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Ariane Web: Conseil d'État 390956, lecture du 1 juin 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:390956.20160601

Décision n° 390956
1 juin 2016
Conseil d'État

N° 390956
ECLI:FR:CECHR:2016:390956.20160601
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème - 5ème chambres réunies
M. Laurent Huet, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public


Lecture du mercredi 1 juin 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 390956, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juin et 13 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Arrête ton char - les langues et cultures de l'Antiquité aujourd'hui demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 mai 2015 du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2° Sous le n° 390958, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juin et 20 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Arrête ton char - les langues et cultures de l'Antiquité aujourd'hui demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2015-544 du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements au collège ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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3° Sous le n° 390987, par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 12 juin et 20 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... -DQ...BN..., Mme BF...AA..., Mme Q...BW..., Mme CT...AH..., M. BP...AJ..., M. Y...U..., M. AI...G..., M. BG...DX...BC..., M. CO... BG..., M. AR...CS...et M. BU...K...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté que sous le n° 390956 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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4° Sous le n° 390988, par une requête enregistrée le 12 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...-DQ...BN..., Mme BF...AA..., Mme Q...BW..., Mme CT...AH..., M. BP...AJ..., M. Y...U..., M. AI...G..., M. BG...DX...BC..., M. CO...BG..., M. AR...CS...et M. BU...K...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret que sous le n° 390958 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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5° Sous le n° 391424, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er juillet 2015, 23 novembre 2015 et 18 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. BM...CI...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret que sous le n° 390958 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté que sous le n° 390956 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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6° Sous le n° 391674, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 10 juillet et 6 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national des enseignements de second degré demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le même décret que sous le n° 390958 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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7° Sous le n° 391733, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 juillet et 9 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national des enseignements de second degré demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté que sous le n° 390956 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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8° Sous le n° 391771, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire enregistrés les 15 juillet, 16 octobre et 10 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme AU...BI..., M. X...BJ...et l'Association pour le développement de l'enseignement de l'allemand en France demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 8 du même arrêté que sous le n° 390956.



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9° Sous le n° 391868, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 20 juillet 2015 et 1er avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. AM...DD..., M. B...BV..., M. AR...BX..., Mme CX...BY..., M. BQ...Z..., M. CB...DJ..., Mme A...-R...AC..., Mme A...AZ..., Mme AQ...DM..., M. E...-DR...O..., M. DA...DH..., Mme CQ...CG..., M. AM... BO..., Mme CP...BR..., M. AD...CM..., Mme AP...DI...et Mme CW...DC...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret que sous le n° 390958 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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10° Sous le n° 391874, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 20 juillet 2015 et le 1er avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. AM...DD..., M. B...BV..., M. AR...BX..., Mme CX...BY..., M. BQ...Z..., M. CB...DJ..., Mme A...-R...AC..., Mme A...AZ..., Mme AQ...DM..., M. E...-DR...O..., M. DA...DH..., Mme CQ...CG..., M. AM... BO..., Mme CP...BR..., M. AD...CM..., Mme AP...DI...et Mme CW...DC...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté que sous le n° 390956 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le traité entre la France et l'Allemagne sur la coopération franco-allemande du 22 janvier 1963 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2014-1092 du 26 septembre 2014 ;
- la décision du 19 octobre 2015 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. DD...et autres ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Huet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 mai 2016 sous les nos 391733 et 391674, présentée par le syndicat national des enseignements de second degré ;



1. Considérant que les requêtes de M. DD...et autres, de Mme BN...et autres, de M.CI..., de l'association Arrête ton char - les langues et cultures de l'Antiquité aujourd'hui, du syndicat national des enseignements de second degré et de Mme BI...et autres sont dirigées contre le décret du 19 mai 2015 et contre l'arrêté du même jour qui sont, l'un et l'autre, relatifs à l'organisation des enseignements dans les classes de collège ; que ces requêtes présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les fins de non-recevoir soulevées par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche :

2. Considérant que les requêtes de M. DD...et autres et de Mme BN...et autres sont collectivement présentées par plusieurs requérants, parmi lesquels plusieurs font état de leur qualité, non contestée par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'enseignants en classes de collège ; que ces requêtes sont, en tout état de cause, recevables en tant qu'elles émanent de ces requérants ;

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, Mme Clerc, présidente de l'Association pour le développement de l'enseignement de l'allemand en France a, en vertu des statuts de cette association, qualité pour introduire une requête en son nom ; que cette association justifie par ailleurs d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2015 ; qu'en revanche, Mme BI...est, en sa seule qualité de députée européenne, sans intérêt suffisamment direct pour agir contre le même arrêté ; que le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est, par suite, fondé à soutenir que la requête collectivement présentée par MmeBI..., M. BJ...et l'Association pour le développement de l'enseignement de l'allemand en France est irrecevable en tant qu'elle émane de Mme BI...;

4. Considérant que l'association Arrête ton char - les langues et cultures de l'Antiquité aujourd'hui a pour objet, en vertu de ses statuts, de " promouvoir les langues et cultures de l'Antiquité auprès du grand public et de contribuer à faciliter son enseignement par les enseignants par l'intermédiaire de son site internet et des différents évènements qu'elle organisera ou auxquels elle prendra part " ; que si, contrairement à ce que soutient le ministre chargé de l'éducation, cet objet lui confère un intérêt pour agir contre l'arrêté attaqué qui détermine notamment le contenu des formations en matière de langues et cultures de l'Antiquité, un tel objet ne lui confère pas, en revanche, un intérêt suffisant pour demander l'annulation du décret attaqué qui ne porte sur aucun contenu particulier d'enseignement ; que sa requête dirigée contre le décret du 19 mai 2015 est, par suite, irrecevable ;

Sur les interventions :

5. Considérant que Mme DL...et autres justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation du décret et de l'arrêté attaqués ; qu'ainsi leurs interventions au soutien des requêtes de M. DD...et autres sont recevables ;

6. Considérant que l'association " Jeunes et contre " et l'association régionale des langues anciennes de Bordeaux justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi leurs interventions au soutien de la requête dirigée contre cet arrêté par l'association Arrête ton char - les langues et cultures de l'Antiquité aujourd'hui sont recevables ; qu'en revanche, la requête de cette association contre le décret du 19 mai 2015 étant, ainsi qu'il est dit au point 4, irrecevable, les interventions de l'association " Jeunes et contre " et de l'association régionale des langues anciennes de Bordeaux présentées au soutien de cette requête sont également irrecevables ;

Sur la légalité du décret du 19 mai 2015 :

En ce qui concerne la légalité externe du décret :

7. Considérant que les moyens tirés du caractère irrégulier des consultations du Conseil supérieur de l'éducation et du Conseil national de l'enseignement agricole ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

8. Considérant que si l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation dispose que : " La scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l'ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité. (...) Les éléments de ce socle commun et les modalités de son acquisition progressive sont fixés par décret, après avis du Conseil supérieur des programmes ", l'article L. 311-2 du même code dispose que : " L'organisation et le contenu des formations sont définis respectivement par des décrets et des arrêtés du ministre chargé de l'éducation " ; que le décret attaqué, qui prévoit que les apprentissages scolaires dans les classes de collège font l'objet d'enseignements communs et d'enseignements complémentaires, ne fixe ni les éléments du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, ni les modalités de son acquisition, au sens des dispositions de l'article L. 122-1-1, mais est relatif à l'organisation des formations, au sens de l'article L. 311-2 ; que les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir qu'il devait être préalablement soumis pour avis au Conseil supérieur des programmes ;

9. Considérant que si l'article L. 312-10 du code de l'éducation dispose que l'enseignement des langues et cultures régionales : " peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l'Etat et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage (...) ", ces dispositions se bornent à confier aux conventions entre l'Etat et les collectivités territoriales le soin de fixer les modalités de dispensation de ces enseignements, dont l'organisation reste définie par décret, conformément aux dispositions de l'article L. 311-2 du même code citées au point 8 ci-dessus ; que M. CI... n'est par suite pas fondé à soutenir que le décret serait, pour ce motif, entaché d'incompétence en tant qu'il régit ces enseignements ;

10. Considérant qu'aux termes du I de l'article 1er du décret du 26 septembre 2014 relatif à la création de comités techniques auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche : " (...) Il est institué auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche : 1° Un comité technique ministériel, dénommé comité technique ministériel de l'éducation nationale, compétent pour examiner les questions intéressant les services centraux et les services déconcentrés relevant de l'éducation nationale ainsi que les services d'administration centrale relevant conjointement de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche (...) " ; que le décret attaqué, qui concerne l'organisation des enseignements dans les établissements publics locaux d'enseignement, est sans incidence directe sur l'organisation et le fonctionnement des services centraux et déconcentrés de l'éducation nationale ; qu'il n'avait, par suite, pas à être soumis préalablement à l'avis du comité technique ministériel de l'éducation nationale ;

11. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 421-1 et L. 421-16 du code de l'éducation que les dispositions réglementaires relatives à l'organisation et au fonctionnement des établissements publics locaux d'enseignement sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; que l'article R. 421-2 du code de l'éducation dispose d'ailleurs, à ce titre, que : " Les collèges (...) disposent, en matière pédagogique et éducative, d'une autonomie qui porte sur : (...) 3° L'organisation du temps scolaire et les modalités de la vie scolaire (...) " ; que les dispositions des deux derniers alinéas du II de l'article D. 332-4 du code de l'éducation, introduites par le décret attaqué, aux termes desquelles : " L'amplitude quotidienne ne dépasse pas six heures d'enseignement pour les élèves de sixième, sauf dérogation accordée par le recteur d'académie en cas de contrainte spécifique. / Une pause méridienne d'une durée minimale d'une heure trente minutes est assurée à chaque élève, sauf dérogation accordée par le recteur d'académie en cas de contrainte spécifique " affectent l'organisation et le fonctionnement des établissements publics locaux d'enseignement et les conditions dans lesquels ceux-ci organisent le temps scolaire et les modalités de la vie scolaire ; qu'elles devaient ainsi être prises par décret en Conseil d'Etat ; que le syndicat national des enseignements du second degré est, par suite, fondé à soutenir que, faute d'avoir été soumises au Conseil d'Etat, elles sont entachées d'illégalité ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre ces dispositions, elles doivent être annulées ;

12. Considérant que la dernière phrase du III de l'article D. 332-4 du code de l'éducation, également introduite par le décret attaqué, exonère les établissements d'enseignement privé sous contrat du respect des deux derniers alinéas du II de l'article D. 332-4 ; qu'elle est par suite indivisible des dispositions des ces deux derniers alinéas ; qu'elle doit donc, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre elle, être également annulée ;

En ce qui concerne la légalité interne du décret :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-3 du code de l'éducation : " Les collèges dispensent un enseignement commun, réparti sur quatre niveaux successifs. A chacun d'entre eux, des enseignements complémentaires peuvent être proposés afin de favoriser l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et de faciliter l'élaboration du projet d'orientation mentionné à l'article L. 331-7. " ; que si ces dispositions définissent les enseignements complémentaires comme une faculté qui peut être proposée aux différents niveaux d'enseignement, elles ne font pas obstacle à ce que de tels enseignements complémentaires soient rendus obligatoires ; qu'elles n'ont, par suite, pas été méconnues par le décret attaqué qui prévoit, au titre des enseignements en classes de collège, outre des enseignements communs à tous les élèves, l'obligation de suivre des enseignements complémentaires ; que, ce faisant, le décret n'a pas davantage méconnu le principe constitutionnel d'égal accès à l'instruction rappelé par l'article L. 141-1 du même code ;

14. Considérant que si l'article L. 211-1 du code de l'éducation dispose que : " L'éducation est un service public national, dont l'organisation et le fonctionnement sont assurés par l'Etat (...). L'Etat assume, dans le cadre de ses compétences, des missions qui comprennent : 1° La définition des voies de formation, la fixation des programmes nationaux, l'organisation et le contenu des enseignements (...) ", l'article L. 311-2 du même code prévoit que : " L'organisation et le contenu des formations sont définis respectivement par des décrets et des arrêtés du ministre chargé de l'éducation. Des décrets précisent les principes de l'autonomie dont disposent les écoles, les collèges et les lycées dans le domaine pédagogique " ; qu'ainsi, le décret attaqué n'a pas méconnu les dispositions citées ci-dessus, ni violé aucune autre disposition ni aucun principe, notamment pas le principe d'égal accès à l'instruction rappelé par l'article L. 141-1 du même code, en prévoyant que le contenu et le volume horaire des enseignements complémentaires seraient, dans des conditions fixées par arrêté, définis ou modulés par chaque établissement d'enseignement ;

15. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 8, le décret attaqué n'a pas pour objet de fixer les modalités d'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture au sens des dispositions de l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait méconnu les dispositions de cet article, en renvoyant à des arrêtés le soin de fixer des éléments essentiels de ces modalités d'acquisition, doit être écarté ;

16. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 9 ci-dessus, les conventions relatives aux modalités d'enseignement des langues et cultures régionales passées entre l'Etat et les collectivités territoriales sur le fondement de l'article L. 312-10 du code de l'éducation doivent respecter les dispositions, d'ordre public, par lesquelles l'Etat détermine, conformément aux dispositions de l'article L. 311-2 du même code, l'organisation et le contenu des formations ; que, par suite, M. CI...ne saurait utilement soutenir que le décret est illégal en raison de contradictions, au demeurant non établies, entre ses dispositions et les stipulations de plusieurs conventions conclues, sur le fondement de l'article L. 312-10 du code de l'éducation, entre l'Etat et certaines régions ;

17. Considérant, enfin, que les moyens tirés de ce que le décret attaqué méconnaitrait les articles 3-1, 28 et 29 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ou qu'il constituerait une " entrave à la mobilité contraire à la législation européenne " ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à demander l'annulation du décret attaqué en tant qu'il introduit, au code de l'éducation, les dispositions des deux derniers alinéas du II de l'article D. 332-4 et la dernière phrase du III du même article ;

Sur la légalité de l'arrêté du 19 mai 2015 :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté :

Quant à l'article 8 :

19 Considérant que ces dispositions ont pour objet de permettre, à certaines conditions, l'apprentissage de deux langues vivantes dès la sixième, au sein de classes dites " bilangues " ; que si elles prévoient que, pour ceux des élèves qui intègrent en sixième une classe " bilangue ", l'anglais est une des deux langues vivantes au programme de ces classes, et si elles attribuent ainsi, pour ces élèves, une place particulière à l'apprentissage de la langue anglaise, elles ne font pas obstacle par elles-mêmes, ainsi que le relève d'ailleurs le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à ce que tout élève puisse choisir de ne pratiquer qu'une seule langue vivante, autre que l'anglais, en classe de sixième ; que le moyen tiré de ce qu'elles auraient pour effet d'imposer l'apprentissage de la langue anglaise pour tous les élèves de sixième et d'affecter, par suite, le socle commun de connaissance, de compétence et de culture qui ne peut être modifié que par décret pris après avis du Conseil supérieur des programmes doit, ainsi, être écarté ;

Quant aux autres moyens de légalité externe :

20. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, la directrice générale de l'enseignement scolaire du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche avait compétence pour signer l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'il aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté ;

21. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 sur les droits des citoyens dans leur relations avec le public, alors en vigueur et aujourd'hui codifié aux articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne (...) / Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ; que l'arrêté attaqué ne revêt pas le caractère d'une décision au sens de ces dispositions ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement soutenir qu'elles ont été méconnues au motif que sa signature, au nom du ministre chargé de l'éducation, par la directrice générale de l'enseignement scolaire, ne comporte, avant le nom patronymique de celle-ci, que la seule initiale de son prénom ;

22. Considérant que l'arrêté attaqué, qui est relatif à la répartition des volumes horaires des enseignements obligatoires et complémentaires ainsi qu'à la définition et au contenu de l'accompagnement spécialisé et des enseignements pratiques interdisciplinaires, ne comporte aucune disposition relative au socle commun de connaissances, de compétences et de culture ou aux modalités de son acquisition ; que le moyen tiré de ce que ses dispositions auraient dû faire l'objet, dans leur ensemble, d'un décret pris après avis du Conseil supérieur des programmes doit, par suite, être écarté ;

23. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, les dispositions de l'article L. 312-10 du code de l'éducation relatives à l'enseignement des langues et cultures régionales se bornent à confier aux conventions entre l'Etat et les collectivités territoriales le soin de fixer les modalités de dispensation de ces enseignements ; que le contenu de ces formations reste défini par arrêté, conformément aux dispositions de l'article L. 311-2 du même code citées au point 8 ; que M. CI...n'est par suite pas fondé à soutenir que l'arrêté serait, pour ce motif, entaché d'incompétence ;

24. Considérant que si plusieurs requérants soutiennent que la mise en oeuvre des dispositions prévues par l'arrêté attaqué a des conséquences significatives sur l'organisation ou le fonctionnement des établissements publics et privés d'enseignement et sur les conditions de travail de leurs personnels, il ne ressort pas des pièces des dossiers et n'est d'ailleurs pas soutenu qu'il aurait une incidence directe sur l'organisation et le fonctionnement des services centraux et déconcentrés de l'éducation nationale ; que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, il n'avait, par suite, pas à être soumis préalablement à l'avis du comité technique ministériel de l'éducation nationale ;

25. Considérant, enfin, que le moyen tiré du caractère irrégulier de la consultation du Conseil supérieur de l'éducation n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté :

Quant aux moyens dirigés contre l'article 8 de l'arrêté attaqué :

26. Considérant que les stipulations du quatrième alinéa du point II.C du traité entre la France et l'Allemagne sur la coopération franco-allemande dit " traité de l'Elysée " du 22 janvier 1963 aux termes desquelles : " (...) Les deux Gouvernements reconnaissent l'importance essentielle que revêt pour la coopération franco-allemande la connaissance dans chacun des deux pays de la langue de l'autre. Ils s'efforceront, à cette fin, de prendre des mesures concrètes en vue d'accroître le nombre des élèves allemands apprenant la langue française et celui des élèves français apprenant la langue allemande (...) " sont dépourvues d'effet direct ; qu'elles ne sauraient, par suite, être utilement invoquées à l'encontre des dispositions de l'article 8 de l'arrêté attaqué ;

27. Considérant que M. CI...soutient que l'article 8 de l'arrêté attaqué ne permet pas la poursuite, en sixième, de l'enseignement d'une langue régionale ; que toutefois, par un arrêté du 21 juillet 2015, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a modifié cet article, dont les dispositions n'étaient pas encore entrées en vigueur, en y ajoutant une disposition qui permet expressément aux élèves ayant débuté l'apprentissage d'une langue régionale à l'école élémentaire de poursuivre celui-ci en classe de sixième ; que ce moyen doit, par suite, être écarté ;

28. Considérant qu'il résulte de l'objet même des dispositions de l'article 8 de l'arrêté attaqué qu'elles permettent de garantir la continuité de l'enseignement des langues étrangères autres que l'anglais et, par suite, ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 312-9-2 du code de l'éducation aux termes desquelles : " Une continuité des apprentissages de langues vivantes étrangères doit être assurée entre le primaire et le collège " ;

29. Considérant qu'en l'absence de tout droit au maintien d'une réglementation, le moyen tiré de ce que ces dispositions, en ne permettant plus la pratique des classes " bilangues " dès la sixième aux élèves ayant pratiqué la langue anglaise à l'école élémentaire, priveraient les futurs élèves de sixième d'un dispositif dont les précédentes classes d'âge ont pu bénéficier doit être écarté comme inopérant ;

30. Considérant, enfin, que ces dispositions, qui ne font par elles-mêmes obstacle à aucun choix de première langue vivante en sixième, ne méconnaissent pas, par suite et en tout état de cause, tant le principe d'égal accès à l'instruction que le droit à l'acquisition d'une culture générale reconnu par l'article L. 111-1 du code de l'éducation ; que si elles réservent l'accès aux classes " bilangues " en sixième aux seuls élèves qui n'ont pas suivi d'apprentissage de la langue anglaise en classe élémentaire, la différence de traitement ainsi introduite en faveur des élèves ayant, en classe élémentaire, fait le choix d'apprendre une langue beaucoup plus rarement pratiquée que l'anglais, n'est pas de nature à caractériser une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi ;

Quant aux autres moyens de légalité interne :

S'agissant des moyens relatifs aux " enseignements pratiques interdisciplinaires " :

31. Considérant le seul caractère interdisciplinaire des enseignements complémentaires intitulés " enseignements pratiques interdisciplinaires " prévus par l'article 3 de l'arrêté attaqué n'est pas de nature à méconnaître les dispositions de l'article L. 111-1 du code de l'éducation qui fixent à l'école la mission de " transmission des connaissances " ; que le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit, par suite, être écarté ;

32. Considérant que l'arrêté attaqué, qui fixe à trois heures sur vingt-trois, en classe de sixième, et à quatre heures sur vingt-deux, en classes de cinquième, quatrième et troisième, la durée hebdomadaire des enseignements complémentaires, n'a, contrairement à ce que soutiennent les requérants, méconnu ni les dispositions de l'article L. 332-3 du code de l'éducation, déjà citées au point 13, selon lesquelles " Les collèges dispensent un enseignement commun, réparti sur quatre niveaux successifs " ni le principe d'égal accès à l'instruction, rappelé par l'article L. 141-1 du même code ; que la circonstance que les " enseignements pratiques interdisciplinaires " ne se voient pas affecter des heures additionnelles à celles globalement consacrées aux enseignements obligatoires n'est pas de nature à leur retirer leur caractère d'enseignement complémentaire, au sens des dispositions du même article L. 332-3 du code de l'éducation ;

33. Considérant que l'arrêté attaqué a pu, sans contradiction interne, prévoir à son article 5 l'existence d'un " enseignement pratique interdisciplinaire " relatif aux " langues et cultures de l'Antiquité ", tout en abrogeant les dispositions réglementaires qui prévoyaient, jusque là, des enseignements optionnels de langue latine et de langue grecque ; qu'eu égard à l'existence de cette thématique d'" enseignement pratique interdisciplinaire ", à la thématique de " langues et cultures étrangères ou, le cas échéant, régionales " prévue au même article 5, ainsi qu'aux dispositions de l'article 7 prévoyant la possibilité d'introduire des enseignements complémentaires, pour les élèves volontaires, dans les domaines des langues de l'Antiquité et des langues régionales, le moyen tiré de ce que la suppression des heures spécifiquement consacrées à l'apprentissage des langues anciennes et des langues régionales méconnaît les dispositions de l'article L. 111-1 du code de l'éducation aux termes desquelles : " L'acquisition d'une culture générale (...) est assurée à tous les jeunes " doit, en tout état de cause, être écarté ;

34. Considérant que, pour les mêmes motifs, les moyens tirés de ce que les dispositions instaurant les " enseignements pratiques interdisciplinaires " méconnaîtraient les dispositions des articles D. 332-2 et D. 332-4 du code de l'éducation, introduites par le décret attaqué du 19 mai 2015, qui prévoient que " Le collège dispense à chaque élève, sans distinction, une formation générale (...) " et qu'un arrêté du ministre chargé de l'éducation " peut prévoir d'autres enseignements pour les élèves volontaires ", doivent être écartés ;

S'agissant des autres moyens :

35. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 16, la circonstance que les dispositions de l'arrêté attaqué seraient en contradiction avec les stipulations de plusieurs conventions conclues, sur le fondement de l'article L. 312-10 du code de l'éducation, entre l'Etat et certaines régions, ne peut être utilement soulevée à l'encontre de cet arrêté ; que, par ailleurs, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de ce même article qui prévoient que : " L'enseignement facultatif de langue et culture régionales est proposé dans l'une des deux formes suivantes : 1° Un enseignement de la langue et de la culture régionales / 2° Un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale " est également inopérant, l'arrêté attaqué ne faisant pas obstacle à de tels enseignements ;

36. Considérant que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté méconnaîtrait, s'agissant de la définition des enseignements complémentaires et de leur volume horaire, ou en raison des renvois qu'il opère vers d'autres textes, l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme :

37. Considérant, enfin, que les moyens tirés de ce que l'arrêté méconnaît les articles 3-1, 28 et 29 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ou qu'il constituerait une " entrave à la mobilité contraire à la législation européenne " ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

38. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

39. Considérant que Mme DL...et autres n'ont, en tant qu'intervenants, pas qualité de partie dans la présente instance ; que ces dispositions font par suite obstacle à ce que leur soit accordée la somme qu'ils demandent à ce titre ;

40. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les requérants au titre de ces mêmes dispositions ;


D E C I D E
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Article 1er : Les interventions de l'association " Jeunes et contre " et de l'association régionale des langues anciennes de Bordeaux au soutien de la requête n° 390958 ne sont pas admises.
Article 2 : Les interventions de l'association " Jeunes et contre " et de l'association régionale des langues anciennes de Bordeaux au soutien de la requête n° 390956 et les interventions de Mme DL... et autres au soutien des requêtes n° 391868 et 391874 sont admises.
Article 3 : Le décret du 19 mai 2015 est annulé en tant qu'il introduit, au code de l'éducation, les dispositions des deux derniers alinéas du II de l'article D. 332-4 et la dernière phrase du III du même article ;
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes et les conclusions de Mme DL...et autres présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Arrête ton char - les langues et cultures de l'Antiquité aujourd'hui, à Mme AU...BI..., à M. X...BJ..., à l'Association pour le développement de l'enseignement de l'allemand en France, à M. AM...DD..., à M. B... BV..., à M. AR...BX..., à Mme CX...BY..., à M. BQ...Z..., à M. CB... DJ..., à Mme A...-R...AC..., à Mme A...AZ..., à Mme AQ...DM..., à M. E...-DR...O..., à M. DA...DH..., à Mme CQ...CG..., à M. AM... BO..., à Mme CP...BR..., à M. AD...CM..., à Mme AP...DI..., à Mme CW...DC..., à M. BM...CI..., à Mme A...-DQ...BN..., à Mme BF...AA..., à Mme Q...BW..., à Mme CT...AH..., à M. BP...AJ..., à M. Y...U..., à M. AI...G..., à M. BG...DX...BC..., à M. CO...BG..., à M. AR...CS...à M. BU...K..., à l'association " Jeunes et contre ", à l'association régionale des langues anciennes de Bordeaux, à MmeDP..., à Mme A...AW..., à M. E... -AR...L..., à M. BQ...Z..., à M. E...-DW...C..., à M. DA...AY..., à Mme J...AB..., à M. E...-DS...CR..., à MmeDO..., à M. E...BA..., à M. AR...-R...M..., à M. BQ...AF..., à Mme A...-R...DF..., à M. AE... DF..., à M. BZ...DY...AO..., à Mme CY...DK..., à M. Y... D..., à Mme V...BD..., à M. N...AG..., à Mme BB...BH..., à M. AW...CC..., à Mme CQ...DZ...-CC..., à M. E...AK..., à M. F...AL..., à Mme DN..., à M. E...-DT...CE..., à M. DE...DG..., à M. AR... BK..., à Mme CU...BL..., à M. P...AN..., à Mme DB...CF..., à Mme AT...CH..., à M. BE...S..., à Mme CV...CJ..., à Mme J...CK..., à M. H...BS..., à Mme CA...T..., à M. E...-DV...CL..., à Mme R...AS..., à M. E...-DU...CZ..., à M. BZ...BT..., à M. I...CN..., à Mme AP...DI..., à Mme CD...W..., à Mme AX...AV..., au syndicat national des enseignements de second degré, à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au Premier ministre.



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