Base de jurisprudence


Analyse n° 489820
2 février 2024
Conseil d'État

N° 489820
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 2 février 2024



39-02-005 : Marchés et contrats administratifs- Formation des contrats et marchés- Formalités de publicité et de mise en concurrence-

Concessions - Pouvoirs de l'autorité délégante - 1) Obligation d'exclure de la procédure de passation les personnes ayant entrepris d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu (art. L. 3123-8 du CCP) - a) Cause - b) Espèce - Société ayant obtenu de telles informations en raison d'un dysfonctionnement informatique majeur de la plateforme utilisée par le pouvoir adjudicateur - Absence - 2) Faculté de remettre en cause les étapes essentielles de la procédure - a) Principe - Absence - b) Espèce - Procédure prévoyant de sélectionner le délégataire sur la base des offres finales - Dysfonctionnement ayant conduit à la communication d'une offre intermédiaire à un concurrent - Refus de poursuivre la procédure et sélection sur la base des offres intermédiaires - Légalité - Existence, eu égard à ces circonstances exceptionnelles.




Syndicat des eaux d'Ile-de-France (SEDIF) ayant engagé une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution d'un contrat de concession. Sociétés Suez Eau France et Veolia ayant chacune présenté une offre initiale puis une offre « intermédiaire ». SEDIF ayant ensuite informé Suez Eau France qu'à la suite d'un dysfonctionnement informatique, Veolia avait eu accès à des données confidentielles concernant son offre et que les négociations en vue de l'attribution de la concession étaient suspendues. SEDIF ayant pris la décision de mettre un terme aux négociations, de ne pas inviter les soumissionnaires à soumettre une offre finale et d'attribuer le contrat au regard des offres intermédiaires. Suez Eau France ayant demandé au juge du référé précontractuel d'annuler cette procédure au stade de cette décision du SEDIF et de lui enjoindre de reprendre la procédure de passation en se conformant à ses obligations. 1) a) La cause d'exclusion facultative prévue à l'article L. 3123-8 du code de la commande publique (CCP) est constituée lorsque l'autorité concédante identifie des éléments précis et circonstanciés indiquant que l'opérateur a effectué des démarches qu'il savait déloyales en vue d'obtenir des informations dont il connaissait le caractère confidentiel et qui étaient susceptibles de lui procurer un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation. b) Juge des référés ayant relevé, pour juger que Veolia ne pouvait être regardée comme ayant entrepris d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation en litige, que des fichiers concernant l'offre de Suez Eau France et identifiables comme tels avaient été mis à la disposition de Veolia en raison d'un dysfonctionnement informatique majeur dû à une erreur de programmation de la plateforme utilisée par le pouvoir adjudicateur et que, si cette dernière société les avait téléchargés, en avait pris connaissance et les avait dupliqués et avait tardé plusieurs jours avant d'informer le pouvoir adjudicateur de cet incident, elle l'en avait averti avant la poursuite de la procédure de négociation et le dépôt de son offre finale, de sorte qu'elle devait être regardée comme ayant nécessairement renoncé à tirer parti de ces éléments dans le cadre de la procédure. Le juge de référés ne commet ni erreur de qualification juridique des faits ni erreur de droit en en déduisant que le SEDIF n'était pas tenu d'exclure la société Veolia de la procédure de passation en litige sur le fondement de l'article L. 3123-8 du CCP. 2) a) Ni les articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT) ni celles, législatives ou réglementaires, du CCP, ne font obligation à l'autorité délégante de définir, préalablement à l'engagement de la négociation, les modalités de celle-ci ni de prévoir le calendrier de ses différentes phases. Toutefois, dans le cas où l'autorité délégante prévoit que les offres seront remises selon des modalités et un calendrier fixé par le règlement de consultation qu'elle arrête, le respect du principe de transparence de la procédure exige en principe qu'elle ne puisse remettre en cause les étapes essentielles de la procédure et les conditions de la mise en concurrence. A cet égard, lorsqu'un règlement de consultation prévoit que les candidats doivent, après une phase de négociation, remettre leur offre finale à une date déterminée, cette phase finale constitue une étape essentielle de la procédure de négociation qui ne peut normalement pas être remise en cause au cours de la procédure. Il appartient cependant à l'autorité délégante de veiller en toute hypothèse au respect des principes de la commande publique, en particulier à l'égalité entre les candidats. b) Après avoir relevé que la décision par laquelle le SEDIF a modifié le déroulement de la procédure en renonçant à recueillir les offres finales des soumissionnaires et en décidant de procéder au choix du délégataire non sur la base de celles-ci mais sur celle des offres intermédiaires déposées en novembre 2022 après une mise au point avec chacun des candidats, avait été prise pour remédier à la transmission par erreur à la société Veolia, de documents relatifs à la négociation menée entre le SEDIF et la société Suez Eau France et aux éléments de l'offre intermédiaire de celle-ci, c'est sans dénaturer les faits de l'espèce et sans commettre d'erreur de droit que le juge des référés a pu en déduire que, dans les circonstances très particulières de l'espèce et en l'absence de manoeuvre, le SEDIF avait pu légalement décider de procéder ainsi au choix du délégataire.





39-02-02-01 : Marchés et contrats administratifs- Formation des contrats et marchés- Mode de passation des contrats- Délégations de service public-

Concessions - Pouvoirs de l'autorité délégante - 1) Obligation d'exclure de la procédure de passation les personnes ayant entrepris d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu (art. L. 3123-8 du CCP) - a) Cause - b) Espèce - Société ayant obtenu de telles informations en raison d'un dysfonctionnement informatique majeur de la plateforme utilisée par le pouvoir adjudicateur - Absence - 2) Faculté de remettre en cause les étapes essentielles de la procédure - a) Principe - Absence - b) Espèce - Procédure prévoyant de sélectionner le délégataire sur la base des offres finales - Dysfonctionnement ayant conduit à la communication d'une offre intermédiaire à un concurrent - Refus de poursuivre la procédure et sélection sur la base des offres intermédiaires - Légalité - Existence, eu égard à ces circonstances exceptionnelles.




Syndicat des eaux d'Ile-de-France (SEDIF) ayant engagé une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution d'un contrat de concession. Sociétés Suez Eau France et Veolia ayant chacune présenté une offre initiale puis une offre « intermédiaire ». SEDIF ayant ensuite informé Suez Eau France qu'à la suite d'un dysfonctionnement informatique, Veolia avait eu accès à des données confidentielles concernant son offre et que les négociations en vue de l'attribution de la concession étaient suspendues. SEDIF ayant pris la décision de mettre un terme aux négociations, de ne pas inviter les soumissionnaires à soumettre une offre finale et d'attribuer le contrat au regard des offres intermédiaires. Suez Eau France ayant demandé au juge du référé précontractuel d'annuler cette procédure au stade de cette décision du SEDIF et de lui enjoindre de reprendre la procédure de passation en se conformant à ses obligations. 1) a) La cause d'exclusion facultative prévue à l'article L. 3123-8 du code de la commande publique (CCP) est constituée lorsque l'autorité concédante identifie des éléments précis et circonstanciés indiquant que l'opérateur a effectué des démarches qu'il savait déloyales en vue d'obtenir des informations dont il connaissait le caractère confidentiel et qui étaient susceptibles de lui procurer un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation. b) Juge des référés ayant relevé, pour juger que Veolia ne pouvait être regardée comme ayant entrepris d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation en litige, que des fichiers concernant l'offre de Suez Eau France et identifiables comme tels avaient été mis à la disposition de Veolia en raison d'un dysfonctionnement informatique majeur dû à une erreur de programmation de la plateforme utilisée par le pouvoir adjudicateur et que, si cette dernière société les avait téléchargés, en avait pris connaissance et les avait dupliqués et avait tardé plusieurs jours avant d'informer le pouvoir adjudicateur de cet incident, elle l'en avait averti avant la poursuite de la procédure de négociation et le dépôt de son offre finale, de sorte qu'elle devait être regardée comme ayant nécessairement renoncé à tirer parti de ces éléments dans le cadre de la procédure. Le juge de référés ne commet ni erreur de qualification juridique des faits ni erreur de droit en en déduisant que le SEDIF n'était pas tenu d'exclure la société Veolia de la procédure de passation en litige sur le fondement de l'article L. 3123-8 du CCP. 2) a) Ni les articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT) ni celles, législatives ou réglementaires, du CCP, ne font obligation à l'autorité délégante de définir, préalablement à l'engagement de la négociation, les modalités de celle-ci ni de prévoir le calendrier de ses différentes phases. Toutefois, dans le cas où l'autorité délégante prévoit que les offres seront remises selon des modalités et un calendrier fixé par le règlement de consultation qu'elle arrête, le respect du principe de transparence de la procédure exige en principe qu'elle ne puisse remettre en cause les étapes essentielles de la procédure et les conditions de la mise en concurrence. A cet égard, lorsqu'un règlement de consultation prévoit que les candidats doivent, après une phase de négociation, remettre leur offre finale à une date déterminée, cette phase finale constitue une étape essentielle de la procédure de négociation qui ne peut normalement pas être remise en cause au cours de la procédure. Il appartient cependant à l'autorité délégante de veiller en toute hypothèse au respect des principes de la commande publique, en particulier à l'égalité entre les candidats. b) Après avoir relevé que la décision par laquelle le SEDIF a modifié le déroulement de la procédure en renonçant à recueillir les offres finales des soumissionnaires et en décidant de procéder au choix du délégataire non sur la base de celles-ci mais sur celle des offres intermédiaires déposées en novembre 2022 après une mise au point avec chacun des candidats, avait été prise pour remédier à la transmission par erreur à la société Veolia, de documents relatifs à la négociation menée entre le SEDIF et la société Suez Eau France et aux éléments de l'offre intermédiaire de celle-ci, c'est sans dénaturer les faits de l'espèce et sans commettre d'erreur de droit que le juge des référés a pu en déduire que, dans les circonstances très particulières de l'espèce et en l'absence de manoeuvre, le SEDIF avait pu légalement décider de procéder ainsi au choix du délégataire.