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Ariane Web: Conseil d'État 383756, lecture du 10 février 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:383756.20160210

Décision n° 383756
10 février 2016
Conseil d'État

N° 383756
ECLI:FR:CESSR:2016:383756.20160210
Publié au recueil Lebon
1ère - 6ème SSR
Mme Marie Sirinelli, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du mercredi 10 février 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août 2014, 3 avril 2015 et 8 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des mines et de l'énergie - Confédération générale du travail (FNME- CGT) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social du 19 juin 2014 modifiant l'arrêté du 17 juin 1989 portant approbation d'un recueil d'instructions générales de sécurité d'ordre électrique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société ERDF les sommes de 4 500 et 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le décret n° 82-167 du 16 février 1982 ;
- le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Fédération nationale des mines et de l'énergie - Confédération générale du travail (FNME - CGT) ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 janvier 2016, présentée par la société ERDF ;




Sur l'intervention de la société ERDF :

1. Considérant que la société ERDF justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 du décret du 16 février 1982 relatif aux mesures particulières destinées à assurer la sécurité des travailleurs contre les dangers d'origine électrique lors des travaux de construction, d'exploitation et d'entretien des ouvrages de distribution d'énergie électrique : " L'employeur est tenu de se conformer aux prescriptions d'un ou de plusieurs recueils d'instructions générales de sécurité d'ordre électrique correspondant aux travaux à effectuer et à leur mode d'exécution ; ce ou ces recueils doivent être approuvés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'énergie électrique et du ministre chargé du travail " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation : " Les normes sont d'application volontaire. / Toutefois, les normes peuvent être rendues d'application obligatoire par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie et du ou des ministres intéressés. / Les normes rendues d'application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation " ;

4. Considérant que, par l'arrêté attaqué du 19 juin 2014, pris sur le fondement de l'article 4 du décret du 16 février 1982, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social ont modifié l'arrêté du 17 juin 1989 portant approbation d'un recueil d'instructions générales de sécurité d'ordre électrique et approuvé le " recueil UTE C 18-510-1 issu de la norme NF C 18-510 " ; qu'ils ont ainsi imposé le respect par les employeurs de la norme NF C 18-510 " Opérations sur les ouvrages et installations électriques, et dans un environnement électrique - Prévention du risque électrique ", que les prescriptions du recueil UTE C 18-510-1 d'instructions de sécurité électrique pour les ouvrages, élaboré par l'une des commissions de l'Union technique de l'électricité à partir de ladite norme, reprennent purement et simplement, à l'exception de celles de ses dispositions spécifiques aux installations électriques, qui n'entrent pas dans le champ de l'article 4 du décret du 16 février 1982 ;

5. Considérant que si les dispositions de l'article 4 du décret du 16 février 1982, en prévoyant la compétence conjointe du ministre chargé de l'énergie électrique et du ministre chargé du travail, dérogent, sur ce point, aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 qui prévoient, outre la compétence des ministres intéressés, celle du ministre chargé de l'industrie, elles ne peuvent, en revanche, être regardées comme ayant pour objet ou pour effet de déroger aux dispositions du troisième alinéa de cet article qui prévoit, dans le respect de l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité de la règle de droit, que les normes dont l'application est rendue obligatoire doivent être consultables gratuitement ;

6. Considérant qu'il est constant qu'à la date à laquelle a été pris l'arrêté attaqué, le " recueil UTE C 18-510-1 issu de la norme NF C 18-510 " ne faisait, comme d'ailleurs la norme NF C 18-510 elle-même, l'objet d'aucune mesure de publicité et n'était accessible que par acquisition, à titre onéreux, auprès de l'Association française de normalisation ; qu'en rendant ainsi obligatoire une norme dont l'accessibilité libre et gratuite n'était pas garantie, l'arrêté du 19 juin 2014 a méconnu les dispositions du troisième alinéa de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que la FNME - CGT est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2014 ;

Sur les effets de l'annulation :

8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'annulation de l'arrêté attaqué du 19 juin 2014 soit de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison des effets que cet acte a produits ou des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de limiter les effets de l'annulation de cet acte prononcée par la présente décision ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 000 euros à verser au syndicat requérant ; qu'en revanche, les dispositions du même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société ERDF, qui n'a pas la qualité de partie à la présente instance ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la société ERDF est admise.
Article 2 : L'arrêté du 19 juin 2014 modifiant l'arrêté du 17 juin 1989 portant approbation d'un recueil d'instructions générales de sécurité d'ordre électrique est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à la Fédération nationale des mines et de l'énergie - Confédération générale du travail la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la Fédération nationale des mines et de l'énergie - Confédération générale du travail tendant à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société ERDF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des mines et de l'énergie - Confédération générale du travail, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


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