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Ariane Web: Conseil d'État 435452, lecture du 13 juillet 2021

Analyse n° 435452
13 juillet 2021
Conseil d'État

N° 435452
Publié au recueil Lebon

Lecture du mardi 13 juillet 2021



19-04-02-07-01 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Revenus et bénéfices imposables règles particulières- Traitements, salaires et rentes viagères- Personnes et revenus imposables-

Gains de "management package" (1) - 1) Acquisition ou souscription d'un BSA ou d'une option d'achat d'actions (2) - 2) Cession d'un BSA par une personne physique - a) Gain imposable - b) Plus-value d'un particulier sur valeur mobilière (CGI, art. 150-0 A) - Existence, en principe - c) Avantage en argent (CGI, art. 82) - Existence, par exception, s'il est la contrepartie de fonctions de dirigeant ou de salarié (3) - d) Année d'imposition - Année de cession - 3) Espèce.




1) La circonstance que des options d'achat d'actions ou des bons de souscription d'actions (BSA) ont été acquis ou souscrits à un prix préférentiel au regard de leur valeur réelle à la date de cette acquisition ou souscription est de nature à révéler l'existence d'un avantage à concurrence de la différence entre le prix ainsi acquitté et cette valeur. Un tel avantage, lorsqu'il trouve essentiellement sa source dans l'exercice par l'intéressé de ses fonctions de dirigeant ou salarié, a le caractère d'un avantage accordé en sus du salaire, imposable au titre de l'année d'acquisition ou de souscription des options ou des bons dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du code général des impôts (CGI). Le caractère préférentiel de ce prix est en revanche sans incidence sur la nature des gains réalisés ultérieurement par le contribuable lors de l'exercice de ces options ou bons, lors de la cession des titres ainsi acquis ou lors de la cession des bons. 2) a) Les gains nets, calculés en tenant compte de l'avantage ayant été éventuellement imposé en application du point 1 ci-dessus, retirés par une personne physique de la cession à titre onéreux de BSA b) sont en principe imposables suivant le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières des particuliers institué par l'article 150-0 A du CGI, y compris lorsque ces bons ont été acquis ou souscrits auprès d'une société dont le contribuable était alors dirigeant ou salarié, ou auprès d'une société du même groupe. c) Il en va toutefois autrement lorsque, eu égard aux conditions de réalisation du gain de cession, ce gain doit être regardé comme acquis, non à raison de la qualité d'investisseur du cédant, mais en contrepartie de ses fonctions de salarié ou de dirigeant et constitue, ainsi, un revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du CGI. d) Ce revenu doit être regardé comme réalisé et disponible l'année de la cession de ces bons. 3) Contribuable s'étant associé en 2005 avec plusieurs fonds communs de placement à risques et sociétés financières, dans une société holding, en vue de l'acquisition, par celle-ci, de l'intégralité des actions composant le capital social d'une société tierce. Dans cette perspective, assemblée générale de la société holding ayant notamment décidé une augmentation de capital par l'émission d'actions nouvelles et la transformation de la société en société par actions simplifiée (SAS), dont le contribuable a été nommé président. Contribuable ayant souscrit des actions ordinaires de la SAS et assemblée générale ayant décidé l'émission de BSA à son profit. Contribuable ayant en 2007, ainsi que l'ensemble des investisseurs financiers, cédé l'intégralité de ses titres de la SAS à un repreneur. D'une part, contribuable ayant été désigné comme le futur "manager de reprise" du groupe de la société rachetée, devant exercer les fonctions de président directeur général de la structure et dont les modalités d'intéressement restaient encore "à affiner sur la base des formules habituelles". D'autre part, pacte d'actionnaires de la SAS prévoyant que les investisseurs "ont pour intention d'accompagner la société pendant une durée comprise entre trois à sept ans, et ce afin de participer à l'accomplissement du projet de développement élaboré avec [le contribuable]". Enfin, pacte ayant déterminé les modalités d'exercice de ses fonctions par l'intéressé et ses obligations envers la société, ainsi que les conditions d'incessibilité temporaire des titres qu'il détenait, lui imposant une obligation de "loyauté - exclusivité" envers les sociétés du groupe, lui fixant un engagement de non-concurrence en sa qualité d'actionnaire ou de vendeur de titres liés aux activités du groupe et comportant une promesse de vente et d'achat de ses titres en cas de décès, départ ou de violation de ses engagements pour un montant global d'un euro, ainsi qu'une promesse unilatérale d'achat des investisseurs. BSA ayant été attribués au seul contribuable, président de la SAS, recruté par un contrat de travail comme directeur du développement de la société rachetée, chargé de la définition et de la mise en oeuvre de la politique de développement de l'entreprise. D'une part, contrat de souscription des BSA faisant dépendre tant la faculté d'exercer les bons que le nombre de ces derniers, en premier lieu, de l'obtention d'un taux de rendement interne (TRI) minimum à l'issue de l'opération de rachat de la SAS par un repreneur, en second lieu, de la réalisation par les investisseurs d'un multiple supérieur à 2 lors de la revente de leurs titres et ce afin, selon les termes du contrat de souscription de ces bons, d'opérer une "rétrocession" au manager d'une "super plus-value". D'autre part, contrat prévoyant que le "manager" s'engageait à ne pas céder les bons en dehors des cas limitativement prévus par le pacte d'actionnaires de la SAS. Cour ayant, sans dénaturation ni erreur de droit, déduit de l'ensemble de ces circonstances que l'attribution de BSA a visé à associer le contribuable, en raison de ses fonctions de dirigeant, au partage de la plus-value dégagée lors de la cession de la SAS - alors même que l'intéressé détenait, par ailleurs, des actions ordinaires de cette société - et que le gain qu'il a réalisé en cédant ses bons "avait essentiellement la nature (5) d'un versement à caractère incitatif, par lequel les actionnaires ont décidé de rétribuer ensemble l'exercice effectif de ses fonctions de manager par [le contribuable] et les résultats et performances ayant résulté de cet engagement professionnel" . Ces circonstances caractérisent l'existence d'un revenu acquis en contrepartie des fonctions de cadre dirigeant du contribuable. L'administration établit donc que le contribuable ne peut être regardé comme ayant réalisé un gain en capital taxable dans la catégorie des plus-values mais qu'il a perçu un complément de rémunération, imposable au barème de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du CGI.


(1) Rappr., CE, Plénière, décision du même jour, Min. c/ M. et Mme , n° 428506, à publier au Recueil ; CE, Plénière, décision du même jour, M. et Mme , n° 437498, à publier au Recueil. (2) Cf. CE, Plénière, décision du même jour, Min. c/ M. et Mme , n° 428506, à publier au Recueil. (3) Rappr., s'agissant de gains de cession d'actions, CE, 26 septembre 2014, M. et Mme , n° 365573, T. p. 643 ; CE, 15 février 2019, M. et Mme , n° 408867, T. pp. 688-712-713 ; s'agissant d'une plus-value d'apport, CE, 12 février 2020, M. et Mme , n° 421444, p. 43.

Voir aussi