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Ariane Web: Conseil d'État 383127, lecture du 29 décembre 2014, ECLI:FR:CECHR:2014:383127.20141229

Décision n° 383127
29 décembre 2014
Conseil d'État

N° 383127
ECLI:FR:Code Inconnu:2014:383127.20141229
Publié au recueil Lebon
3ème - 8ème SSR
M. Romain Victor, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats


Lecture du lundi 29 décembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

MM. AZ...Q..., N...BG..., P...BQ..., BA...BP..., AG...M..., AM...AH..., U...AK..., AM...AW..., C...R..., AR...H..., BK...BC..., J...AP..., I...BE...et X...AS...et MmesBJ...AT..., BU...AI..., AE...AY..., AO...BR..., AN...BN..., G...AB..., BB...AA...et AL...AC...ont demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, de rectifier les résultats des opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 dans la commune de la Croix-Valmer en vue de l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires en proclamant l'élection au conseil municipal des dix-huit premiers candidats de la liste conduite par M. Q...ainsi que des cinq premiers candidats de la liste conduite par M. AG... T... et l'élection au conseil communautaire de M. Q..., de Mme AI...et de M. T...ou, à titre subsidiaire, d'annuler ces opérations électorales.

Par un jugement n° 1401278 du 26 juin 2014, le tribunal administratif de Toulon a annulé ces opérations électorales et a rejeté le surplus de la protestation.

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M.T..., MmesBW..., BJ...S..., K...Y..., BL...O..., BV...W..., U...BS..., L...AX..., AQ...AF...et BO...BF...et MM. BD...Z..., A...BI..., D...AU..., B...BM..., BX...-U...AD..., V...BH..., E...AJ...et T...AV...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la protestation de M. Q...et autres ;

3°) de mettre à la charge de M. Q...et autres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de Mme BT...et autres et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Q...et autres ;

M. T...et autres ont produit une note en délibéré, enregistrée le 17 décembre 2014.



1. Considérant qu'à l'issue du premier tour du scrutin organisé le 23 mars 2014 dans la commune de la Croix-Valmer (Var) en vue de l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, la liste " Des idées et des actes au service des Croisiens ", conduite par M. AZ...Q..., maire sortant, a recueilli 875 voix, la liste " Rendre la parole aux Croisiens ", conduite par M. AG... T..., a recueilli 748 voix et la liste " La Croix-Valmer, un village à notre image ", conduite par M. AZ...F..., a obtenu 308 voix ; qu'à l'issue du second tour du scrutin organisé le 30 mars 2014, la liste conduite par M.T..., qui avait fusionné avec celle de M.F..., l'a emporté, avec 1 036 voix, sur la liste conduite par M. Q..., qui a recueilli 1 029 voix ; que M. T...et autres relèvent appel du jugement du 26 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a, à la demande de M. Q...et de ses colistiers, prononcé l'annulation de ces opérations électorales ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le mémoire en défense produit devant le tribunal administratif par M. T...ne contenait - mise à part la fin de non-recevoir que le tribunal a analysée dans ses visas, ainsi qu'il devait le faire, et à laquelle il a répondu dans ses motifs - qu'une argumentation tendant à réfuter les griefs invoqués devant lui par les auteurs de la protestation ; que, dès lors, le tribunal administratif pouvait, sans entacher son jugement d'irrégularité, viser se mémoire en se bornant, sur ce point, à relever que les défendeurs concluaient au rejet de la protestation, sans être tenu d'analyser chacun de leurs arguments ; que, par suite, la circonstance qu'il en a analysé certains, sans mentionner celui par lequel les défendeurs entendaient réfuter le grief tiré de ce que le comportement des partisans de la liste " Rendre la parole aux Croisiens " auraient porté atteinte à la sincérité du scrutin, ne saurait affecter la régularité du jugement attaqué ;

Sur le grief tiré de la méconnaissance de l'article LO 247-1 du code électoral :

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article LO 247-1 du code électoral, applicables aux communes qui, comme celle de La Croix-Valmer, comptent plus de 1 000 habitants, " les bulletins de vote imprimés distribués aux électeurs comportent, à peine de nullité, en regard du nom des candidats ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, l'indication de leur nationalité " ; qu'il résulte des termes mêmes de cet article que l'omission de l'indication de la nationalité sur les bulletins de vote des candidats ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France entache, à elle seule, ces bulletins de nullité ;

4. Considérant, d'une part, que, s'il découle des dispositions de l'article R. 119 du code électoral qu'un grief formulé après l'expiration du délai de recours fixé par ces dispositions n'est pas recevable, hormis le cas où ce grief serait d'ordre public, elles ne font pas obstacle à ce que l'auteur d'une protestation développe, après l'expiration de ce délai, les griefs qu'il a invoqués dans ce délai ;

5. Considérant que M. Q...et autres ont, dans leur protestation enregistrée au tribunal administratif de Toulon le 2 avril 2014, soutenu que les résultats du second tour de scrutin devaient être annulés au motif que les bulletins de vote de la liste conduite par M. F...au premier tour de l'élection étaient irréguliers, en tant qu'ils ne mentionnaient pas la nationalité portugaise du candidat inscrit en onzième position sur cette liste ; que si M. Q...et autres ont précisé, dans le mémoire en réplique qu'ils ont présenté le 22 avril 2014, que le résultat du second tour était affecté par les irrégularités ayant entaché le premier tour en raison de la fusion intervenue entre la liste conduite par M. F...et celle conduite par M.T..., ce mémoire ne faisait que reprendre et expliciter le grief qu'ils avaient régulièrement invoqué dans leur protestation enregistrée dans le délai mentionné à l'article R. 119 du code électoral ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutiennent M. T...et autres, ce grief n'était pas tardif ;

6. Considérant, d'autre part, que des irrégularités ayant affecté les opérations électorales d'un premier tour de scrutin, à l'issue duquel aucun candidat n'a été proclamé élu, peuvent être invoquées à l'appui de conclusions dirigées contre les résultats du second tour, dès lors que ceux-ci ont pu être affectés par ces irrégularités ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par les appelants que les bulletins de vote de la liste conduite par M.F..., distribués aux électeurs de la Croix-Valmer au premier tour de scrutin, ne mentionnaient pas la nationalité portugaise du candidat inscrit en onzième position sur cette liste ; qu'en dépit de la nullité dont ils étaient entachés, ces bulletins ont été pris en compte dans le dépouillement ; qu'ainsi, la liste conduite par M. F...a pu fusionner avec celle conduite par M. T...dans la perspective du second tour, cette fusion ayant été de nature, compte tenu du nombre de voix recueillies par la liste de M. F...au premier tour, à affecter le résultat de ce scrutin, alors même que le candidat en cause ne figurait plus sur la liste fusionnée ; que, dès lors que cette irrégularité entachant le premier tour de scrutin, qui n'a abouti à la proclamation d'aucun candidat, a ainsi eu une incidence sur le déroulement et le résultat du second tour, M. Q...et autres étaient recevables et fondés à invoquer, à l'appui de leur protestation dirigée contre ce second tour, un grief tiré de cette irrégularité ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. T...et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon, faisant droit à la protestation formée par M. Q...et autres, a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 dans la commune de la Croix-Valmer en vue de l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. Q...et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent M. T...et autres au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. T...et autres une somme à verser à M. Q... et autres au titre des mêmes dispositions ;




D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. T...et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. Q...et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. AG...T..., à M. AZ...Q...et au ministre de l'intérieur.


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