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Ariane Web: Conseil d'État 454288, lecture du 31 mai 2022

Analyse n° 454288
31 mai 2022
Conseil d'État

N° 454288
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du mardi 31 mai 2022



19-01-03-03 : Contributions et taxes- Généralités- Règles générales d'établissement de l'impôt- Abus de droit et fraude à la loi-

Report d'imposition bénéficiant à une soulte n'excédant pas 10 % qui assortit une opération d'apport à une société contrôlée (art. 150-0 B ter du CGI, dans sa version antérieure à la loi du 29 décembre 2016) - 1) a) Objectif - Favoriser les restructurations d'entreprise, alors que le contribuable ne dispose pas de liquidités (1) - b) Conséquence - Abus de droit - Stipulation d'une soulte dans le but exclusif d'appréhender des liquidités en franchise d'impôt (2) - 2) Espèce - Abus de droit - Société bénéficiaire de l'apport n'ayant aucun intérêt économique à la soulte et ne pouvant la rembourser que par des dividendes à percevoir des sociétés apportées - 3) Conséquence - Imposition immédiate de la soulte en tant que plus-value mobilière.




1) a) En instituant un mécanisme de report d'imposition à l'article 150-0 B ter du code général des impôts (CGI), le législateur a entendu favoriser les restructurations d'entreprises susceptibles d'intervenir par échange de titres en évitant que l'imposition immédiate de la plus-value constatée à l'occasion d'une telle opération, alors que le contribuable ne dispose pas des liquidités lui permettant d'acquitter cet impôt, fasse obstacle à sa réalisation. b) Si, dans la version du texte antérieure à la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, le report d'imposition bénéficie à la totalité de la plus-value résultant d'une opération d'apport avec soulte lorsque le montant de celle-ci n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus en rémunération de l'apport, le but ainsi poursuivi par le législateur n'est pas respecté si la stipulation d'une soulte au profit de l'apporteur en complément de l'attribution de titres de la société bénéficiaire de l'apport n'a aucune autre finalité que de permettre à celui-ci d'appréhender, en franchise immédiate d'impôt, des liquidités détenues par cette société ou par celle dont les titres sont apportés. Dans ce cas, l'administration est fondée, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF), à considérer qu'en stipulant l'octroi de cette soulte, les parties à l'opération d'apport ont recherché le bénéfice d'une application littérale de l'article 150-0 B ter du CGI à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, dans le seul but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'apporteur aurait normalement supportées. 2) Soultes ne pouvant être regardées comme ayant été stipulées dans l'intérêt économique de la société bénéficiaire de l'apport dans le but de permettre le dénouement de l'opération. Société bénéficiaire ne disposant pas des liquidités nécessaires pour procéder aux remboursements de la totalité des sommes inscrites à ce titre au crédit du compte courant d'associé du contribuable. Remboursements par la société bénéficiaire ayant été effectués au moyen des dividendes qui lui avaient été versés, sous le bénéfice du régime des sociétés mères, par les sociétés dont les titres lui avaient été apportés par ce dernier. Alors même que les opérations d'apport ne sont pas elles-mêmes constitutives d'abus de droit, l'administration doit être regardée comme établissant que le versement des soultes litigieuses, caractérisant en l'espèce une appréhension par le contribuable, en franchise immédiate d'impôt, des liquidités des sociétés dont il avait apporté les titres à la société bénéficiaire, qu'il contrôlait, au travers du versement de dividendes par les premières à cette dernière, poursuit un but exclusivement fiscal en recherchant le bénéfice d'une application littérale de l'article 150 0 B ter du CGI contraire à l'intention du législateur et est ainsi constitutif d'un abus de droit. 3) Dans la mesure où l'administration n'a pas regardé comme constitutive d'un abus de droit l'opération d'apport elle-même mais seulement le choix de rémunérer l'apport au moyen d'une soulte bénéficiant du report d'imposition, la mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit a pour seule conséquence la remise en cause, à concurrence de la soulte, du bénéfice du report d'imposition de la plus-value d'apport et la soumission immédiate de celle-ci à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine.





19-04-02-08-01 : Contributions et taxes- Impôts sur les revenus et bénéfices- Revenus et bénéfices imposables règles particulières- Plusvalues des particuliers- Plusvalues mobilières-

Report d'imposition bénéficiant à une soulte n'excédant pas 10 % qui assortit une opération d'apport à une société contrôlée (art. 150-0 B ter du CGI, dans sa version antérieure à la loi du 29 décembre 2016) - 1) a) Objectif - Favoriser les restructurations d'entreprise, alors que le contribuable ne dispose pas de liquidités (1) - b) Conséquence - Abus de droit - Stipulation d'une soulte dans le but exclusif d'appréhender des liquidités en franchise d'impôt (2) - 2) Espèce - Abus de droit - Société bénéficiaire de l'apport n'ayant aucun intérêt économique à la soulte et ne pouvant la rembourser que par des dividendes à percevoir des sociétés apportées - 3) Conséquence - Imposition immédiate de la soulte en tant que plus-value mobilière.




1) a) En instituant un mécanisme de report d'imposition à l'article 150-0 B ter du code général des impôts (CGI), le législateur a entendu favoriser les restructurations d'entreprises susceptibles d'intervenir par échange de titres en évitant que l'imposition immédiate de la plus-value constatée à l'occasion d'une telle opération, alors que le contribuable ne dispose pas des liquidités lui permettant d'acquitter cet impôt, fasse obstacle à sa réalisation. b) Si, dans la version du texte antérieure à la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, le report d'imposition bénéficie à la totalité de la plus-value résultant d'une opération d'apport avec soulte lorsque le montant de celle-ci n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus en rémunération de l'apport, le but ainsi poursuivi par le législateur n'est pas respecté si la stipulation d'une soulte au profit de l'apporteur en complément de l'attribution de titres de la société bénéficiaire de l'apport n'a aucune autre finalité que de permettre à celui-ci d'appréhender, en franchise immédiate d'impôt, des liquidités détenues par cette société ou par celle dont les titres sont apportés. Dans ce cas, l'administration est fondée, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF), à considérer qu'en stipulant l'octroi de cette soulte, les parties à l'opération d'apport ont recherché le bénéfice d'une application littérale de l'article 150-0 B ter du CGI à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, dans le seul but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'apporteur aurait normalement supportées. 2) Soultes ne pouvant être regardées comme ayant été stipulées dans l'intérêt économique de la société bénéficiaire de l'apport dans le but de permettre le dénouement de l'opération. Société bénéficiaire ne disposant pas des liquidités nécessaires pour procéder aux remboursements de la totalité des sommes inscrites à ce titre au crédit du compte courant d'associé du contribuable. Remboursements par la société bénéficiaire ayant été effectués au moyen des dividendes qui lui avaient été versés, sous le bénéfice du régime des sociétés mères, par les sociétés dont les titres lui avaient été apportés par ce dernier. Alors même que les opérations d'apport ne sont pas elles-mêmes constitutives d'abus de droit, l'administration doit être regardée comme établissant que le versement des soultes litigieuses, caractérisant en l'espèce une appréhension par le contribuable, en franchise immédiate d'impôt, des liquidités des sociétés dont il avait apporté les titres à la société bénéficiaire, qu'il contrôlait, au travers du versement de dividendes par les premières à cette dernière, poursuit un but exclusivement fiscal en recherchant le bénéfice d'une application littérale de l'article 150 0 B ter du CGI contraire à l'intention du législateur et est ainsi constitutif d'un abus de droit. 3) Dans la mesure où l'administration n'a pas regardé comme constitutive d'un abus de droit l'opération d'apport elle-même mais seulement le choix de rémunérer l'apport au moyen d'une soulte bénéficiant du report d'imposition, la mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit a pour seule conséquence la remise en cause, à concurrence de la soulte, du bénéfice du report d'imposition de la plus-value d'apport et la soumission immédiate de celle-ci à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine.


(1) Rappr., s'agissant de l'objectif de l'article 150-0 B du CGI, Cons. const., 16 juin 2017, n° 2017-638 QPC, cons. 6 ; CE, décision du même jour, Min. c/ M. et Mme et M. et Mme , n°s 455349 455807, à mentionner aux Tables. (2) Rappr., s'agissant de l'apport de titres à une société contrôlée, suivi de leur cession immédiate sans réinvestissement économique, CE, 8 octobre 2010, Min. c/ M. et Mme , n° 313139, T. p. 716.

Voir aussi