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Ariane Web: Conseil d'État 440214, lecture du 16 décembre 2020

Analyse n° 440214
16 décembre 2020
Conseil d'État

N° 440214 440316
Publié au recueil Lebon

Lecture du mercredi 16 décembre 2020



55-03-04-03 : Professions, charges et offices- Conditions d'exercice des professions- Pharmaciens- Règles diverses s'imposant aux pharmaciens dans l'exercice de leur profession-

Absence de "clause de conscience" permettant de refuser de concourir à une IVG - Méconnaissance du principe d'égalité par rapport aux professions en bénéficiant (art. L. 2212-8 du CSP) - Absence.




Arrêté du ministre chargé de la santé, pris dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire sur le fondement de l'article L. 3131-16 du code de la santé publique (CSP), permettant la délivrance directe à la femme enceinte, sur prescription du médecin ou de la sage-femme, de spécialités ordinairement délivrées par la pharmacie d'officine à d'autres professionnels de santé, sans prévoir, pour les pharmaciens, de "clause de conscience" leur permettant de ne pas délivrer ces médicaments destinés à provoquer une interruption volontaire de grossesse (IVG). Les pharmaciens étant placés, au regard de ces dispositions, dans une situation différente, les associations requérantes ne peuvent utilement invoquer le principe d'égalité en faisant valoir que l'article L. 2212-8 du CSP reconnaît à d'autres professionnels le droit de refuser de concourir à une IVG.





61-01-01-02 : Santé publique- Protection générale de la santé publique- Police et réglementation sanitaire- Lutte contre les épidémies-

Etat d'urgence sanitaire (art. L. 3131-12 du CSP) - 1) Répartition de la compétence pour édicter les mesures entre le Premier ministre et le ministre chargé de la santé - a) Principe - b) Cas des mesures en matière de médicaments - 2) Arrêté modifiant les conditions de réalisation d'une IVG - a) Compétence du ministre de la santé - Existence - b) Nécessité des mesures - Existence.




1) a) Par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, adoptée dans un contexte d'urgence sanitaire, et ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préalables à son adoption, le législateur a entendu permettre l'adoption par le pouvoir exécutif de mesures plus contraignantes que celles susceptibles d'être adoptées en cas de "menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence" sur le fondement de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique (CSP). A cette fin, il a entendu, d'une part, permettre au Premier ministre de prendre certaines mesures limitant la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion ou procédant à des réquisitions et, d'autre part, permettre au ministre chargé de la santé de prendre les mesures générales touchant au dispositif de santé, notamment aux établissements et services, aux professionnels, aux actes et aux produits de santé, qui ne relèvent pas de la compétence du Premier ministre, ainsi que les mesures individuelles d'application des mesures prescrites par ce dernier, sous réserve, dans tous les cas, que ces mesures soient nécessaires pour garantir la santé publique dans la situation de catastrophe sanitaire, strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. b) Il suit de là que le 9° de l'article L. 3131-15 du CSP et l'article L. 3131-16 du même code doivent être interprétées, en ce qui concerne les mesures susceptibles d'être adoptées en matière de médicaments, comme réservant au Premier ministre les mesures restreignant la liberté d'entreprendre ou le droit de propriété pour assurer la disponibilité des médicaments nécessaires pour faire face à la catastrophe sanitaire et comme habilitant le ministre chargé de la santé à prendre les autres mesures générales nécessaires pour que les patients puissent bénéficier des soins dont ils ont besoin pendant la catastrophe sanitaire, sous réserve qu'elles soient strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu, le cas échéant en dérogeant sur des points limités à des dispositions législatives. 2) Arrêté autorisant, d'une part, la réalisation, en dehors d'un établissement de santé, d'une interruption volontaire de grossesse (IVG) par voie médicamenteuse jusqu'à la fin de la septième semaine de grossesse, soit au-delà du délai de cinq semaines de grossesse prévu à l'article R. 2212-10 du CSP, et permettant la prescription à cette fin des spécialités pharmaceutiques à base de mifépristone et à base de misoprostol, par dérogation à l'article L. 5121-8 du même code, en dehors du cadre de leur autorisation de mise sur le marché, notamment quant au nombre de jours d'aménorrhée et à la posologie. Arrêté prévoyant le respect d'un protocole validé par la Haute Autorité de santé. Arrêté permettant, d'autre part, par dérogation aux articles R. 2212-16, R. 2212-17 et R. 5121-80 du CSP, sous réserve du consentement libre et éclairé de la femme et, au vu de l'état de santé de celle-ci, de l'accord du professionnel de santé, la prescription, dans le cadre d'une téléconsultation réalisée par le médecin ou la sage-femme, des médicaments nécessaires à la réalisation d'une IVG par voie médicamenteuse, la délivrance directe, par le pharmacien d'officine à la femme, de ces médicaments, dans un conditionnement ajusté à la prescription, et la prise du premier de ces médicaments lors d'une téléconsultation avec le médecin ou la sage-femme. a) Cet arrêté, qui vise à permettre la réalisation d'une IVG par voie médicamenteuse au domicile de la femme jusqu'à la fin de la septième semaine de grossesse, à un moment où, du fait de la catastrophe sanitaire, de nombreuses femmes pouvaient avoir des difficultés à se rendre, en temps utile pour respecter les délais légaux, à une consultation médicale et à bénéficier d'une prise en charge en établissement de santé, relève ainsi des mesures que le ministre chargé de la santé était habilité à prendre sur le fondement de l'article L. 3131-16 du CSP, alors même qu'elles permettent à cette fin la prescription de spécialités pharmaceutiques, en dehors du cadre de leur autorisation de mise sur le marché, par dérogation à l'article L. 5121-8 du CSP. b) Compte tenu, à la date de leur adoption, de la situation sanitaire résultant de l'épidémie de covid-19, de ses incidences sur le fonctionnement des établissements de santé, dont beaucoup n'étaient plus en mesure de pratiquer des IVG par voie instrumentale, et des mesures de restriction des déplacements prises pour la combattre, les mesures critiquées étaient nécessaires pour assurer l'effectivité du droit reconnu par l'article L. 2212-1 du CSP de recourir à une IVG jusqu'à la fin de la douzième semaine de grossesse et pour garantir la santé publique dans la situation de catastrophe sanitaire, en prévenant des interruptions tardives et en limitant l'exposition au virus des femmes et des professionnels de santé.





61-02-04 : Santé publique- Protection de la famille et de l'enfance- Interruption volontaire de grossesse-

Arrêté modifiant les conditions de réalisation d'une IVG dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire - 1) Compétence du ministre chargé de la santé - Existence - 2) Nécessité des mesures - Existence.




Arrêté autorisant, d'une part, la réalisation, en dehors d'un établissement de santé, d'une interruption volontaire de grossesse (IVG) par voie médicamenteuse jusqu'à la fin de la septième semaine de grossesse, soit au-delà du délai de cinq semaines de grossesse prévu à l'article R. 2212-10 du CSP, et permettant la prescription à cette fin des spécialités pharmaceutiques à base de mifépristone et à base de misoprostol, par dérogation à l'article L. 5121-8 du même code, en dehors du cadre de leur autorisation de mise sur le marché, notamment quant au nombre de jours d'aménorrhée et à la posologie. Arrêté prévoyant le respect d'un protocole validé par la Haute Autorité de santé. Arrêté permettant, d'autre part, par dérogation aux articles R. 2212-16, R. 2212-17 et R. 5121-80 du CSP, sous réserve du consentement libre et éclairé de la femme et, au vu de l'état de santé de celle-ci, de l'accord du professionnel de santé, la prescription, dans le cadre d'une téléconsultation réalisée par le médecin ou la sage-femme, des médicaments nécessaires à la réalisation d'une IVG par voie médicamenteuse, la délivrance directe, par le pharmacien d'officine à la femme, de ces médicaments, dans un conditionnement ajusté à la prescription, et la prise du premier de ces médicaments lors d'une téléconsultation avec le médecin ou la sage-femme. 1) Cet arrêté, qui vise à permettre la réalisation d'une IVG par voie médicamenteuse au domicile de la femme jusqu'à la fin de la septième semaine de grossesse, à un moment où, du fait de la catastrophe sanitaire, de nombreuses femmes pouvaient avoir des difficultés à se rendre, en temps utile pour respecter les délais légaux, à une consultation médicale et à bénéficier d'une prise en charge en établissement de santé, relève ainsi des mesures que le ministre chargé de la santé était habilité à prendre sur le fondement de l'article L. 3131-16 du CSP, alors même qu'elles permettent à cette fin la prescription de spécialités pharmaceutiques, en dehors du cadre de leur autorisation de mise sur le marché, par dérogation à l'article L. 5121-8 du CSP. 2) Compte tenu, à la date de leur adoption, de la situation sanitaire résultant de l'épidémie de covid-19, de ses incidences sur le fonctionnement des établissements de santé, dont beaucoup n'étaient plus en mesure de pratiquer des IVG par voie instrumentale, et des mesures de restriction des déplacements prises pour la combattre, les mesures critiquées étaient nécessaires pour assurer l'effectivité du droit reconnu par l'article L. 2212-1 du CSP de recourir à une IVG jusqu'à la fin de la douzième semaine de grossesse et pour garantir la santé publique dans la situation de catastrophe sanitaire, en prévenant des interruptions tardives et en limitant l'exposition au virus des femmes et des professionnels de santé.





61-04-005 : Santé publique- Pharmacie- Exercice de la profession de pharmacien-

Absence de "clause de conscience" permettant de refuser de concourir à une IVG - Méconnaissance du principe d'égalité par rapport aux professions en bénéficiant (art. L. 2212-8 du CSP) - Absence.




Arrêté du ministre chargé de la santé, pris dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire sur le fondement de l'article L. 3131-16 du code de la santé publique (CSP), permettant la délivrance directe à la femme enceinte, sur prescription du médecin ou de la sage-femme, de spécialités ordinairement délivrées par la pharmacie d'officine à d'autres professionnels de santé, sans prévoir, pour les pharmaciens, de "clause de conscience" leur permettant de ne pas délivrer ces médicaments destinés à provoquer une interruption volontaire de grossesse (IVG). Les pharmaciens étant placés, au regard de ces dispositions, dans une situation différente, les associations requérantes ne peuvent utilement invoquer le principe d'égalité en faisant valoir que l'article L. 2212-8 du CSP reconnaît à d'autres professionnels le droit de refuser de concourir à une IVG.


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