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Ariane Web: Conseil d'État 383019, lecture du 4 février 2015, ECLI:FR:CESEC:2015:383019.20150204

Décision n° 383019
4 février 2015
Conseil d'État

N° 383019
ECLI:FR:CESEC:2015:383019.20150204
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Jean-Marie Deligne, rapporteur
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public


Lecture du mercredi 4 février 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F...et autres ont demandé au tribunal administratif de Limoges l'annulation de l'élection de M. A... -G... C...en qualité de conseiller municipal et de conseiller communautaire à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux et des conseillers communautaires de la commune de Corrèze (Corrèze).

Par un jugement n° 1400662, 1400686 du 26 juin 2014, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'élection de M. A... -G... C...en qualité de conseiller municipal, de conseiller communautaire et de maire de la commune de Corrèze et a proclamé M. D... C...élu en qualité de conseiller municipal.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... -G... C...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 26 juin 2014 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) de rejeter la protestation de M. F... et autres ;
3°) de mettre solidairement à la charge de M. F... et autres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code électoral ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marie Deligne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;



1. Considérant qu'en vertu de l'article L. 231 du code électoral, ne peuvent être élus conseillers municipaux, d'une part, les agents salariés des communes qui les emploient, d'autre part, dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois, en vertu des 1° à 7° et 9° de cet article, certains magistrats et fonctionnaires de l'Etat, les entrepreneurs des services municipaux et, aux termes du 8° de cet article, dans sa rédaction issue de l'article 22 de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral : " Les personnes exerçant, au sein du conseil régional, du conseil départemental, de la collectivité territoriale de Corse, de Guyane ou de Martinique, d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de leurs établissements publics, les fonctions de directeur général des services, directeur général adjoint des services, directeur des services, directeur adjoint des services ou chef de service, ainsi que les fonctions de directeur de cabinet, directeur adjoint de cabinet ou chef de cabinet en ayant reçu délégation de signature du président, du président de l'assemblée ou du président du conseil exécutif (...) " ;

2. Considérant que les dispositions du 8e de l'article L. 231 du code électoral citées au point 1 doivent s'entendre, eu égard à leur objet, comme visant non le conseil régional ou le conseil départemental mais les collectivités dont ils sont les organes délibérants ; qu'entrent ainsi dans le champ de ces dispositions, qui sont d'interprétation stricte, d'une part, les établissements publics dépendant exclusivement d'une région ou d'un département, ainsi que des autres collectivités territoriales et établissements mentionnés par ces dispositions, d'autre part, ceux qui sont communs à plusieurs de ces collectivités ; que doivent être seulement regardés comme dépendant de ces collectivités ou établissements ou comme communs à plusieurs collectivités, pour l'application de ces dispositions, les établissements publics créés par ces seuls collectivités ou établissements ou à leur demande ; qu'en revanche, il ne ressort pas de ces dispositions que l'inéligibilité qu'elles prévoient s'étende aux personnes exerçant les fonctions qu'elles mentionnent dans d'autres établissements publics que ceux qui dépendent d'une ou plusieurs des collectivités et établissements qu'elles citent ou sont communs à plusieurs de ces collectivités ;

3. Considérant que les agents de l'Etat, dont les dispositions du premier alinéa et des 1° à 7° et 9° de l'article L. 231 du code électoral fixent les conditions d'inéligibilité aux conseils municipaux, ne sont pas inéligibles en application des dispositions du 8e de cet article lorsqu'ils ont été nommés par l'acte d'un représentant de l'Etat aux fonctions qu'elles mentionnent dans un établissement public dépendant des collectivités territoriales ou établissements qu'elles citent ;

4. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé, sur la protestation de M. F... et autres, l'élection de M. A... -G... C...en qualité de conseiller municipal de la commune de Corrèze, de maire et de conseiller communautaire, au motif que, en qualité de chef d'un groupement territorial du service départemental d'incendie et de secours de la Corrèze, il exerçait des fonctions équivalentes à celles de chef de service au sein du conseil départemental de la Corrèze et, dès lors, était inéligible en application des dispositions citées au point 1 ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1424-1 du code général des collectivités territoriales : " Il est créé dans chaque département un établissement public, dénommé " service départemental d'incendie et de secours ", qui comporte un corps départemental de sapeurs-pompiers, composé dans les conditions prévues à l'article L. 1425-5 et organisé en centres d'incendie et de secours. Il comprend un service de santé et de secours médical. / L'établissement mentionné à l'alinéa précédent peut passer avec les collectivités locales ou leurs établissements publics toute convention ayant trait à la gestion non opérationnelle du service d'incendie et de secours. / Ont également la qualité de service d'incendie et de secours les centres d'incendie et de secours qui relèvent des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale disposant d'un corps communal ou intercommunal de sapeurs-pompiers. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1424-24 du même code : " Le service départemental d'incendie et de secours est administré par un conseil d'administration composé de représentants du département, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de secours et de lutte contre l'incendie (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales que les services départementaux d'incendie et de secours, qui associent pour la gestion et la mise en oeuvre des moyens au niveau local les communes au département et aux établissements publics de coopération intercommunale, ne sont pas seulement rattachés à des collectivités ou établissements mentionnés au 8° de l'article L. 231 du code électoral ; qu'en outre, ils ne sont pas créés par le département ou à sa demande mais par la loi, dans chaque département ; qu'il suit de là que les services départementaux d'incendie et de secours ne peuvent être regardés comme des établissements publics du département au sens et pour l'application du 8° de l'article L. 231 du code électoral ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... -G... C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de Limoges a annulé son élection en qualité de conseiller municipal, de maire et de conseiller communautaire, à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune de Corrèze ; qu'aucun autre grief n'a été soulevé par M. F... et autres dans leur protestation devant le tribunal ; qu'il y a donc lieu de valider son élection ;

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2, 4 et 5 du jugement du 26 juin 2014 du tribunal administratif de Limoges sont annulés.

Article 2 : L'élection de M. A... -G... C...en qualité de conseiller municipal et de conseiller communautaire à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune de Corrèze est validée.

Article 3 : La protestation de M. F... et autres et les conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... -G...C..., à M. A... B..., à M. E... F...et au ministre de l'intérieur.



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