Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 391931, lecture du 14 août 2015, ECLI:FR:CEORD:2015:391931.20150814

Décision n° 391931
14 août 2015
Conseil d'État

N° 391931
ECLI:FR:CEORD:2015:391931.20150814
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
LE PRADO ; SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du vendredi 14 août 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 391931, par une requête enregistrée le 21 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SASP Red Star FC, la SASP Nancy Lorraine, la SASP Racing Club de Lens, la SASP Havre Athletic Club Football, la SASP Stade Lavallois Mayenne FC, la SASP FC Metz, la SASP Clermont Foot, la SASP Tours Football Club, la SAOS AJ Auxerre Football, la SASP Orléans Loiret Football, la SASP Football Club Sochaux-Montbéliard, la SASP Paris Football Club, la SASP Chamois Niortais FC et la SASP Dijon Football Côte d'Or demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 9 juillet 2015 par laquelle le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel (LFP) a modifié l'article 511 du règlement des compétitions de la Ligue à compter de la saison 2015-2016 ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 21 mai 2015 par laquelle le conseil d'administration de la LFP a décidé de procéder à la réduction du nombre de passages entre la Ligue 1 et la Ligue 2 à compter de la saison 2015-2016 ;

3°) de mettre à la charge de la LFP le versement de la somme de 3 000 euros à chacune des sociétés requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
- elles sont intervenues à l'issue de procédures irrégulières ;
- elles méconnaissent les principes de sécurité juridique et d'égalité ;
- elles méconnaissent l'article 6 des statuts de la LFP et les objectifs de la mission de service public dont elle est investie par délégation ;
- la décision du 9 juillet 2015 méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes administratifs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2015, la Ligue de football professionnel conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SASP Red Star FC et autres la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la SASP Red Star FC et autres ne sont pas fondés.


2° Sous le n° 392047, par une requête, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 24 juillet, 7 et 11 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ligue de football professionnel (LFP), la société Angers SCO, la société ASSE Loire, la société ESTAC, la société FC Lorient Bretagne Sud, la société FC Nantes, la société Football Club des Girondins de Bordeaux, la société Gazélec Football Club Ajaccio, la société LOSC Lille, la société Monaco Football Club, la société Montpellier Hérault Sport Club, la société Olympique Gymnaste Club de Nice Côte d'Azur, la société Olympique lyonnais, la société Olympique de Marseille, la société Paris Saint-Germain Football, la société Sporting Club de Bastia, la société Stade de Reims, la société Stade Malherbe Caen Calvados Basse-Normandie et la société Toulouse Football Club demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 23 juillet 2015 par laquelle le comité exécutif de la Fédération française de football a réformé la décision du 9 juillet 2015 du conseil d'administration de la Ligue de football professionnel en tant qu'elle modifie l'article 511 du règlement des compétitions de la Ligue en réduisant à deux le nombre de passages entre la Ligue 1 et la Ligue 2 à compter de la saison 2015-2016 ;

2°) de mettre à la charge de la Fédération française de football la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elles soutiennent que :
- la requête est recevable ;
- la condition d'urgence est présumée remplie, dès lors que la décision contestée a pour effet de modifier la répartition des compétences entre la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel ;
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la décision contestée porte une atteinte grave et immédiate à la situation des requérantes, à l'intérêt public qui s'attache au bon déroulement des championnats de football professionnel ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que le principe du contradictoire et les exigences de l'article 199 des règlements généraux de la Fédération française de football ont été méconnus ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale, dès lors que l'article 5 de la convention entre la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel, l'article 13 du règlement intérieur de la Fédération française de football et l'article 199 des règlements généraux de la Fédération méconnaissent les dispositions de l'article R. 132-15 du code du sport ;
- à titre subsidiaire, elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit, dès lors que la décision du 9 juillet 2015 du conseil d'administration de la LFP ne peut pas être regardée comme contraire à l'intérêt supérieur du football ;
- c'est à tort que le comité exécutif de la Fédération française de football a estimé que la décision du 9 juillet 2015 était intervenue en méconnaissance des principes de non-rétroactivité des actes réglementaires, de sécurité juridique et d'égalité devant la loi, ainsi que des articles 6 et 24 des statuts de la Ligue de football professionnel et de l'article 1er des statuts de la Fédération.


Par un mémoire en défense et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 7, 11 et 12 août 2015, la Fédération française de football conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis solidairement à la charge de la LFP et autres la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la LFP et autres ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 10 août 2015, la SASP Red Star FC, la SASP Nancy Lorraine, la SASP Racing Club de Lens, la SASP Havre Athletic Club Football, la SASP Stade Lavallois Mayenne FC, la SASP FC Metz, la SASP Clermont Foot, la SASP Tours Football Club, la SAOS AJ Auxerre Football, la SASP Orléans Loiret Football, la SASP Football Club Sochaux-Montbéliard, la SASP Paris Football Club, la SASP Chamois Niortais FC, la SASP Stade Brestois 29, la SASP Dijon Football Côte d'Or, la SASP Cercle Athlétique Bastiais et la SASP Valenciennes Sport Développement demandent que le Conseil d'Etat rejette la requête de la Ligue de football professionnel et autres et, en outre, qu'il soit mis à la charge de la LFP et autres le versement de la somme de 3 000 euros à chacune des sociétés intervenantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code du sport ;
- les règlements généraux de la Fédération française de football ;
- le règlement des compétitions de la Ligue de football professionnel ;
- la convention entre la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Ligue de football professionnel et autres, d'autre part, la Fédération française de football, la SASP Red Star FC et autres ainsi que le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 13 août 2015 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Ligue de football professionnel et autres ;

- les représentants de la Ligue de football professionnel et autres ;

- Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération française de football ;

- les représentants de la Fédération française de football ;

- Me Piwnica, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SASP Red Star FC et autres ;

- les représentants de la SASP Red Star FC et autres ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;


1. Considérant que la requête de la SASP Red Star FC et autres ainsi que celle de la Ligue de football professionnel et autres demandent que soit ordonnée la suspension de l'exécution respectivement de la décision du conseil d'administration de la Ligue de football professionnel (LFP) du 9 juillet 2015 et de la décision du comité exécutif de la Fédération française de football (FFF) du 23 juillet 2015 modifiant les mêmes dispositions de l'article 511 du règlement des compétitions de la Ligue ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;

2. Considérant que la SASP Red Star FC et autres ont intérêt au maintien de la décision du 23 juillet 2015 du comité exécutif de la Fédération française de football ; que leur intervention est, par suite, recevable ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

4. Considérant qu'il appartient au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à la suspension d'une décision administrative, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par les requérants et au vu de l'ensemble des intérêts en présence, si les effets de cette décision sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;

5. Considérant que, par sa décision du 9 juillet 2015, le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel a modifié l'article 511 du règlement des compétitions de la Ligue pour réduire de 3 à 2 le nombre de clubs susceptibles de passer entre la ligue 1 et la ligue 2 à la fin de la saison 2015-2016 du championnat ; que, par sa décision du 23 juillet 2015, le comité exécutif de la Fédération française de football, sur le fondement des articles 13 de son règlement intérieur, 199 de ses règlements généraux et 5 de la convention entre la FFF et la LFP a réformé la décision du 9 juillet 2015 en ce qu'elle réduisait de 3 à 2 le nombre de clubs susceptibles de passer entre la ligue 1 et la ligue 2 à la fin de la saison 2015-2016 du championnat ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des échanges lors de l'audience publique, que la décision du 23 juillet 2015 ne produira ses effets qu'à l'issue du championnat 2015-2016, lequel a débuté le 1er juillet 2015 et prendra fin en juin 2016 ; que si la Ligue de football professionnel et autres soutiennent que la décision en cause aurait pour effet de désorganiser les championnats de ligue 1 et de ligue 2 et de porter une atteinte grave et immédiate à la situation des clubs professionnels, elles ne produisent aucun élément concret de nature à appuyer leurs affirmations, dont ni les pièces du dossier ni les échanges au cours de l'audience publique n'étayent la réalité ; que si la Ligue de football professionnel et autres soutiennent en outre que la décision contestée crée une situation d'incertitude préjudiciable pour le championnat, une telle incertitude, qui résulte des décisions prises alors que la saison 2015-2016 a déjà commencé, ne saurait être levée, ni ses effets allégués prévenus, par la suspension demandée mais seulement par la décision qui sera rendue par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur les requêtes aux fins d'annulation présentées par les requérantes ;

7. Considérant enfin que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'urgence ne saurait résulter du seul motif que la décision du comité exécutif de la Fédération française de football porterait atteinte illégalement aux prérogatives qui ont été déléguées à la Ligue de football professionnel ;

8. Considérant que, dans ces conditions, et alors que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sera normalement en mesure de se prononcer sur la requête aux fins d'annulation présentée par les requérantes avant la fin de la saison 2015-2016 du championnat de football, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ; qu'il en résulte que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, la requête de Ligue de football professionnel et autres tendant à la suspension de la décision du comité exécutif de la Fédération française de football du 23 juillet doit être rejetée ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la SASP Red Star FC et autres tendant à ce que soit prononcée la suspension de la décision du conseil d'administration de la Ligue de football professionnel du 9 juillet 2015 sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, en conséquence, plus lieu d'y statuer ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Fédération française de football et de la SASP Red Star FC et autres qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances, de l'espèce, de faire droit à la demande présentée au titre de ces mêmes dispositions par la FFF ni, en tout état de cause, à celles présentées par la SASP Red Star FC et autres ;


O R D O N N E :
------------------
Article 1er : L'intervention de la SASP Red Star FC et autres sous le n° 392047 est admise.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de suspension présentées par la SASP Red Star FC et autres sous le n° 391931.
Article 3 : La requête de la Ligue de football professionnel et autres, ainsi que ses conclusions présentées sous le n° 391931 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la Fédération française de football et celles présentées par la SASP Red Star FC et autres sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la Ligue de football professionnel, à la Fédération française de football, au ministre de la ville, de la jeunesse et des sports et à la SASP Red Star FC.
Les autres requérants sous le n° 391931 seront informés de la présente ordonnance par Me Piwnica, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.
Les autres requérants sous le n° 392047 seront informés de la présente ordonnance par Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.