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Ariane Web: Conseil d'État 342409, lecture du 12 avril 2013, ECLI:FR:CEASS:2013:342409.20130412

Décision n° 342409
12 avril 2013
Conseil d'État

N° 342409
ECLI:FR:CEASS:2013:342409.20130412
Publié au recueil Lebon
Assemblée
M. Jean Lessi, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE, avocats


Lecture du vendredi 12 avril 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu 1°, sous le n° 342409, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 août et 10 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'association coordination interrégionale stop THT, dont le siège est Mairie de Buais à Buais (50640) ; l'association coordination interrégionale stop THT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 juin 2010 du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, portant déclaration d'utilité publique, en vue de l'institution de servitudes, des travaux d'établissement d'une ligne électrique aérienne à deux circuits à 400 000 volts dite "Cotentin-Maine", de modification de la ligne "Menuel-Launay", et de raccordement des postes "amont" et "aval" de la ligne "Cotentin-Maine", et emportant mise en compatibilité d'un certain nombre de documents locaux d'urbanisme ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu 2°, sous le n° 342569, la requête, enregistré le 19 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la commune de Chevreville, représentée par son maire ; la commune de Chevreville demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 25 juin 2010 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




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Vu 3°, sous le n° 342689, la requête, enregistrée le 24 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Christophe Demas, demeurant ancienne route de Fougère, 2 lotissement du Clos Rossignol à Ernée (53300), l'association "Les verts Pays-de-la-Loire", dont le siège est 69, rue des Hauts Pavés à Nantes (44000), l'association "les verts Mayenne", dont le siège est 73, rue du Val de Mayenne à Laval (53000) et par l'association "Verts d'Ouest", dont le siège est chemin de Saint-Pierre le Pottier à Laval-lès-Bains (53000) ; M. Demas et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 25 juin 2010 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




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Vu 4°, sous le n° 342740, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août et 25 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Buais, la commune de Heusse, la commune du Chefresne, la commune de Saint-Symphorien des Monts, la commune de Villechien, la commune de Levare, la commune de Montaudin, la commune de Saint-Berthevin la Tannière, toutes représentées par leurs maires respectifs, pour M. Guy Cousin, demeurant "Le Bourg" à Ferrières (50640) et pour M. Serge Heurtier-Gueguen, demeurant "La Gabolerie" à Ferrières (50640) ; la commune de Buais et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 25 juin 2010 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




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Vu 5°, sous le n° 342748, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août et 26 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la communauté d'agglomération de Vitré, dont le siège est 16 bis, boulevard des Rochers BP 20613 à Vitré Cedex (35506), représentée par son président ; la communauté d'agglomération de Vitré demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 25 juin 2010 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




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Vu 6°, sous le n° 342821, la requête, enregistrée le 27 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le comité de réflexion d'information et de lutte anti-nucléaire (CRILAN), dont le siège est 10, route d'Etang-Val à Les Pieux (50340) ; le CRILAN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 25 juin 2010 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 ;

Vu la directive n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 ;

Vu la directive n° 2009/28/CE du 23 avril 2009 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 ;

Vu la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;

Vu le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le décret n° 2007-995 du 31 mai 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société Réseau de transport d'Electricité, de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la commune de Buais, de la commune de Heusse, de la commune du Chefresne, de la commune de Saint-Symphorien des Monts, de la commune de Villechien, de la commune de Levare, de la commune de Montaudin, de la commune de Saint-Berthevin La Tanniere, de M. Guy Cousin et de M. Serge Heurtier-Gueguen et de la SCP Gaschignard, avocat de la communauté d'agglomération de Vitré,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société Réseau de transport d'Electricité, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la commune de Buais, de la commune de Heusse, de la commune du Chefresne, de la commune de Saint-Symphorien des Monts, de la commune de Villechien, de la commune de Levare, de la commune de Montaudin, de la commune de Saint-Berthevin La Tanniere, de M. Guy Cousin et de M. Serge Heurtier-Gueguen et à la SCP Gaschignard, avocat de la communauté d'agglomération de Vitré ;



1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même arrêté du 25 juin 2010 par lequel le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, a déclaré d'utilité publique, en vue de l'institution de servitudes, les travaux tendant à l'établissement d'une ligne électrique aérienne à très haute tension de 400 000 volts dite " Cotentin-Maine " entre les communes de Raids et Saint-Sébastien-de-Raids (Manche) et la commune de Beaulieu-sur-Oudon (Mayenne), au raccordement de cette ligne aux lignes existantes, à la modification de la ligne existante " Menuel-Launay ", ainsi qu'à la mise en compatibilité de plusieurs documents d'urbanisme ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 35 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, alors en vigueur, et de l'article 7 du décret du 11 juin 1970 pris pour son application que la déclaration d'utilité publique de travaux de construction d'une ligne électrique d'une tension supérieure ou égale à 225 kilovolts qui ne nécessitent que l'établissement de servitudes et n'impliquent aucun recours à l'expropriation est prononcée, lorsque cette opération n'est pas compatible avec les dispositions d'un document local d'urbanisme, par arrêté conjoint du ministre chargé de l'électricité et du ministre chargé de l'urbanisme ;

3. Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que la déclaration d'utilité publique attaquée aurait dû être prononcée par arrêté préfectoral ou interpréfectoral ou par décret en Conseil d'Etat en application des articles R. 11-1 et R. 11-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; que ces textes ne sont toutefois applicables que lorsque l'utilité publique est déclarée en vue de l'expropriation ; que les ouvrages d'établissement de la ligne à très haute tension envisagés par l'arrêté attaqué ne nécessitent que l'établissement de servitudes et entrent dès lors dans les prévisions de l'article 7 du décret du 11 juin 1970 ; qu'il est vrai que d'autres travaux, tels que notamment la réalisation des postes de raccordement de la ligne et les accès à ces postes, nécessitent des expropriations, alors qu'ils relèvent de la même opération que l'établissement de la ligne à très haute tension ; que, toutefois, si l'unicité de l'opération implique qu'il ne soit pas procédé de manière séparée à l'appréciation de l'utilité publique des différents ouvrages qui la composent, elle est en revanche sans incidence sur la détermination des règles de compétence applicables, selon leurs objets respectifs, aux actes déclaratifs d'utilité publique de chacun de ces ouvrages ;

4. Considérant, en second lieu, qu'à la date de l'arrêté attaqué, le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat était, en vertu du décret du 31 mai 2007 relatif à ses attributions, simultanément en charge de la politique de l'énergie et de l'urbanisme ; qu'il suit de là que ce ministre avait compétence pour prendre seul l'arrêté attaqué ; qu'en vertu de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, le directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages et le directeur de l'énergie avaient compétence pour signer cet arrêté au nom du ministre ;

En ce qui concerne la régularité de l'arrêté attaqué :

5. Considérant que, conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, l'original de l'arrêté attaqué comporte les nom, prénom et qualité ainsi que la signature de ses auteurs ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui exigent que l'acte déclarant l'utilité publique soit " accompagné d'un document qui expose les motifs et considérations justifiant le caractère d'utilité publique de l'opération ", ne sont pas applicables aux déclarations d'utilité publique prises sur le fondement de l'article 35 de la loi du 8 avril 1946 et de l'article 7 du décret du 11 juin 1970 ; que les requérants ne sauraient, par suite, utilement soutenir que ces dispositions ont été méconnues ;

7. Considérant que l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : " (...) lorsqu'une décision d'octroi ou de refus de l'autorisation concernant le projet soumis à l'étude d'impact a été prise, l'autorité compétente en informe le public et, sous réserve du secret de la défense nationale, met à sa disposition les informations suivantes : (...) / - les motifs qui ont fondé la décision (...) " ; que si ces dispositions exigent que l'auteur d'une déclaration d'utilité publique porte à la connaissance du public, dans un délai raisonnable, les motifs qui l'ont fondée, elles ne sauraient être interprétées comme imposant la motivation de la déclaration d'utilité publique ou la publication simultanée de la décision et de ses motifs ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait, faute de motivation ou de publicité simultanée de ses motifs, les dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'environnement ; que, pour les mêmes raisons, l'arrêté attaqué n'est pas incompatible avec les stipulations du paragraphe 9 de l'article 6 de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998, selon lesquelles " (...) Chaque partie communique au public le texte de la décision assorti des motifs et considérations sur lesquels ladite décision est fondée " ; que les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'il serait incompatible avec les dispositions de l'article 9 de la directive du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, dont l'article L. 122-1 du code de l'environnement assure une transposition complète ;

8. Considérant, enfin, qu'aucune disposition législative ou réglementaire applicable aux déclarations d'utilité publique prises sur le fondement de l'article 35 de la loi du 8 avril 1946 et de l'article 7 du décret du 11 juin 1970 n'imposait la mention, dans l'arrêté attaqué, du bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique ;

En ce qui concerne la durée de l'enquête publique :

9. Considérant que l'article R. 123-13 du code de l'environnement, applicable en l'espèce, dispose que la durée de l'enquête publique ne peut être " ni inférieure à un mois ni, sauf prorogation d'une durée maximum de quinze jours décidée par (...) la commission d'enquête, excéder deux mois " ; que la durée de l'enquête publique, initialement fixée à un mois, du 2 juin au 3 juillet 2009, par l'arrêté du 6 mai 2009 des préfets de la Manche, de la Mayenne, d'Ille-et-Vilaine et du Calvados, a été prorogée jusqu'au 17 juillet 2009 à la demande de la commission d'enquête ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette durée totale d'enquête publique n'aurait pas permis à l'ensemble des personnes et des groupements intéressés de prendre connaissance du projet, d'en mesurer les impacts et d'émettre leurs observations ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure aurait, sur ce point, méconnu les dispositions du code de l'environnement ainsi que l'exigence tenant à ce que les autorités compétentes prévoient des " délais raisonnables " pour son déroulement, résultant des stipulations du paragraphe 3 de l'article 6 de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998, doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré, par la voie d'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 6 mai 2009 en tant qu'il fixe la durée initiale de l'enquête publique, doit en tout état de cause être écarté ;

En ce qui concerne l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête publique :

10. Considérant qu'il résulte de l'article 7 du décret du 11 juin 1970 que le dossier soumis à enquête publique doit comporter une étude d'impact ; que le contenu de cette étude est fixé par l'article R. 122-3 du code de l'environnement dans sa rédaction alors en vigueur, applicable en vertu des dispositions combinées de l'article L. 122-1 et du 5° de l'article R. 122-5 du même code, et aux termes duquel : " I - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / II. - L'étude d'impact présente successivement : / 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; / 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; / 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; (...) / III. - Afin de faciliter la prise de connaissance par le public des informations contenues dans l'étude, celle-ci fait l'objet d'un résumé non technique. / IV. - Lorsque la totalité des travaux prévus au programme est réalisée de manière simultanée, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacune des phases de l'opération doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme (...) " ;

S'agissant du périmètre de l'étude d'impact :

11. Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier que l'établissement de la ligne électrique à très haute tension " Cotentin-Maine " se justifie notamment par le souci d'adapter le réseau de transport d'électricité à la mise en service à venir de l'installation nucléaire " Flamanville 3 ", la construction de cette installation nucléaire constitue toutefois un programme distinct du projet de construction de la ligne à très haute tension ; que l'impact propre de l'installation nucléaire " Flamanville 3 " n'avait, par conséquent, pas à être pris en compte dans l'étude d'impact relative à la ligne électrique " Cotentin-Maine " ;

12. Considérant que la future ligne électrique " Cotentin-Maine " et l'actuelle ligne électrique " Flamanville-Terrette " ne sauraient, de même, être regardées comme formant un même programme au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 122-3 du code de l'environnement ; que, notamment, il ne ressort pas du dossier que la mise en service de la ligne " Cotentin-Maine " aurait par elle-même une incidence sur les conditions de fonctionnement de la ligne " Flamanville-Terrette " dont l'étude d'impact aurait dû rendre compte ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'étude d'impact aurait été illégalement fractionnée, au regard des dispositions du IV de l'article R. 122-3, et ne serait, pour cette raison, pas en relation avec l'importance du projet en cause, ainsi que l'exige le I du même article, ne peut qu'être écarté ; que les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'arrêté attaqué serait, pour cette raison, incompatible avec les dispositions de la directive du 27 juin 1985 alors en vigueur, dont l'article R. 122-3 assure sur ce point une transposition complète ;

S'agissant de l'analyse, dans l'étude d'impact, des effets du projet sur l'environnement, telle que prévue notamment au 2° de l'article R. 122-3 :

14. Considérant que la circonstance que le tracé général du projet soit représenté sur des cartes au 1/25 000ème, alors que les cartes relatives à l'état initial de l'environnement ont une échelle différente, n'est pas de nature à empêcher le public d'apprécier l'impact du projet sur cet état initial ;

15. Considérant que si les requérants soutiennent que l'insuffisante précision de l'étude quant au tracé de la ligne, et notamment quant à l'implantation des pylônes, faisait obstacle à ce que le public apprécie les effets directs et indirects du projet, ni l'étude d'impact ni aucun autre élément du dossier soumis à enquête publique n'avait à indiquer une localisation exacte des pylônes, qui pouvait légalement ne pas être encore arrêtée au stade de l'enquête ; que, de même et en tout état de cause, la procédure d'enquête ne saurait être regardée comme étant incompatible, pour ce motif, avec les stipulations du paragraphe 2 de l'article 6 de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 ;

16. Considérant que l'étude d'impact présente, en revanche, de manière détaillée les dimensions et les caractéristiques des différents types de pylônes qui seront mis en place, ainsi que leur effet sur le paysage ; qu'elle présente une série de montages photographiques qui, bien qu'ils ne couvrent pas la totalité du tracé, mettent le public en mesure d'apprécier les modalités d'insertion des pylônes, de la nappe de fils et des autres ouvrages dans les paysages, sans qu'il ressorte des pièces du dossier que le choix des angles ou des prises de vue soit de nature à induire le public en erreur ; qu'en particulier, et contrairement à ce qui est soutenu, les effets de la ligne sur les espaces boisés sont analysés avec précision ;

17. Considérant qu'il ressort du dossier que les effets sur l'environnement des travaux d'enfouissement partiel de la ligne " Flers-Launay ", prévus conjointement à la réalisation de la ligne " Cotentin-Maine ", sont étudiés de manière suffisamment détaillée ; que la circonstance que ces travaux correspondent à des engagements résultant du " contrat de service public " conclu entre la société Electricité de France et l'Etat ne faisait pas obstacle à ce qu'ils soient présentés, dans l'étude d'impact, au titre des mesures visant à compenser l'impact visuel de la ligne " Cotentin-Maine " ;

18. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, l'étude d'impact, qui n'avait pas à comporter un état initial de l'intensité acoustique sur le tracé de la future ligne, présente les caractéristiques des nuisances sonores induites par les lignes à très haute tension ;

19. Considérant que l'incidence des pylônes sur l'écoulement des eaux en période de crues a été suffisamment analysée dans l'étude d'impact, qui pouvait renvoyer à des études ultérieures le soin de préciser les mesures préventives nécessaires, une fois connue l'implantation exacte de chaque pylône ;

20. Considérant que l'étude d'impact mentionne l'existence de zones " Natura 2000 " traversées par le projet ; que le dossier soumis à enquête comporte les évaluations des incidences du projet au regard des objectifs de conservation de la faune et de la flore sauvage dans chacun des sites concernés, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ; qu'il n'avait pas, en revanche, au regard de ces mêmes objectifs, à décrire l'impact visuel du projet dans chacune de ces zones ; qu'enfin, s'il résulte de l'article R. 414-21 du même code que les " effets notables " du projet sur les zones " Natura 2000 " devaient être analysés, il ne ressort pas des pièces du dossier que les effets des champs électromagnétiques sur la faune protégée auraient dû faire l'objet, à ce titre, d'une description spécifique ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'étude d'impact ne permettrait pas d'apprécier les effets du projet sur l'environnement et les paysages et qu'elle ne serait pas, sur ce point, en relation avec l'importance des travaux et leurs incidences prévisibles doit être écarté ;

S'agissant de l'analyse, dans l'étude d'impact, des effets du projet sur la protection des biens et du patrimoine culturel, telle que prévue au 2° de l'article R. 122-3 :

22. Considérant que le maître d'ouvrage n'était pas tenu, en l'absence de définition du tracé de détail de la ligne au moment de l'enquête publique, et dès lors que les documents cartographiques figurant dans l'étude d'impact font clairement apparaître les zones habitées concernées par le projet, de procéder au recensement exhaustif des habitations ou des exploitations agricoles susceptibles d'être les plus directement concernées par le projet ; que les incidences du projet sur la vie économique et, en particulier, sur le secteur du tourisme et sur la perte de valeur vénale des biens situés à proximité ont également été prises en compte ; qu'enfin, l'étude d'impact indique de manière suffisante les effets connus des champs électromagnétiques sur les élevages agricoles ;

23. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, l'étude d'impact a tenu compte de la présence de sites inscrits ou classés, des zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager et des périmètres de protection des monuments historiques ; qu'il ne ressort pas du dossier qu'elle aurait omis de mentionner des sites, zones ou monuments affectés directement ou indirectement par le tracé général ; qu'en particulier, elle indique les sites à partir desquels une covisibilité entre le Mont-Saint-Michel et la future ligne " Cotentin-Maine " pourrait être constatée ;

S'agissant de l'analyse, dans l'étude d'impact, des effets du projet sur la santé publique, telle que prévue notamment au 2° de l'article R. 122-3 :

24. Considérant que, au regard du savoir scientifique à la date de l'arrêté attaqué, l'étude d'impact, qui n'avait pas à recenser l'ensemble des études consacrées à la question des incidences potentielles des champs électromagnétiques de très basse fréquence sur la santé humaine, prend pleinement et objectivement en compte l'état des connaissances sur ce sujet ; qu'en particulier, et contrairement à ce qui est soutenu, elle distingue la question des expositions instantanées de celle des expositions permanentes et rend compte de la corrélation statistique observée par certaines études épidémiologiques entre l'exposition permanente à des champs électromagnétiques présentant certaines caractéristiques de fréquence et d'intensité et l'occurrence de certaines pathologies ; qu'à défaut de pouvoir dresser la cartographie précise de l'intensité du champ électromagnétique à proximité de la future ligne " Cotentin-Maine ", elle indique les niveaux habituellement constatés en fonction de la distance à une ligne de cette nature ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'étude d'impact n'aurait pas suffisamment analysé les effets du projet sur la santé publique ne peut qu'être écarté ;

S'agissant de l'analyse, dans l'étude d'impact, des autres partis envisagés, telle que prévue au 3° de l'article R. 122-3 :

25. Considérant que, conformément aux exigences résultant du 3° de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, l'étude d'impact décrit les raisons pour lesquelles le projet soumis à l'enquête a été retenu parmi les partis envisagés, en justifiant notamment le choix de construction d'une nouvelle ligne aérienne par rapport aux solutions dites " sans développement du réseau " ou par rapport à la solution d'un enfouissement total ; qu'elle pouvait, sans irrégularité, s'abstenir de présenter les solutions alternatives de l'" offshore vers la Bretagne " ou de l'enfouissement partiel, dont il ressort des pièces du dossier que leur réalisation n'a jamais été envisagée par le maître d'ouvrage ;

S'agissant de l'analyse, dans l'étude d'impact, des mesures compensatoires envisagées et des dépenses correspondantes, telle que prévue au 4° de l'article R. 122-3 :

26. Considérant que l'étude d'impact rappelle de manière circonstanciée les dispositifs d'indemnisation prévus par le maître d'ouvrage au titre des servitudes liées à l'implantation des pylônes et du préjudice visuel subi par les riverains ; qu'elle présente, sans omission, l'économie générale de la convention d'indemnisation des préjudices subis par les exploitants agricoles, alors en cours de négociation ; qu'enfin, si elle ne décrit pas le dispositif de rachat des habitations situées à moins de cent mètres de la ligne, il ressort des pièces du dossier que le principe et le montant de ce dispositif n'ont été définitivement arrêtés qu'après la clôture de l'enquête publique, au vu, précisément, des débats tenus et des observations présentées pendant celle-ci ; que les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que l'étude d'impact ne présenterait pas de manière complète l'ensemble des mesures compensatoires envisagées ;

27. Considérant, il est vrai, que les dépenses correspondant aux éventuelles indemnisations des préjudices visuels et économiques, aux opérations de mesure du bruit et des champs électromagnétiques, à la compensation de la perte de valeur vénale des biens situés dans le voisinage de la nouvelle ligne, ainsi qu'au dispositif de rachat des habitations situées dans l'immédiate proximité de la ligne, ne sont pas expressément estimées dans l'étude d'impact ; que, cependant, d'une part, le coût du dispositif de rachat ne pouvait pas être évalué à ce stade dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ce dispositif est une conséquence des réactions recueillies au cours de l'enquête publique ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact présentait au moins les modalités d'indemnisation des préjudices visuels et économiques et qu'ainsi, compte tenu en outre de ce que le coût global de ces dispositifs d'indemnisation et des opérations de mesure du bruit et des champs électromagnétiques ne modifie pas de manière importante le montant total des mesures compensatoires qui figuraient au dossier d'enquête, ces omissions et imprécisions de l'étude d'impact ne peuvent être regardées comme ayant nui à l'information complète du public ou été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;

En ce qui concerne les autres éléments du dossier soumis à enquête publique :

28. Considérant que, conformément à l'article 7 du décret du 11 juin 1970, le dossier comporte une carte au 1/25 000ème ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait la présence, à ce dossier, d'une carte au 1/10 000ème ;

29. Considérant que, si les requérants invoquent la méconnaissance des dispositions de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui exigent notamment la présence d'une " appréciation sommaire des dépenses ", ces dispositions ne sont pas applicables aux déclarations d'utilité publique prises sur le fondement de l'article 35 de la loi du 8 avril 1946 et de l'article 7 du décret du 11 juin 1970 ; qu'au demeurant, le mémoire descriptif joint au dossier d'enquête évalue de manière complète le coût des travaux de construction de la nouvelle ligne électrique, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été sous-évalué ;

30. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'enquête publique aurait été irrégulière au motif que la composition du dossier soumis à l'enquête méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'environnement et des textes réglementaires pris pour son application ;

31. Considérant, en outre, que lorsque des dispositions législatives ont été prises pour assurer la mise en oeuvre des principes énoncés à l'article 7 de la Charte de l'environnement, aux termes duquel toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement, la légalité des décisions administratives s'apprécie par rapport à ces dispositions, sous réserve, s'agissant de dispositions législatives antérieures à l'entrée en vigueur de la Charte de l'environnement, qu'elles ne soient pas incompatibles avec les exigences qui découlent de cette Charte ; que tel n'était pas le cas des dispositions des article L. 123-1 et suivants du code de l'environnement, dans leur rédaction alors applicable ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement doit être apprécié au regard des dispositions législatives qui soumettaient l'arrêté litigieux à une procédure d'enquête publique ; que, dès lors, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris au terme d'une procédure méconnaissant les exigences résultant de l'article 7 de la Charte de l'environnement doit également être écarté ;

En ce qui concerne les autres moyens de légalité externe :

32. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, l'avis de la commission d'enquête est suffisamment motivé ;

33. Considérant qu'aux termes de l'article L. 126-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'un projet public de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages a fait l'objet d'une enquête publique en application du chapitre III du présent titre, l'autorité de l'Etat ou l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l'établissement public responsable du projet se prononce, par une déclaration de projet, sur l'intérêt général de l'opération projetée (...) " ; que ces dispositions, qui concernent des projets dont sont responsables des personnes morales de droit public, ne sont pas applicables au projet litigieux dont la personne responsable, au sens de cet article, est la société de droit privé Réseau de Transport d'Electricité, gestionnaire du réseau public de transport d'électricité ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué ne pouvait légalement intervenir sans que le projet déclaré d'utilité publique eût préalablement fait l'objet d'une déclaration de projet doit, par suite, et en tout état de cause, être écarté ;

34. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les réunions d'examen conjoint des dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité des documents locaux d'urbanisme incompatibles avec le projet de ligne " Cotentin-Maine " se sont tenues conformément aux dispositions de l'article L. 123-16 du code de l'urbanisme ; que les avis des conseils municipaux concernés ont ensuite été recueillis ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-16 du code de l'urbanisme doit, par suite, être écarté ;

35. Considérant, enfin, que la circonstance que des représentants de l'Etat auraient, à divers moments de la procédure préalable à la déclaration d'utilité publique, exprimé publiquement une position favorable au projet, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher cette procédure d'irrégularité ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution :

36. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la Charte de l'environnement : " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé " ; qu'aux termes de son article 5 : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage " ; qu'aux termes du 1° du II de l'article L.110-1 du code de l'environnement, la protection et la gestion des espaces, ressources et milieux naturels s'inspirent notamment du " principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable " ;

37. Considérant qu'une opération qui méconnaît les exigences du principe de précaution ne peut légalement être déclarée d'utilité publique ; qu'il appartient dès lors à l'autorité compétente de l'Etat, saisie d'une demande tendant à ce qu'un projet soit déclaré d'utilité publique, de rechercher s'il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement ou d'atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l'état des connaissances scientifiques, l'application du principe de précaution ; que, si cette condition est remplie, il lui incombe de veiller à ce que des procédures d'évaluation du risque identifié soient mises en oeuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle et de vérifier que, eu égard, d'une part, à la plausibilité et à la gravité du risque, d'autre part, à l'intérêt de l'opération, les mesures de précaution dont l'opération est assortie afin d'éviter la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes, ni excessives ; qu'il appartient au juge, saisi de conclusions dirigées contre l'acte déclaratif d'utilité publique et au vu de l'argumentation dont il est saisi, de vérifier que l'application du principe de précaution est justifiée, puis de s'assurer de la réalité des procédures d'évaluation du risque mises en oeuvre et de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation dans le choix des mesures de précaution ;

38. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si aucun lien de cause à effet entre l'exposition résidentielle à des champs électromagnétiques de très basse fréquence et un risque accru de survenance de leucémie chez l'enfant n'a été démontré, plusieurs études concordantes ont, malgré leurs limites, mis en évidence une corrélation statistique significative entre le facteur de risque invoqué par les requérants et l'occurrence d'une telle pathologie supérieure à la moyenne, à partir d'une intensité supérieure à un seuil compris selon les études entre 0,3 et 0,4 microtesla, correspondant à un éloignement égal ou inférieur à une centaine de mètres d'une ligne à très haute tension de 400 000 volts ; que, dans ces conditions, l'existence d'un tel risque doit être regardée comme une hypothèse suffisamment plausible en l'état des connaissances scientifiques pour justifier l'application du principe de précaution ; qu'en revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autres risques invoqués par les requérants étaient, à la date de l'arrêté attaqué, étayés par des éléments suffisamment circonstanciés pour justifier l'application de ce principe ;

39. Considérant, en second lieu, d'une part, que, ainsi qu'il a été dit au point 24, l'étude d'impact figurant au dossier au vu duquel l'opération a été déclarée d'utilité publique prend en compte de manière complète et objective l'état actuel des connaissances scientifiques relatives au risque potentiel mentionné ci-dessus, et que le maître d'ouvrage de la ligne électrique aérienne à très haute tension " Cotentin-Maine " a prévu, en plus du dispositif de surveillance et de mesure des ondes électromagnétiques par des organismes indépendants accrédités que l'Etat doit mettre en place en application de l'article 42 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, un dispositif spécifique de mesure de l'intensité du champ électromagnétique et de suivi médical après la mise en service de la ligne ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'obligation d'évaluation des risques a été méconnue ;

40. Considérant, d'autre part, que la ligne " Cotentin-Maine " a pour objet de limiter, tant à l'échelle locale que sur un plus vaste périmètre, aussi bien les risques immédiats de rupture de synchronisme, d'écroulement de tension et de surcharge sur le réseau de transport d'électricité, que l'accroissement de ces risques qui résultera de la mise en service de l'installation nucléaire de base " Flamanville 3 " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le maître d'ouvrage a veillé à informer le public sur les risques potentiels associés à un tel ouvrage, a retenu un tracé minimisant le nombre d'habitations situées à proximité et évitant tout établissement accueillant des personnes particulièrement exposées à ce risque potentiel, et a pris l'engagement de procéder au rachat des habitations situées à moins de cent mètres de la ligne ; que si les requérants invoquent, à titre de mesures de précaution alternatives, la possibilité de différer la construction de la ligne ou de procéder à son enfouissement partiel, les mesures prises ne peuvent être regardées comme manifestement insuffisantes au regard de l'objectif consistant à parer à la réalisation du dommage susceptible de résulter de l'exposition résidentielle à des champs électromagnétiques de très basse fréquence ;

41. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement et du 1° du II de l'article L.110-1 du code de l'environnement doit être écarté ;

42. Considérant que les requérants soutiennent, par une argumentation identique à celle qu'ils développent au soutien de leur moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution, que l'arrêté attaqué serait également incompatible avec le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que ce moyen ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne l'utilité publique de l'opération :

43. Considérant qu'un projet relatif à l'établissement d'une ligne électrique à très haute tension ne peut légalement être déclaré d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'il comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'il présente ; que, dans l'hypothèse où un projet comporterait un risque potentiel justifiant qu'il soit fait application du principe de précaution, cette appréciation est portée en tenant compte, au titre des inconvénients d'ordre social du projet, de ce risque de dommage tel qu'il est prévenu par les mesures de précaution arrêtées et des inconvénients supplémentaires pouvant résulter de ces mesures et, au titre de son coût financier, du coût de ces dernières ;

44. Considérant que si, ainsi qu'il a été dit plus haut, le projet de ligne à très haute tension se justifie notamment par le souci d'adapter le réseau de transport d'électricité à la mise en service à venir de l'installation nucléaire de base " Flamanville 3 ", la construction de cette installation constitue toutefois un programme distinct de celui qui fait l'objet de l'arrêté en litige ; que, dès lors, si l'utilité publique de la ligne à très haute tension doit être appréciée en tenant compte du rôle que cette ligne électrique est appelée à jouer dans le transport d'électricité de la future installation nucléaire de base " Flamanville 3 ", elle n'a pas, en revanche, à tenir compte de l'utilité publique de l'installation elle-même ;

45. Considérant que la circonstance que, postérieurement à la décision attaquée, la date prévisionnelle de mise en service de l'installation nucléaire " Flamanville 3 " aurait été repoussée ou qu'il serait envisagé que cette mise en service puisse faire l'objet d'un moratoire, sont sans incidence sur l'utilité publique de l'ouvrage litigieux, qui doit être appréciée à la date de signature de la déclaration d'utilité publique ;

46. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 40, les travaux déclarés d'utilité publique par l'arrêté attaqué ont pour objet de limiter, tant à l'échelle locale que sur un plus vaste périmètre, aussi bien les risques immédiats de rupture de synchronisme, d'écroulement de tension et de surcharge sur le réseau de transport d'électricité, que l'accroissement de ces risques qui résultera de la mise en service de l'installation nucléaire de base " Flamanville 3 " ; que, eu égard aux mesures prévues pour atténuer ou compenser l'impact de cette ligne sur l'environnement et ses risques potentiels d'impact sur la santé, ni les inconvénients subis par les personnes résidant à proximité du tracé de la ligne " Cotentin-Maine ", ni l'impact visuel des ouvrages sur les paysages traversés, ni leurs éventuels effets sur la faune et la flore, ni enfin le coût de l'opération, y compris les sommes consacrées aux mesures visant à assurer le respect du principe de précaution, ne peuvent être regardés comme excessifs et de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ;

En ce qui concerne les autres moyens de légalité interne :

47. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'arrêté attaqué n'a, en tout état de cause, pas méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit de toute personne au respect de ses biens ;

48. Considérant qu'en vertu du c) de l'article 16 de la directive du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, " les Etats membres font en sorte que, lorsqu'ils appellent les installations de production d'électricité, les gestionnaires de réseau de transport donnent la priorité à celles qui utilisent des sources d'énergie renouvelables, dans la mesure où la gestion en toute sécurité du réseau national d'électricité le permet et sur la base de critères transparents et non discriminatoires " ; qu'eu égard à l'objet de ces dispositions, les requérants ne sauraient utilement soutenir que le choix de construire la ligne " Cotentin-Maine " est incompatible avec les objectifs qu'elles poursuivent ni même de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat qu'elles prescrivent ;

49. Considérant qu'il ne saurait être utilement soutenu que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles 1er et 2 de la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, selon lesquelles l'Etat doit notamment veiller à " diversifier les sources d'approvisionnement énergétique " et " assurer des moyens de transport (...) de l'énergie adaptés aux besoins ", lesquelles sont dépourvues de portée normative ;

50. Considérant que les requérants ne sauraient utilement soutenir que l'arrêté attaqué créerait une rupture d'égalité au détriment des producteurs d'énergies renouvelables, dès lors qu'une déclaration d'utilité publique en faveur d'une ligne de transport d'énergie électrique est sans incidence sur la possibilité de reconnaître l'utilité publique de projets en rapport avec d'autres sources d'énergie ;

51. Considérant, enfin, que la circonstance que le ministre auteur de l'arrêté attaqué n'aurait pas tenu compte des réserves et recommandations émises par la commission d'enquête est sans incidence sur la légalité de cet arrêté ;

52. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense, les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

53. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Réseau de Transport d'Electricité à ce même titre ;


D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de l'association coordination interrégionale stop THT et autres sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Réseau de Transport d'Electricité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association coordination interrégionale stop THT, à la commune de Chevreville, à M. Christophe Demas, à l'association "les verts Pays-de-la-Loire", à l'association "les verts Mayenne", à l'association "verts d'ouest", à la commune de Buais, à la commune de Heusse, à la commune du Chefresne, à la commune de Saint-Symphorien des Monts, à la commune de Villechien, à la commune de Levare, à la commune de Montaudin, à la commune de Saint-Berthevin la Tannière, à M. Guy Cousin, à M. Serge Heurtier-Gueguen, à la communauté d'agglomération de Vitré, au comité de réflexion d'information et de lutte anti-nucléaire (CRILAN), à la société Réseau de Transport d'Electricité, au ministre de l'économie et des finances et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


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