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Ariane Web: Conseil d'État 380459, lecture du 12 février 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:380459.20160212

Décision n° 380459
12 février 2016
Conseil d'État

N° 380459
ECLI:FR:CESSR:2016:380459.20160212
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème SSR
Mme Angélique Delorme, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP GHESTIN, avocats


Lecture du vendredi 12 février 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant à la décharge d'une part des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004 et 2005 et de la cotisation supplémentaire de contributions sociales de l'année 2005.

Par un jugement n°s 0900567, 0900570 du 12 juin 2012, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle M. B... a été assujetti au titre de l'année 2005 et sur celles tendant au sursis de paiement, a rejeté le surplus des demandes de l'intéressé tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004 et 2005, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, ainsi que des pénalités correspondantes. M. B...a interjeté appel de ce jugement.

Par un arrêt n° 12VE02844 du 11 mars 2014, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé le jugement du 12 juin 2012 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il rejette le surplus des demandes de M. B...a, d'une part, déchargé celui-ci des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2004 et du 1er janvier au 31 décembre 2005 à concurrence des sommes respectives de 5 708,2 euros et 5 551,9 euros, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête et de la demande de M. B...tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mai et 18 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 de cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Angélique Delorme, auditeur,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ghestin, avocat de M. B...;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'entreprise individuelle de plomberie de M. B...a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ; que, dans ce cadre, l'administration a usé de son droit de communication pour obtenir la copie des relevés de deux comptes bancaires ouverts par l'intéressé, à des fins tant personnelle que professionnelle, respectivement auprès de la caisse régionale du Crédit agricole de Paris et d'Ile-de-France et de la Banque postale ; qu'à l'issue de cette vérification des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés ; que par un jugement du 12 juin 2012, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2005 et sur celles tendant au sursis de paiement, a rejeté le surplus de ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004 et 2005, des droits supplémentaires de taxes sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, ainsi que des pénalités correspondantes ; que par un arrêt du 11 mars 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, par l'article 2 de cet arrêt, déchargé M. B...des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2004 et du 1er janvier au 31 décembre 2005 à concurrence des sommes respectives de 5 708,20 euros et 5 551,90 euros, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, par l'article 3 de cet arrêt, rejeté le surplus des conclusions de M.B... ; que M. B...se pourvoit en cassation contre l'article 3 de cet arrêt ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ;

3. Considérant que les relevés de comptes bancaires d'une entreprise dont l'administration a eu connaissance dans le cadre de l'exercice, auprès d'un établissement bancaire, de son droit de communication ne constituent pas un élément de la comptabilité tenue par cette entreprise ; que, dès lors, c'est sans commettre d'erreur de qualification juridique que la cour a estimé que les relevés de comptes bancaires de M. B...obtenus par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de la caisse régionale du Crédit agricole de Paris et d'Ile-de-France et de la Banque postale ne présentaient pas le caractère de pièces de la comptabilité de l'entreprise de l'intéressé ; que par suite, elle n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la circonstance que l'examen de ces relevés n'avait pas été soumis par l'administration à un débat oral et contradictoire avec M. B...n'entachait pas d'irrégularité la procédure d'imposition ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt attaqué au motif tiré de l'irrégularité de la procédure ;

Sur la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis " ;

5. Considérant que l'administration peut appliquer la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévue par l'article 1729 du code général des impôts, si l'intéressé a fait usage d'artifices destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si M. B...a fait usage, sur l'ensemble de la période en cause, d'un compte bancaire dont il n'a pas révélé l'existence au vérificateur, il s'agissait d'un compte ouvert en France à son nom et auquel l'administration pouvait avoir accès sans difficulté en usant de son droit de communication ; que ce faisant, il n'a pas eu recours à des actes de nature à égarer l'administration ou à restreindre son pouvoir de contrôle au sens et pour l'application des dispositions précitées ; que, dès lors, en jugeant que M. B... avait en recours à des manoeuvres frauduleuses justifiant l'application de la majoration prévue par l'article 1729 du code général des impôts, la cour a entaché son arrêt d'erreur de qualification juridique ; que, par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a trait à la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'article 3 de l'arrêt du 11 mars 2014 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il a trait à la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. B...est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera 3 000 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.


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