Base de jurisprudence


Analyse n° 469793
27 novembre 2025
Conseil d'État

N° 469793
Publié au recueil Lebon

Lecture du jeudi 27 novembre 2025



55-03-01-02 : Professions, charges et offices- Conditions d`exercice des professions- Médecins- Règles diverses s`imposant aux médecins dans l`exercice de leur profession-

Accomplissement d'un acte en méconnaissance de la volonté du patient - Acte indispensable à la survie du patient et proportionné à son état - Faute de nature à engager le service public hospitalier - Refus de transfusion sanguine - 1) Cas où le refus a été exprimé alors que les circonstances ne permettaient pas d'envisager effectivement la réalisation d'un risque mortel requérant une transfusion urgente en cours d'intervention - Absence - 2) Cas où le refus du patient a été exprimé de façon catégorique après avoir été informé de manière circonstanciée des risques - Existence (1).




Requérante ayant indiqué avant une intervention chirurgicale, par oral et par des directives écrites, son refus de toute transfusion sanguine y compris dans le cas où sa vie serait en danger, conduisant l'équipe médicale à prévoir, avec son accord, un dispositif de transfusion autologue susceptible d'être mis en oeuvre en cas de besoin. Dégradation de l'état de santé de la patiente au cours de l'intervention, la plaçant brusquement dans une situation imprévue d'urgence vitale. Le dispositif de transfusion autologue ne suffisant pas à maîtriser un risque mortel d'hémorragie, chirurgiens ayant pratiqué immédiatement une première transfusion, puis, alors qu'elle était entrée en service de réanimation, une deuxième transfusion. Requérante informée, à son réveil, de ce que ces deux transfusions avaient dû être réalisées, et ayant réitéré à plusieurs reprises son opposition à toute transfusion sanguine. Médecins ayant administré, deux jours après la première transfusion, au vu d'un risque imminent pour la survie de la patiente, une sédation pour procéder, à son insu, à une troisième transfusion sanguine, dont elle n'a pris connaissance qu'en obtenant ultérieurement communication de son dossier médical. 1) Cour ayant retenu, par une appréciation souveraine, que le contexte dans lequel la requérante avait exprimé sa volonté de ne pas avoir recours aux transfusions sanguines, alors qu'elle s'apprêtait à subir une opération qui présentait un caractère ordinaire, qu'elle n'était pas personnellement exposée au risque d'hémorragie, qu'elle n'avait pas été informée du risque, connu mais rare, de perforation de l'artère iliaque et qu'une assurance lui avait été donnée qu'elle pourrait bénéficier, en cas de besoin, d'un dispositif de transfusion autologue, ne lui permettait pas d'envisager effectivement la réalisation d'un risque mortel d'hémorragie requérant une transfusion urgente en cours d'intervention. En en déduisant que, dans ces conditions, les deux premières transfusions litigieuses, qui étaient indispensables à la survie de la requérante et proportionnées à son état, ne pouvaient, bien que ne respectant pas les termes de ses directives orales et écrites, constituer une faute du service public hospitalier, la cour administrative d'appel a exactement qualifié les faits de l'espèce et n'a pas commis d'erreur de droit. 2) Cour ayant relevé qu'à la date de la troisième transfusion, la requérante avait retrouvé sa conscience, qu'elle avait été informée de manière circonstanciée du fait que le refus d'une nouvelle transfusion l'exposait à un risque de décès à court terme en raison d'une anémie sévère et de l'échec d'un traitement alternatif, et qu'elle avait néanmoins redit, à plusieurs reprises, son refus de toute transfusion aux médecins, le caractère catégorique de ce refus ayant d'ailleurs conduit ces derniers à la placer sous sédation pour l'empêcher de s'opposer à cet acte médical. En jugeant que, dans de telles circonstances, cette transfusion présentait, alors même qu'elle visait à sauver la vie d'une patiente se trouvant dans une situation d'urgence vitale, un caractère fautif, elle a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et n'a pas commis d'erreur de droit.





60-02-01-01-02 : Responsabilité de la puissance publique- Responsabilité en raison des différentes activités des services publics- Service public de santé- Établissements publics d`hospitalisation- Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux-

Accomplissement d'un acte en méconnaissance de la volonté du patient - Acte indispensable à la survie du patient et proportionné à son état - 1) Faute de nature à engager le service public hospitalier - Refus de transfusion sanguine - a) Cas où le refus a été exprimé alors que les circonstances ne permettaient pas d'envisager effectivement la réalisation d'un risque mortel requérant une transfusion urgente en cours d'intervention - Absence - b) Cas où le refus du patient a été exprimé de façon catégorique après avoir été informé de manière circonstanciée des risques - Existence (1) - 2) Préjudice indemnisable - Trouble dans les conditions d'existence - Absence.




Requérante ayant indiqué avant une intervention chirurgicale, par oral et par des directives écrites, son refus de toute transfusion sanguine y compris dans le cas où sa vie serait en danger, conduisant l'équipe médicale à prévoir, avec son accord, un dispositif de transfusion autologue susceptible d'être mis en oeuvre en cas de besoin. Dégradation de l'état de santé de la patiente au cours de l'intervention, la plaçant brusquement dans une situation imprévue d'urgence vitale. Le dispositif de transfusion autologue ne suffisant pas à maîtriser un risque mortel d'hémorragie, chirurgiens ayant pratiqué immédiatement une première transfusion, puis, alors qu'elle était entrée en service de réanimation, une deuxième transfusion. Requérante informée, à son réveil, de ce que ces deux transfusions avaient dû être réalisées, et ayant réitéré à plusieurs reprises son opposition à toute transfusion sanguine. Médecins ayant administré, deux jours après la première transfusion, au vu d'un risque imminent pour la survie de la patiente, une sédation pour procéder, à son insu, à une troisième transfusion sanguine, dont elle n'a pris connaissance qu'en obtenant ultérieurement communication de son dossier médical. 1) a) Cour ayant retenu, par une appréciation souveraine, que le contexte dans lequel la requérante avait exprimé sa volonté de ne pas avoir recours aux transfusions sanguines, alors qu'elle s'apprêtait à subir une opération qui présentait un caractère ordinaire, qu'elle n'était pas personnellement exposée au risque d'hémorragie, qu'elle n'avait pas été informée du risque, connu mais rare, de perforation de l'artère iliaque et qu'une assurance lui avait été donnée qu'elle pourrait bénéficier, en cas de besoin, d'un dispositif de transfusion autologue, ne lui permettait pas d'envisager effectivement la réalisation d'un risque mortel d'hémorragie requérant une transfusion urgente en cours d'intervention. En en déduisant que, dans ces conditions, les deux premières transfusions litigieuses, qui étaient indispensables à la survie de la requérante et proportionnées à son état, ne pouvaient, bien que ne respectant pas les termes de ses directives orales et écrites, constituer une faute du service public hospitalier, la cour administrative d'appel a exactement qualifié les faits de l'espèce et n'a pas commis d'erreur de droit. b) Cour ayant relevé qu'à la date de la troisième transfusion, la requérante avait retrouvé sa conscience, qu'elle avait été informée de manière circonstanciée du fait que le refus d'une nouvelle transfusion l'exposait à un risque de décès à court terme en raison d'une anémie sévère et de l'échec d'un traitement alternatif, et qu'elle avait néanmoins redit, à plusieurs reprises, son refus de toute transfusion aux médecins, le caractère catégorique de ce refus ayant d'ailleurs conduit ces derniers à la placer sous sédation pour l'empêcher de s'opposer à cet acte médical. En jugeant que, dans de telles circonstances, cette transfusion présentait, alors même qu'elle visait à sauver la vie d'une patiente se trouvant dans une situation d'urgence vitale, un caractère fautif, elle a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et n'a pas commis d'erreur de droit. 2) Un acte médical dont les seules conséquences matérielles ont été de sauver la vie d'un patient ne peuvent entrainer pour lui un préjudice indemnisable au titre des troubles dans les conditions d'existence. Un tel acte peut néanmoins justifier l'indemnisation d'un préjudice moral.





60-04-01-04 : Responsabilité de la puissance publique- Réparation- Préjudice- Caractère indemnisable du préjudice Questions diverses-

Accomplissement fautif d'un acte en méconnaissance de la volonté du patient - Acte médical dont les seules conséquences matérielles ont été de sauver la vie d'un patient - Trouble dans les conditions d'existence - Absence.




Un acte médical dont les seules conséquences matérielles ont été de sauver la vie d'un patient ne peuvent entrainer pour lui un préjudice indemnisable au titre des troubles dans les conditions d'existence. Un tel acte peut néanmoins justifier l'indemnisation d'un préjudice moral.


(1) Comp., CE, Assemblée, 26 octobre 2001, Mme , n° 198546, p. 514.