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Ariane Web: Conseil d'État 371435, lecture du 7 mars 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:371435.20160307

Décision n° 371435
7 mars 2016
Conseil d'État

N° 371435
ECLI:FR:CESSR:2016:371435.20160307
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème SSR
M. Vincent Villette, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public
SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocats


Lecture du lundi 7 mars 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Compagnie internationale des wagons lits et du tourisme a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des contributions additionnelles à cet impôt et des intérêts de retard afférents, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2003. Par un jugement n° 0805692 du 12 mai 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11VE02534 du 21 mai 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi, et cinq autres mémoires, enregistrés le 19 août 2013, le 22 octobre 2014 et les 10 février, 28 avril, 7 juillet et 1er décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Compagnie internationale des wagons lits et du tourisme demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention entre la France et la Belgique du 10 mars 1964 tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Compagnie internationale des wagons-lits et du tourisme ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 février 2016, présentée par la société Compagnie internationale des wagons lits et du tourisme ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Compagnie internationale des wagons-lits et du tourisme, dont le siège social est à Bruxelles, a déclaré en France les seuls résultats liés à l'activité ferroviaire qu'elle y exerce par l'intermédiaire de sa succursale française ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a réintégré, dans ses résultats taxables au titre de l'exercice 2003, les bénéfices correspondant à l'activité de holding exercée par la société, en estimant que cette activité était exercée depuis la France ; que la société se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant sa demande en décharge relative à ces impositions supplémentaires ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration n'a pas identifié une autre entité, distincte de la succursale française, chargée de l'activité de holding, mais estimé que cette succursale exerçait aussi l'activité de direction de holding ; que, dès lors, la cour n'a pas entaché son arrêt de dénaturation ni méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales en écartant le moyen de la société, tiré de ce que l'administration fiscale aurait dû engager une vérification de comptabilité distincte du siège de direction de l'activité de holding ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que c'est sans commettre d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales que la cour, par une appréciation exempte de dénaturation, a estimé que la proposition de rectification adressée à la contribuable était suffisamment motivée dès lors qu'elle comportait les indications suffisantes, notamment quant aux montants du rehaussement du bénéfice imposable et des intérêts de retard, permettant à la société d'engager utilement une discussion contradictoire avec l'administration ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la cour a répondu au moyen tiré de ce que l'activité de holding de la compagnie revêtait un caractère accessoire, non autonome de l'activité ferroviaire principale exercée par la société en Belgique ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêt attaqué à ce titre manque en fait ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

6. Considérant qu'aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) " ; qu'en vertu de l'article 4 de la convention franco-belge du 10 mars 1964 tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus : " 1. Les bénéfices industriels et commerciaux ne sont imposables que dans l'Etat contractant où se trouve situé l'établissement stable dont ils proviennent (...) 3. Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. (...) 4. Constituent notamment des établissements stables : / a) Un siège de direction ; (...) " ; que, pour l'application de ces stipulations de la convention franco-belge le siège de direction s'entend du lieu où les personnes exerçant les fonctions les plus élevées prennent les décisions stratégiques qui déterminent la conduite des affaires de cette entreprise dans son ensemble ; qu'à cet égard, si le lieu où se tiennent les conseils d'administration d'une société peut constituer un indice pour l'identification d'un siège de direction, ce seul élément ne saurait, confronté aux autres éléments du dossier, suffire à le déterminer;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en 2003, le siège social de la société était localisé en Belgique et que trois réunions de son conseil d'administration se sont tenues dans ce pays ; que, toutefois, il ressort des mêmes pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que les services nécessaires à l'activité de holding, propres ou mis à disposition de la société par l'effet d'une convention d'assistance administrative, étaient tous situés en France, d'autre part, que le conseil d'administration avait décidé, au cours de l'exercice en litige, de vendre l'immeuble abritant la société à Bruxelles sans prévoir de relogement en Belgique, enfin, que les décisions stratégiques intervenues au cours de l'année 2003 avaient, en réalité, été préparées et décidées dans leur principe à l'occasion de réunions antérieures du conseil d'administration, tenues à Paris ; que, par suite, en estimant que le lieu où les personnes exerçant les fonctions les plus élevées prenaient réellement les décisions stratégiques avait été, pour l'activité de holding, transféré en France et en en déduisant, d'une part, que la société requérante avait exploité, dans le cadre de cette activité, une entreprise en France pour l'application du I de l'article 209 du code général des impôts et, d'autre part, que cette activité de holding s'exerçait, en France, depuis un " siège de direction " constitutif d'un " établissement stable " de la société au sens des stipulations de l'article 4 de la convention franco-belge précité, la cour n'a ni entaché son arrêt d'erreurs de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce ;

8. Considérant, enfin, que si la société soutient pour la première fois devant le Conseil d'Etat que l'avis de mise en recouvrement serait entaché de nullité, ce moyen ne ressortait, en tout état de cause, pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond ; que, par suite, il est sans influence sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Compagnie internationale des wagons-lits et du tourisme n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Compagnie internationale des wagons-lits et du tourisme est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Compagnie internationale des wagons-lits et du tourisme et au ministre des finances et des comptes publics.


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