Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 416032, lecture du 19 juin 2020

Analyse n° 416032
19 juin 2020
Conseil d'État

N° 416032 416121
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 19 juin 2020



095-04 : Asile- Privation de la protection-

Refus ou révocation du statut de réfugié sur le fondement de l'article L. 711-6 du CESEDA - 1) Conformité avec les objectifs de la directive 2011/95/UE et la convention de Genève du 28 juillet 1951 - Existence (1) - 2) Recours contre une décision mettant fin au statut de réfugié - Office du juge de l'asile - Vérification que l'intéressé remplit les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié - Absence (2).




1) L'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) doit être interprété conformément aux objectifs de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 dont il assure la transposition et qui vise à assurer, dans le respect de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, d'une part, que tous les États membres appliquent des critères communs pour l'identification des personnes nécessitant une protection internationale et, d'autre part, un niveau minimal d'avantages à ces personnes dans tous les États membres. Il résulte des paragraphes 4 et 5 de l'article 14 de cette directive, tels qu'interprétés par l'arrêt C-391/16, C77/17 et C-78/17 du 14 mai 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne, que la "révocation" du statut de réfugié ou le refus d'octroi de ce statut, que leurs dispositions prévoient, ne saurait avoir pour effet de priver de la qualité de réfugié le ressortissant d'un pays tiers ou l'apatride concerné qui remplit les conditions pour se voir reconnaître cette qualité au sens du A de l'article 1er de la convention de Genève. En outre, le paragraphe 6 de l'article 14 de cette même directive doit être interprété en ce sens que l'Etat membre qui fait usage des facultés prévues à l'article 14, paragraphes 4 et 5, de cette directive, doit accorder au réfugié relevant de l'une des hypothèses visées à ces dernières dispositions et se trouvant sur le territoire dudit Etat membre, à tout le moins, le bénéfice des droits et protections consacrés par la convention de Genève auxquels cet article 14, paragraphe 6, fait expressément référence, en particulier la protection contre le refoulement vers un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée, ainsi que des droits prévus par ladite convention dont la jouissance n'exige pas une résidence régulière. Il résulte de ces motifs que l'article L. 711-6 du CESEDA ne permet à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) que de refuser d'exercer la protection juridique et administrative d'un réfugié ou d'y mettre fin, dans les limites prévues par l'article 33, paragraphe 1, de la convention de Genève et le paragraphe 6 de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011, lorsqu'il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de l'intéressé constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ou lorsque l'intéressé a été condamné en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et que sa présence constitue une menace grave pour la société. La perte du statut de réfugié résultant de l'application de l'article L. 711-6 ne saurait dès lors avoir une incidence sur la qualité de réfugié, que l'intéressé est réputé avoir conservé dans l'hypothèse où l'OFPRA et, le cas échéant, le juge de l'asile, font application de l'article L. 711-6, dans les limites prévues par l'article 33, paragraphe 1, de la convention de Genève et le paragraphe 6 de l'article 14 de la directive du 13 décembre 2011. Par suite, l'article L. 711-6 du CESEDA n'a pas pour objet d'ajouter de nouvelles clauses d'exclusion et ne méconnaît, dans ces conditions, ni la convention de Genève ni les objectifs de la directive du 13 décembre 2011. 2) Dès lors que la possibilité de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin, en application de l'article L. 711-6 du CESEDA, est sans incidence sur le fait que l'intéressé a ou conserve la qualité de réfugié, il n'appartient pas à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), lorsqu'elle est seulement saisie d'un recours dirigé contre une décision mettant fin au statut de réfugié prise sur le fondement dudit article L. 711-6 sans que l'OFPRA ne remette en cause devant elle la qualité de réfugié de l'intéressé, de vérifier d'office que ce dernier remplit les conditions prévues aux articles 1er de la convention de Genève et L. 711-1 du CESEDA.





095-08-05-01 : Asile- Procédure devant la CNDA- Pouvoirs et devoirs du juge- Questions générales-

Recours contre une décision mettant fin au statut de réfugié sur le fondement de l'article L. 711-6 du CESEDA - Office du juge de l'asile - Vérification que l'intéressé remplit les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié - Absence (2).




Dès lors que la possibilité de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin, en application de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), est sans incidence sur le fait que l'intéressé a ou conserve la qualité de réfugié, il n'appartient pas à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), lorsqu'elle est seulement saisie d'un recours dirigé contre une décision mettant fin au statut de réfugié prise sur le fondement dudit article L. 711-6 sans que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ne remette en cause devant elle la qualité de réfugié de l'intéressé, de vérifier d'office que ce dernier remplit les conditions prévues aux articles 1er de la convention de Genève et L. 711-1 du CESEDA.


(1) Cf., sur l'incidence d'une telle décision sur la qualité de réfugié, CE, décision du même jour, M. , n° 428140, à mentionner aux Tables. (2) Comp., s'agissant de l'office de la CNDA saisie d'un recours contre une décision de retrait de la qualité de réfugié prise sur le fondement de l'article L. 711-4 du CESEDA, CE, 28 décembre 2017, OFPRA, n° 404756, T. p. 476-478-768 ; sur cet office en cas de changement dans les circonstances ayant justifié la reconnaissance de la qualité de réfugié, CE, 29 novembre 2019, M. , n° 421523, à mentionner aux Tables.

Voir aussi