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Ariane Web: Conseil d'État 371432, lecture du 23 août 2013, ECLI:FR:CEORD:2013:371432.20130823

Décision n° 371432
23 août 2013
Conseil d'État

N° 371432
ECLI:FR:CEORD:2013:371432.20130823
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP TIFFREAU, CORLAY, MARLANGE, avocats


Lecture du vendredi 23 août 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 19 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le préfet de la Mayenne ; le préfet demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1306555 du 19 août 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 554-3 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 24 juillet 2013 du président du conseil général de la Mayenne décidant de mettre fin à tout nouvel accueil de jeunes mineurs étrangers isolés par le service de l'aide sociale à l'enfance de son département, ainsi que des décisions qui en découlent ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;


il soutient que :
- l'ordonnance attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute de convocation régulière à l'audience ;
- le droit à l'hébergement d'urgence, le droit à la protection contre un danger caractérisé et imminent pour la vie des mineurs et le droit au recours effectif à un juge sont constitutifs de libertés publiques ou individuelles à l'exercice desquelles l'arrêté porte atteinte ;
- l'arrêté méconnaît le caractère obligatoire du service public de l'aide sociale à l'enfance ainsi que le principe d'égalité d'accès au service public ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 août 2013, présenté pour le département de la Mayenne, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :
- l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes n'est entachée d'aucun vice de procédure ;
- l'arrêté ne porte atteinte à aucune liberté publique ou individuelle ;
- l'arrêté n'exclut pas certains mineurs de l'aide sociale à l'enfance mais se borne à relever que les conditions de leur accueil ne sont plus réunies dans le département de la Mayenne ;
- la différence de traitement résultant de l'arrêté est justifiée par la différence de situation des mineurs étrangers et par l'intérêt général lié aux conditions de leur accueil ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 août 2013, présenté par le préfet de la Mayenne, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre que le département de la Mayenne ne justifie ni de l'impossibilité d'accueillir les mineurs étrangers dans des conditions correctes, ni d'une rupture d'égalité entre départements, au détriment de la Mayenne ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le préfet de la Mayenne et, d'autre part, le président du conseil général de la Mayenne ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 22 août 2013 à 14h30, au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentantes du préfet de la Mayenne ;
- Me Marlange, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du département de la Mayenne ;
au cours de laquelle les parties ont été informées de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de l'insuffisante précision des conclusions dirigées contre les décisions découlant de l'arrêté du 24 juillet 2013, et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de prolonger l'instruction jusqu'au même jour à 17 heures ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 août 2013, présentée pour le département de la Mayenne, qui conclut à ce qu'il n'y ait pas lieu de statuer sur la requête ; il soutient qu'il a retiré son arrêté du 24 juillet 2013 par un arrêté du 22 juillet 2013 ;

Vu les décisions du 23 août 2013 par lesquelles le juge des référés a décidé de rouvrir l'instruction puis de la prolonger jusqu'au même jour à 16 heures ;

Vu les nouveaux mémoires, enregistrés le 23 août 2013, présentés par le préfet de la Mayenne, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient que l'arrêté du 22 août 2013 n'est ni exécutoire ni définitif et ne correspond pas aux déclarations publiques du président du conseil général de la Mayenne ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 août 2013, présenté pour le département de la Mayenne, qui reprend les conclusions de sa note en délibéré ; il soutient que l'arrêté du 22 août 2013 est exécutoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;


1. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, auquel renvoie l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué (...) " ; qu'aux termes du sixième alinéa du même article, auquel renvoie l'article L. 554-3 du code de justice administrative : " Lorsque l'acte attaqué est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué à cet effet en prononce la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d'appel devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de la notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller d'Etat délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant que, par son arrêté du 24 juillet 2013, le président du conseil général de la Mayenne a décidé de mettre fin à tout nouvel accueil de jeunes étrangers isolés par le service de l'aide sociale à l'enfance du département ; que le préfet de la Mayenne, estimant que cet acte était illégal et de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, l'a déféré au tribunal administratif de Nantes, en assortissant son déféré d'une demande de suspension présentée sur le fondement du sixième alinéa de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales ; qu'il fait appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes rejetant cette demande de suspension ;

3. Considérant que, même s'il n'a pas un caractère définitif, le retrait d'une décision administrative rend sans objet une requête tendant à la suspension de cette décision ;

4. Considérant que, postérieurement à l'audience du 22 août 2013, par un arrêté du même jour, le président du conseil général de la Mayenne a retiré son arrêté du 24 juillet 2013 ; que l'arrêté du 22 août 2013 est désormais exécutoire, le département ayant procédé aux formalités prévues par l'article L. 3131-1 du code général des collectivités territoriales ; que ce retrait interdit au service départemental de l'aide sociale à l'enfance de se fonder sur la position exprimée par l'arrêté du 24 juillet 2013 pour continuer de refuser de prendre en charge les mineurs étrangers isolés qui lui sont confiés en application du 3° de l'article 375-3 et de l'article 375-5 du code civil ; que, dans ces conditions, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'arrêté du 22 août 2013 n'est pas définitif, les conclusions du préfet de la Mayenne sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer ;


O R D O N N E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel du préfet de la Mayenne.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au préfet de la Mayenne et au département de la Mayenne.
Copie en sera transmise pour information au ministre de l'intérieur.