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Ariane Web: Conseil d'État 281098, lecture du 5 avril 2006, ECLI:FR:CESSR:2006:281098.20060405

Décision n° 281098
5 avril 2006
Conseil d'État

N° 281098
ECLI:FR:CESSR:2006:281098.20060405
Inédit au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Genevois, président
Mlle Emmanuelle Cortot, rapporteur
M. Vallée, commissaire du gouvernement
SCP VUITTON, VUITTON, avocats


Lecture du mercredi 5 avril 2006
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le recours, enregistré le 1er juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 31 mars 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à la demande de la société Midex, a, d'une part, annulé le jugement du 11 mars 2004 du tribunal administratif de Melun rejetant la demande de la société Midex tendant à la décharge de l'imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2000 et 2001 et, d'autre part, déchargé celle-ci des impositions en litige ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 63-813 du 6 août 1963 autorisant la ratification de la convention entre la France et le Liban du 24 juillet 1962, ensemble le décret n° 64-5 du 2 janvier 1964 portant publication de cette convention ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Emmanuelle Cortot, Auditeur,

- les observations de la SCP Vuitton, Vuitton, avocat de la société Midex,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Midex, de droit libanais, ayant son siège au Liban, a notamment pour objet, ainsi qu'il résulte de ses statuts, de procéder au Liban et à l'étranger, pour son compte ou le compte de tiers, à toutes opérations commerciales relatives à l'achat et la vente (...) ; que sa représentation française, installée dans l'aérogare de fret d'Orly, a pour activité essentielle l'acheminement, le dédouanement et la distribution de colis par voie aérienne, en particulier vers le Moyen Orient, Madagascar et l'Ile Maurice ; qu'elle dispose à cette fin, à Orly, de locaux aménagés d'une surface d'environ 300 m², dans lesquels sont affectés en permanence quatre salariés ainsi que du personnel intermittent ; que cette représentation a été assujettie à l'imposition forfaitaire annuelle au titre des exercices 2000 et 2001 ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 mars 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris annulant le jugement rendu le 11 mars 2004 par le tribunal administratif de Melun, a accordé à la société Midex la décharge des cotisations d'imposition forfaitaire annuelle susmentionnées ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du recours :

Considérant qu'aux termes de l'article 223 septies du code général des impôts : Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont assujetties à une imposition forfaitaire annuelle (...) ; qu'aux termes de l'article 209 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ; qu'aux termes de l'article 10 de la convention signée le 24 juillet 1962 entre la France et le Liban, qui vise à prévenir la double imposition d'un contribuable dans ces deux Etats au titre de l'impôt sur les sociétés : 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat à moins que l'entreprise n'exerce une activité industrielle ou commerciale dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. (...) ; qu'aux termes de l'article 3.1. de la même convention : Le terme établissement stable désigne une installation fixe d'affaires où une entreprise exerce tout ou partie de son activité./ a) Constituent notamment des établissements stables :/ (...) cc) un bureau ; / (...) ee) un atelier ; / (...) ; que par suite, en se fondant, pour écarter la qualification d'établissement stable, sur le motif que la représentation française de la société Midex ne disposait pas d'une indépendance suffisante, sans rechercher si cette représentation constituait une installation fixe d'affaires au sens des stipulations précitées de la convention signée le 24 juillet 1962 entre la France et le Liban, la cour a commis une erreur de droit ; qu'ainsi, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'eu égard à la nature des installations fixes dont elle dispose, la représentation française de la société Midex constitue un établissement stable, au sens des stipulations précitées de la convention signée le 24 juillet 1962 ; qu'elle est donc en principe soumise à l'imposition forfaitaire annuelle ;

Considérant, il est vrai, que la société Midex se prévaut des stipulations de l'article 12 de cette convention, aux termes desquelles les revenus provenant de l'exploitation des entreprises de navigation maritime ou aérienne ne sont imposables que dans l'Etat contractant où se trouve le siège de la direction effective de l'entreprise ;

Mais considérant que, s'il n'est pas contesté que la société Midex assure le transport de colis par voie aérienne, il ne résulte pas de l'instruction, qu'elle exploiterait elle-même des aéronefs ; qu'elle ne saurait dès lors être regardée comme une entreprise de navigation aérienne au sens des stipulations précitées ;

Considérant qu'il résulte, dès lors, de l'application combinée des stipulations susrappelées de la convention signée le 24 juillet 1962 et des dispositions précitées des articles 233 septies et 209 du code général des impôts que la représentation française de la société Midex est assujettie à une imposition forfaitaire annuelle ; que la société Midex n'est, par suite, pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2000 et 2001 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société Midex au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :
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Article 1er : L' arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 31 mars 2005 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la société Midex devant la cour administrative d'appel de Paris et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société Midex.