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Ariane Web: Conseil d'État 408644, lecture du 10 juillet 2019

Analyse n° 408644
10 juillet 2019
Conseil d'État

N° 408644
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du mercredi 10 juillet 2019



66-07-01-04-02 : Travail et emploi- Licenciements- Autorisation administrative Salariés protégés- Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation- Licenciement pour faute-

Demande de licenciement pour faute à raison d'un agissement du salarié intervenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail - 1) Principe - Légalité - Absence, sauf si un tel agissement traduit une méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de son contrat (1) - 2) Application - Salarié s'étant introduit dans la messagerie professionnelle d'un autre salarié sans l'accord de celui-ci et ayant détourné de la correspondance ayant explicitement un caractère personnel - Licenciement pour faute - Légalité - Existence, alors même que ces agissement ont été commis en dehors des heures de travail et hors du lieu de travail.




1) En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives ou de fonctions de conseiller prud'homme, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat. 2) A ce dernier titre, le fait pour un salarié d'utiliser les outils informatiques mis à sa disposition par l'employeur pour s'introduire dans la messagerie professionnelle d'un autre salarié sans l'accord de celui-ci et y détourner de la correspondance ayant explicitement un caractère personnel doit être regardé comme une méconnaissance de l'obligation de loyauté découlant du contrat de travail, alors même que ces faits seraient commis, en dehors des heures de travail, alors que le salarié n'est pas sur son lieu de travail. Salarié s'étant introduit dans la messagerie professionnelle d'une autre salariée de l'entreprise, en vue de lire la correspondance échangée par celle-ci avec le directeur de la mission locale et ayant, en particulier, accédé aux messages qu'elle avait classés dans un dossier expressément identifié comme ayant un caractère personnel. Faits constituant une violation des obligations découlant de son contrat de travail, susceptibles de faire l'objet d'une sanction disciplinaire, et revêtant un caractère de gravité de nature à justifier son licenciement.





66-07-01-04-02 : Travail et emploi- Licenciements- Autorisation administrative Salariés protégés- Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation- Licenciement pour faute-

Prescription de l'action disciplinaire (art. L. 1332-4 du code du travail) - Interruption de la prescription par l'engagement de poursuites pénales, alors même que cet engagement ne résultait pas d'une plainte de l'employeur.




Inspecteur du travail ayant refusé d'accorder l'autorisation de licenciement sollicitée en raison de ce que, les faits reprochés au salarié étant parvenus à la connaissance de l'employeur le 15 novembre 2010, ils étaient, par suite, prescrits lorsque la procédure de licenciement a été engagée, le 12 juillet 2011. Pour estimer ce motif illégal et, par suite, retirer sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique de la mission locale et annuler la décision de l'inspecteur du travail, le ministre du travail s'est fondé sur ce que, si le délai de prescription avait effectivement couru dès le 15 novembre 2010, des poursuites pénales à raison des mêmes faits avaient été engagées contre le salarié le 21 décembre 2010, interrompant ainsi le délai de prescription. La circonstance que l'engagement des poursuites pénales ne résultait pas d'une plainte de l'employeur est sans incidence sur le fait que leur engagement a interrompu, y compris à l'égard de celui-ci, le délai de deux mois prévu par l'article L.1332-4 du code du travail. Illégalité de la décision de l'inspecteur du travail.


(1) Cf. CE, 15 décembre 2010, , n° 316856, p. 508. Rappr., sur ce qui est détachable ou non de l'exercice des fonctions représentatives, CE, 1er juin 1979, S.A.R.L. Soviali, n°09231, T. p. 905 ; CE, 8 février 1980, Ministre du travail et société "anciens Etablissements David" (S.A.R.L.) c/ , n°s 06358 09596, T. p. 910 ; CE, 12 février 1982, , n° 27346, T. p.767 ; CE, 27 mars 2015, M. , n° 368855, T. p. 901 ; CE, 27 mars 2015, Ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social c/ Société TSE Express Médical, n°s 371174 371500, T. p. 900.

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