Base de jurisprudence


Analyse n° 490578
25 mars 2024
Conseil d'État

N° 490578
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Lecture du lundi 25 mars 2024



46-01-02-02 : Outremer- Droit applicable- Statuts- Polynésie française-

Règlement intérieur de l'assemblée de la collectivité - 1) Contestation d'une « loi du pays » - Opérance du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de ce règlement relatives aux commissions législatives de cette assemblée - Existence (1) - 2) Portée - Faculté du président de cette assemblée de demander une seconde délibération d'une commission - Absence - Irrégularité susceptible de constituer une privation de garantie au sens de la jurisprudence Danthony (2) - Existence.




1) Les dispositions du règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française qui procèdent à la création des commissions législatives de cette assemblée, fixent leur rôle et déterminent les conditions dans lesquelles elles sont appelées à examiner les projets de « loi du pays » sont nécessaires pour préciser les règles de fonctionnement de l'assemblée de la Polynésie française fixées par la loi organique. Il en va ainsi, en particulier, des dispositions du règlement intérieur qui prévoient que les projets de « loi du pays », après avoir été enregistrés au secrétariat général de l'assemblée et transmis par le président de l'assemblée à la commission compétente, sont examinés par celle-ci et amendés en tant que de besoin, puis font l'objet d'un rapport diffusé aux membres de l'assemblée, avant d'être inscrits à l'ordre du jour d'une séance. Des moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions du règlement intérieur peuvent ainsi être utilement invoqués à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une « loi du pays ». 2) Aucune disposition de la loi organique, ni du règlement intérieur ne prévoit la possibilité, pour le président de l'assemblée, lorsque la commission compétente a épuisé sa compétence en adoptant un projet de « loi du pays » après l'avoir examiné et, le cas échéant, amendé, de la convoquer à nouveau afin qu'elle en délibère une seconde fois. En particulier, les dispositions de l'article 63 du règlement intérieur, qui permettent au président de l'assemblée ou à la majorité de ses membres de convoquer la réunion d'une commission et d'en fixer l'ordre du jour, n'ont pas cet objet et ne peuvent être regardées comme ayant cette portée. Dès lors, la circonstance que la commission compétente de l'assemblée de la Polynésie française a été convoquée à nouveau par le président de l'assemblée et a procédé, alors qu'elle s'était déjà prononcée, à une seconde délibération du projet d'acte en cause, avant son examen par l'assemblée, est constitutive d'une irrégularité qui entache la procédure d'adoption de la « loi du pays » attaquée. Cette irrégularité ayant privé les représentants à l'assemblée de la Polynésie française d'une garantie et ayant été de nature à exercer une influence sur le sens de la délibération attaquée, la loi du pays qu'ils attaquent est annulée.


(1) Cf., sur les conditions d'invocabilité du règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française dans le cadre d'un recours contre une loi du pays de cette collectivité, CE, 28 septembre 2007, Syndicat CSTP-FO (Confédération des syndicats des travailleurs de Polynésie - Force Ouvrière) et Bernière, n°s 306515 306760, p. 409. (2) Cf. CE, Assemblée, 23 décembre 2011, M. Danthony et autres, n° 335033, p. 649.