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Ariane Web: Conseil d'État 366882, lecture du 17 décembre 2014, ECLI:FR:CESSR:2014:366882.20141217

Décision n° 366882
17 décembre 2014
Conseil d'État

N° 366882
ECLI:FR:CESSR:2014:366882.20141217
Publié au recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
Mme Esther de Moustier, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
BALAT, avocats


Lecture du mercredi 17 décembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 17 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société civile immobilière 22 rue du Boeuf, dont le siège social est situé chez la Sarl La Tour Bleue, Restaurant Les Muses de l'Opéra, 1, place de la Comédie, à Lyon (69001) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11LY01913 du 15 janvier 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur sa requête tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement n° 0902526 du 31 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er septembre au 31 décembre 2004 et des pénalités correspondantes, a rejeté ses conclusions et, statuant sur l'appel du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, a annulé l'article 1er du jugement en tant qu'il l'avait déchargée des droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er septembre au 31 octobre 2004 et les a remis à sa charge;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et de rejeter l'appel du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le remboursement de la contribution pour l'aide juridique ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Esther de Moustier, Auditeur,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Balat, avocat de la société civile immobilière 22 Rue du Boeuf ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI 22 rue du Boeuf, propriétaire d'un ensemble immobilier dans lequel la société La Tour Rose exerçait une activité d'hôtellerie et de restauration, s'est, par acte du 18 mars 2005, portée caution, vis-à-vis de l'administration fiscale, pour le paiement de la somme de 164 992 euros se rapportant à des rappel de droits de taxe sur la valeur ajoutée et aux pénalités correspondantes auxquels la société La Tour Rose a été assujettie au titre de la période du 1er septembre au 31 décembre 2004 ; que la SCI 22 rue du Boeuf a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge de ces rappels, qui lui ont été réclamés en conséquence de cet engagement de caution ; que, par un jugement du 31 mai 2011, rectifié par une ordonnance du 6 juillet 2011, le tribunal administratif de Lyon a, par un article 1er, déchargé la SCI des droits et pénalités qui lui ont été réclamés au titre des mois de septembre et octobre 2004 puis, par un article 3, rejeté le surplus des conclusions de la société relatif aux droits et pénalités réclamés au titre des mois de novembre et décembre 2004 ; que, par l'arrêt attaqué du 15 janvier 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, faisant droit à l'appel du ministre chargé du budget, annulé l'article 1er du jugement attaqué et remis à la charge de la société requérante les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont la décharge avait été prononcée en première instance, d'autre part, rejeté les conclusions d'appel de la société ;

Sur les motifs de l'arrêt relatifs à la recevabilité des conclusions d'appel du ministre :

2. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, en vertu desquelles le ministre dispose d'un délai d'appel de deux mois qui commence à courir à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, tiennent compte des nécessités particulières du fonctionnement de l'administration fiscale, qui la placent dans une situation différente de celle des autres justiciables et justifient le délai complémentaire de deux mois accordé au ministre, délai dont les contribuables peuvent d'ailleurs, en provoquant eux-mêmes la signification du jugement au ministre, réduire la durée ; que ces dispositions ne confèrent pas au ministre, contrairement à ce que soutient la société requérante et en tout état de cause, un privilège qui serait de nature à porter atteinte aux principes d'égalité et de non-discrimination dont elle se prévaut ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-11 du code de justice administrative : " Lorsque le président du tribunal administratif (...) constate que la minute d'une décision est entachée d'une erreur ou d'une omission matérielle non susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, il peut y apporter, par ordonnance rendue dans le délai d'un mois à compter de la notification aux parties, les corrections que la raison commande./ La notification de l'ordonnance rectificative rouvre, le cas échéant, le délai d'appel (...) contre la décision ainsi corrigée " ; que la correction d'une erreur matérielle effectuée sur le fondement de ces dispositions ne conduit à différer le point de départ du délai d'appel que dans la mesure où cette correction, soit par elle-même, soit de façon indivisible avec d'autres parties du jugement qui en fait l'objet, a une incidence sur la portée qui était la sienne initialement ; qu'après avoir précisé la rectification opérée par l'ordonnance du 6 juillet 2011 dans les motifs du jugement du 31 mai 2011, qui, de façon indivisible avec les autres parties du jugement, avait une incidence sur la portée de celui-ci, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a ni commis d'erreur de droit, ni donné aux faits soumis à son examen une qualification juridique erronée en jugeant que la notification de cette ordonnance avait rouvert le délai d'appel et que les conclusions d'appel du ministre, présentées sous la forme d'un recours incident, étaient dès lors, et en tout état de cause, dans les conditions rappelées ci-dessus de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, recevables ;

Sur les motifs de l'arrêt relatifs au bien-fondé des impositions en litige :

4. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) / L'avis de mise en recouvrement est individuel. (...) " ; que l'article L. 275, alors en vigueur, du même livre disposait que " La notification d'un avis de mise en recouvrement interrompt la prescription courant contre l'administration et y substitue la prescription quadriennale (...) " ; et que l'article R. 256-2 du même livre précise, dans sa rédaction applicable, que : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement. " ; que si la personne qui s'oblige à payer les dettes fiscales d'un contribuable par la souscription d'un acte de cautionnement, qui l'engage à l'égard de l'administration fiscale et comporte l'énoncé des impositions dues, est recevable à contester le bien-fondé de celles-ci, elle ne saurait pour autant être regardée comme un débiteur tenu solidairement au versement de ces impositions, au sens de l'article R. 256-2, auquel doit être notifié un avis de mise en recouvrement ;

5. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions, alors applicables, de l'article 2250 du code civil, désormais reprises à l'article 2246, l'acte interruptif de prescription opposable au débiteur principal interrompt également le délai de prescription à l'égard de la personne qui s'est portée caution ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, d'une part, qu'en sa qualité de caution, la société ne pouvait être regardée comme un débiteur tenu solidairement au paiement d'une créance fiscale auquel l'administration était tenue d'adresser un avis de mise en recouvrement, avant de procéder au recouvrement de la créance pour laquelle elle s'était portée caution, et, d'autre part, que l'administration avait régulièrement interrompu la prescription du droit de reprise par un avis de mise en recouvrement adressé en temps utile au redevable légal de l'impôt ;

7. Considérant, en second lieu, que la SCI 22 rue du Boeuf qui, devant la cour administrative d'appel de Lyon, avait contesté la validité de l'acte de cautionnement en vertu duquel les droits et pénalités litigieux lui étaient réclamés, soutient que la cour administrative d'appel de Lyon a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit en jugeant qu'elle s'était régulièrement constituée caution des dettes de taxe sur la valeur ajoutée de la société La Tour Rose et avait accepté sans réserve les conditions du règlement de cautionnement n°3751 qui formait un tout indissociable avec l'acte d'engagement de caution souscrit auquel il était annexé, alors que, selon elle, l'administration n'a pas établi que ce règlement était annexé à l'acte de cautionnement ; que, toutefois, le moyen ainsi soulevé devant les juges du fond, mettant en cause l'existence de l'obligation de payer au sens des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales relatives au contentieux du recouvrement de l'impôt, ne pouvait être utilement présenté dans le cadre du présent litige, qui porte sur l'assiette des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société La Tour Rose et réclamés à la société requérante en sa qualité de caution ; qu'il convient de l'écarter pour ce motif, qui doit être substitué au motif retenu par les juges du fond ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SCI 22 rue du Boeuf est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SCI 22 rue du Boeuf et au ministre des finances et des comptes publics.



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