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Ariane Web: Conseil d'État 382923, lecture du 29 avril 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:382923.20150429

Décision n° 382923
29 avril 2015
Conseil d'État

N° 382923
ECLI:FR:CESSR:2015:382923.20150429
Publié au recueil Lebon
3ème / 8ème SSR
Mme Anne Egerszegi, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
BOUTHORS, avocats


Lecture du mercredi 29 avril 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le préfet du Pas-de-Calais a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'élection de M. A...B...en qualité de conseiller municipal de la commune d'Ecurie (Pas-de-Calais) à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées dans cette commune le 23 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux. Par un jugement n°1402138 du 17 juin 2014, le tribunal administratif de Lille a annulé l'élection de M.B....

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter le déféré du préfet du Pas-de-Calais ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code électoral, modifié notamment par la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2007-704 du 4 mai 2007 ;
- le décret n° 2007-1930 du 26 décembre 2007 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Bouthors, avocat de M. A...B...;



1. Considérant qu'en vertu de l'article L. 231 du code électoral, ne peuvent être élus conseillers municipaux, d'une part, les agents salariés des communes qui les emploient, d'autre part, dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois, en vertu des 1° à 7° et 9° de cet article, certains magistrats et fonctionnaires de l'Etat, les entrepreneurs des services municipaux et, aux termes du 8° de cet article, dans sa rédaction issue de l'article 22 de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, " les personnes exerçant, au sein du conseil régional, du conseil départemental, de la collectivité territoriale de Corse, de Guyane ou de Martinique, d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de leurs établissements publics, les fonctions de directeur général des services, directeur général adjoint des services, directeur des services, directeur adjoint des services ou chef de service, ainsi que les fonctions de directeur de cabinet, directeur adjoint de cabinet ou chef de cabinet en ayant reçu délégation de signature du président, du président de l'assemblée ou du président du conseil exécutif (...) " ;

2. Considérant que les dispositions du 8° de l'article L. 231 du code électoral doivent s'entendre, eu égard à leur objet, comme visant non le conseil régional ou le conseil départemental mais les collectivités dont ils sont les organes délibérants ; qu'entrent ainsi dans le champ de ces dispositions, qui sont d'interprétation stricte, d'une part, les établissements publics dépendant exclusivement d'une région ou d'un département, ainsi que des autres collectivités territoriales et établissements mentionnés par ces dispositions, d'autre part, ceux qui sont communs à plusieurs de ces collectivités ; que doivent être seulement regardés comme dépendant de ces collectivités ou établissements ou comme communs à plusieurs collectivités, pour l'application de ces dispositions, les établissements publics créés par ces seuls collectivités ou établissements ou à leur demande ; qu'en outre, les agents de la fonction publique hospitalière qui exercent dans ces établissements les fonctions mentionnées par ces dispositions ne sont pas inéligibles lorsqu'ils y ont été nommés par décision d'une autorité de l'Etat ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 26 décembre 2007 portant statut particulier du corps des directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière : " Les personnels de direction relevant du présent statut constituent un corps de catégorie A de la fonction publique hospitalière. / Ils exercent leurs fonctions dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 (...) / Ils sont chargés : / 1° De la direction des établissements mentionnés aux 2° à 6° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 (...) " ; que sont au nombre de ces établissements, en vertu du 4° de cet article, les " établissements publics ou à caractère public relevant des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance et maisons d'enfants à caractère social " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 19 du même décret : " La nomination dans l'ensemble des emplois est prononcée par arrêté du directeur général du Centre national de gestion " ; qu'il résulte, enfin, de l'article 2 du décret du 4 mai 2007 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière que ces nominations sont prononcées au nom du ministre chargé de la santé ;

4. Considérant qu'il découle des dispositions précitées que les directeurs des établissements publics relevant des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance, dont la nomination incombe à une autorité agissant au nom de l'Etat, ne sont pas inéligibles sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 231 du code électoral ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa requête, M. A...B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de Lille a annulé son élection en qualité de conseiller municipal à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune d'Ecurie, à raison de ses fonctions de directeur de l'établissement public départemental de l'enfance et de la famille ; qu'aucun autre grief n'ayant été soulevé par le préfet du Pas-de-Calais à l'appui de son déféré, il y a lieu de valider son élection ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M.B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 17 juin 2014 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : L'élection de M. A...B...en qualité de conseiller municipal à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune d'Ecurie est validée.

Article 3 : Le déféré du préfet du Pas-de-Calais est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à M. D...C...et au ministre de l'intérieur.



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