir, à titre exceptionnel, que les effets produits par le décret attaqué sont, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de la présente décision, regardés comme définitifs.


(2) Rappr. CJUE, 7 septembre 2016, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie c/ Premier ministre e.a., aff. C-121/15. (6) Cf. CE, Assemblée, 11 mai 2004, Association AC!, n°s 255886 à 255892, p. 197; CE, Assemblée, 23 décembre 2013, Société Métropole Télévision (M6) et Société Télévision Française 1 (TF1), n°s 363702, 363719, p. 328. (1) Rappr. CJUE, 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, aff. C-379/15 ; CE, 3 novembre 2016, Association France Nature Environnement, n° 360212, p. 447.

Voir aussi