Base de jurisprudence


Analyse n° 454475
15 février 2024
Conseil d'État

N° 454475
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du jeudi 15 février 2024



14-05-005 : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique- Défense de la concurrence- Autorité de la concurrence-

Projet de concentration de nature à porter atteinte à la concurrence malgré les engagements présentés par les parties - Pouvoirs de l'Autorité - 1) Faculté d'autoriser l'opération en y substituant ou ajoutant des injonctions - 2) Obligation de substituer ou d'ajouter à ces engagements des injonctions dont la faisabilité ou l'efficacité n'aurait pas été établie (1) ou qui modifieraient substantiellement la nature de l'opération - Absence - Faculté d'interdire l'opération dans un tel cas - Existence.




1) Il résulte des articles L. 430-6 et L. 430-7 du code de commerce, que, lorsqu'elle estime qu'une opération est de nature à porter atteinte à la concurrence malgré les engagements présentés par les parties, l'Autorité de la concurrence peut autoriser l'opération en enjoignant aux parties de prendre toute mesure propre à assurer une concurrence suffisante ou en les obligeant à observer des prescriptions de nature à apporter au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. 2) Toutefois, l'Autorité de la concurrence, qui doit se prononcer en respectant l'impératif de célérité qui caractérise l'économie générale de la procédure d'examen des projets d'opération de concentration, ne saurait se substituer aux parties, auxquelles il incombe en premier lieu de proposer des engagements de nature à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération. Lorsque tel n'est pas le cas des engagements proposés, l'Autorité de la concurrence ne saurait être tenue d'y substituer ou d'y ajouter des injonctions dont, eu égard notamment à la nature et à l'importance des effets anticoncurrentiels de l'opération de concentration envisagée et à la difficulté de déterminer des mesures adéquates pour les compenser, la faisabilité ou l'efficacité n'aurait pas été établie par l'instruction du dossier, ou qui modifieraient substantiellement la nature de l'opération concernée, et peut alors, sans porter une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie, décider d'interdire l'opération.





14-05-01 : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique- Défense de la concurrence- Contrôle de la concentration économique-

1) « Infrastructure essentielle » non soumise à une réelle pression concurrentielle - Notion (2) - Illustration - Pipeline Méditerranée-Rhône - 2) Projet de nature à porter atteinte à la concurrence malgré les engagements présentés par les parties - Pouvoirs de l'Autorité de la concurrence - a) Faculté d'autoriser l'opération en y substituant ou ajoutant des injonctions - b) Obligation de substituer ou d'ajouter aux engagements des injonctions dont la faisabilité ou l'efficacité n'aurait pas été établie (1) ou qui modifieraient substantiellement la nature de l'opération - Absence - Faculté d'interdire l'opération dans un tel cas - Existence.




1) Requérantes contestant l'analyse par laquelle l'Autorité de la concurrence a estimé que le pipeline Méditerranée-Rhône (PMR) constitue une infrastructure essentielle sur le marché du transport de produits pétroliers raffinés dans le sud de la France et soutenant que le PMR fait l'objet d'une pression concurrentielle tenant à l'existence de modes de transport alternatifs. D'une part, le montant élevé des investissements requis pour la construction d'un oléoduc et les contraintes réglementaires y afférentes ne rendent pas envisageable l'entrée sur le marché d'un nouvel acteur susceptible de représenter une alternative crédible au PMR sur l'ensemble de son tracé. D'autre part, les autres modes de transport de produits pétroliers raffinés ne constituent pas une alternative crédible au PMR, si ce n'est de manière marginale pour le transport par camions sur le tronçon Marseille - Puget-sur-Argens. En effet, le transport, qu'il soit effectué par camion, barge ou train, outre un coût sensiblement plus élevé, ne permet pas d'assurer un volume d'approvisionnement comparable au PMR et n'offre pas les mêmes garanties en termes d'approvisionnement, de sécurité et de limitation des émissions de dioxyde de carbone. S'agissant du tronçon Marseille - Puget-sur-Argens, un report de l'activité du PMR sur le transport par camion n'est ainsi envisageable que pendant une partie de l'année, lorsque la fréquentation routière est modérée, et pour des volumes limités. Par ailleurs, si le transport par barge, lorsqu'il est possible, ou par train, sont à même de concerner des volumes plus importants que le transport par camion, ils ne permettent pas d'offrir une sécurité des approvisionnements comparable au transport par oléoduc. En outre, la plupart des dépôts actuellement connectés au PMR ne sont pas équipés d'installations pour recevoir de tels moyens de transport et leur interconnexion éventuelle serait excessivement coûteuse et difficile à mettre en oeuvre. Ces modes de transport ne constituent donc pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, une alternative crédible au PMR. Dès lors, le PMR a la nature d'une infrastructure essentielle non soumise à une réelle pression concurrentielle. 2) a) Il résulte des articles L. 430-6 et L. 430-7 du code de commerce, que, lorsqu'elle estime qu'une opération est de nature à porter atteinte à la concurrence malgré les engagements présentés par les parties, l'Autorité de la concurrence peut autoriser l'opération en enjoignant aux parties de prendre toute mesure propre à assurer une concurrence suffisante ou en les obligeant à observer des prescriptions de nature à apporter au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. b) Toutefois, l'Autorité de la concurrence, qui doit se prononcer en respectant l'impératif de célérité qui caractérise l'économie générale de la procédure d'examen des projets d'opération de concentration, ne saurait se substituer aux parties, auxquelles il incombe en premier lieu de proposer des engagements de nature à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération. Lorsque tel n'est pas le cas des engagements proposés, i) l'Autorité de la concurrence ne saurait être tenue d'y substituer ou d'y ajouter des injonctions dont, eu égard notamment à la nature et à l'importance des effets anticoncurrentiels de l'opération de concentration envisagée et à la difficulté de déterminer des mesures adéquates pour les compenser, la faisabilité ou l'efficacité n'aurait pas été établie par l'instruction du dossier, ii) ou qui modifieraient substantiellement la nature de l'opération concernée, et peut alors, sans porter une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie, décider d'interdire l'opération.


(2) Rappr. CJCE, 26 novembre 1998, Oscar Bronner, aff. C-7/97, pts. 43 et 44 ; CJCE, 29 avril 2004, IMS Health, aff. C-418/01, pt. 28. (1) Rappr., sous l'empire de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, CE, Section, 9 avril 1999, Société The Coca-Cola Company, n° 201853, p. 119.