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Ariane Web: Conseil d'État 380489, lecture du 27 février 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:380489.20150227

Décision n° 380489
27 février 2015
Conseil d'État

N° 380489
ECLI:FR:CESSR:2015:380489.20150227
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème / 7ème SSR
Mme Bénédicte Vassallo-Pasquet, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
FOUSSARD, avocats


Lecture du vendredi 27 février 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mai et 20 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont le siège est 201, rue Carnot à Fontenay-sous-Bois Cedex (94136) ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 13031520 du 14 mars 2014 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile, sur la requête de M. B...A..., a, d'une part, annulé la décision de son directeur général du 23 octobre 2013 rejetant la demande d'asile de l'intéressé, d'autre part, renvoyé pour un nouvel examen la demande devant l'Office ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

Vu la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Vassallo-Pasquet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;




1. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides se prononce sur la reconnaissance de la qualité de réfugié ou l'octroi de la protection subsidiaire au terme d'une instruction unique au cours de laquelle le demandeur d'asile est mis en mesure de présenter les éléments à l'appui de sa demande ; que l'article L. 723-3 du même code dispose que : " L'office convoque le demandeur à une audition. Il peut s'en dispenser s'il apparaît que : / a) L'office s'apprête à prendre une décision positive à partir des éléments en sa possession ; / b) Le demandeur d'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ; / c) Les éléments fournis à l'appui de la demande sont manifestement infondés ; / d) Des raisons médicales interdisent de procéder à l'entretien " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 731-2 du même code, la Cour nationale du droit d'asile statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prises en application des articles L. 711-1, L. 712-1 à L. 712-3 et L. 723-1 à L. 723-3 ;

3. Considérant qu'il appartient, en principe, à la Cour nationale du droit d'asile, qui est saisie d'un recours de plein contentieux, non d'apprécier la légalité de la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui lui est déférée, mais de se prononcer elle-même sur le droit de l'intéressé à la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire au vu de l'ensemble des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle statue ; que, toutefois, lorsque le recours dont est saisie la Cour est dirigé contre une décision du directeur général de l'Office qui a statué sur une demande d'asile sans procéder à l'audition du demandeur prévue par l'article L. 723-3, il revient à la Cour, eu égard au caractère essentiel et à la portée de la garantie en cause, si elle juge que l'Office n'était pas dispensé par la loi de convoquer le demandeur à une audition et que le défaut d'audition est imputable à l'Office, d'annuler la décision qui lui est déférée et de renvoyer l'examen de la demande d'asile à l'Office, sauf à ce qu'elle soit en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., de nationalité kosovare, a formé, le 5 septembre 2013, une demande d'asile dont l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été saisi dans le cadre de la procédure prioritaire de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'après avoir convoqué l'intéressé le 7 octobre 2013, en application de l'article L. 723-3 de ce même code, pour un entretien prévu le 16 octobre 2013 auquel l'intéressé ne s'est pas présenté, le directeur général de l'Office a rejeté la demande d'asile par décision du 23 octobre 2013 ; que, sur la requête de M.A..., la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision de rejet et a renvoyé la demande à l'Office pour un nouvel examen ;

5. Considérant que, s'il revient à la Cour de s'assurer que la convocation a été adressée par l'Office en temps utile pour permettre à l'intéressé de se rendre à l'entretien, l'appréciation portée sur ce point par la Cour doit tenir compte, le cas échéant, de la circonstance que l'Office est saisi dans le cadre de la procédure prioritaire prévue par le second alinéa de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui impose, en principe, à l'Office de statuer dans les délais brefs prévus par l'article R. 723-3 du même code ;

6. Considérant que, pour annuler la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant la demande d'asile de M. A...et renvoyer à l'Office la demande de l'intéressé pour un nouvel examen, la Cour nationale du droit d'asile a relevé que l'Office avait adressé une convocation datée du 7 octobre 2013 pour un entretien prévu le 16 octobre suivant, que l'intéressé était domicilié... ; que la Cour a déduit de ces constatations que l'intéressé ne disposait au plus que de trois jours pour retirer son courrier et organiser un déplacement à Paris ; qu'elle a jugé que ce délai de convocation était manifestement insuffisant pour permettre à l'intéressé de s'y rendre et en a déduit que le défaut d'audition était exclusivement imputable à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort du dossier qui lui était soumis que M. A..., qui avait fait le choix de se domicilier auprès d'une association, disposait, selon les horaires d'ouverture de celle-ci, de trois possibilités pour venir retirer sa convocation avant la date fixée pour l'entretien et en omettant de tenir compte de ce que l'intéressé devait être entendu dans le cadre de la procédure prioritaire, la Cour nationale du droit d'asile a commis une erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ;


D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 mars 2014 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des refugies et apatrides et à M. B...A.


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