Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 392145, lecture du 27 juin 2016, ECLI:FR:CECHR:2016:392145.20160627

Décision n° 392145
27 juin 2016
Conseil d'État

N° 392145
ECLI:FR:CECHR:2016:392145.20160627
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SCP LE BRET-DESACHE, avocats


Lecture du lundi 27 juin 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme C...B...-A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 novembre 2010 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a rejeté son opposition à voir enregistrer et conserver les données personnelles relatives à ses enfants, Koumar et SoureshA..., dans la " base élève premier degré " (BE1D) et la " base nationale identifiant élève " (BNIE), ainsi que la décision du 25 mars 2011 rejetant son recours hiérarchique. Par un jugement n° 1121985 du 12 juillet 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA03582 du 16 juin 2015, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de Mme B...-A..., annulé ce jugement, la décision du 24 novembre 2010 portant rejet de l'opposition de Mme B...-A... à l'enregistrement et la conservation des données personnelles relative à ses enfants Koumar et Souresh A...dans la " base élève premier degré " (BE1D) et la " base nationale identifiant élève " (BNIE), et enjoint à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de statuer sur les oppositions formées le 18 octobre 2010 par Mme B...-A..., sous réserve que celles-ci n'aient pas perdu leur objet, dans un délai de trois mois à compter de la notification de son arrêt.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juillet et 24 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme B...-A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;
- l'arrêté du 20 octobre 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif au pilotage et à la gestion des élèves de l'enseignement du premier degré ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme C...B...-A... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 juin 2016, présentée par Mme B...A... ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 18 octobre 2010, sur le fondement de l'article 38 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, Mme C...B...-A... s'est opposée à la collecte et au traitement de données relatives à ses deux enfants, Koumar et SoureshA..., scolarisés dans une école primaire du 18e arrondissement de Paris, dans la " base élève premier degré " (BE1D) et la " base nationale identifiant élève " (BNIE) ; que sa demande a été rejetée par une décision du 26 novembre 2010 de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, chargé du 1er degré, confirmée par une décision du 25 mars 2011 prise par la même autorité au nom du recteur de l'académie de Paris ; que la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche se pourvoit contre l'arrêt du 16 juin 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 12 juillet 2013 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de Mme B... -A... tendant à l'annulation de ces deux décisions et a enjoint à la ministre, sous réserve qu'elles n'aient pas perdu leur objet, de statuer dans un délai de trois mois à compter de la notification de son arrêt sur les oppositions formées le 18 octobre 2010 par Mme B... -A... ;

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 3 de la loi du 6 janvier 1978 : " Le responsable d'un traitement de données à caractère personnel est, sauf désignation expresse par les dispositions législatives ou réglementaires relatives à ce traitement, la personne, l'autorité publique, le service ou l'organisme qui détermine ses finalités et ses moyens " ; qu'aux termes de l'article 38 de la même loi : " Toute personne physique a le droit de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement. Elle a le droit de s'opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d'un traitement ultérieur./ Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque le traitement répond à une obligation légale ou lorsque l'application de ces dispositions a été écartée par une disposition expresse de l'acte autorisant le traitement " ; que l'article 90 du décret du 20 octobre 2005 pris pour l'application de cette loi dispose notamment que le responsable du traitement informe les personnes auprès desquelles sont recueillies des données à caractère personnel des coordonnées du service compétent auprès duquel elles peuvent exercer leur droit d'opposition ; que l'article 94 du même décret prévoit que le responsable du traitement répond à la demande présentée par l'intéressé dans le délai de deux mois suivant sa réception ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si la personne responsable du traitement, au sens des dispositions du I de l'article 3 de la loi du 6 janvier 1978, est, en principe, celle auprès de laquelle s'exerce le droit d'opposition, ni cette loi, ni le décret du 20 octobre 2005 pris pour son application ne font obstacle à ce qu'elle délègue sa compétence en la matière ;

4. Considérant qu'en l'espèce, ni l'arrêté du 20 octobre 2008 portant création de la BE1D, ni la déclaration de création de la BNIE, faite le 15 février 2006 par le ministre chargé de l'éducation nationale à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en application de dispositions de l'article 22 de la loi du 6 janvier 1978, ne comportent de disposition déléguant la compétence du ministre chargé de l'éducation nationale en matière d'exercice du droit d'opposition ;

5. Considérant toutefois qu'aux termes de l'article R. 225-25 du code de l'éducation : " Sous réserve des attributions dévolues au préfet de région en ce qui concerne les investissements des services de l'Etat dans la région, le recteur, pour l'exercice des missions relatives au contenu et à l'organisation de l'action éducatrice ainsi qu'à la gestion des personnels et des établissements qui y concourent, prend les décisions dans les matières entrant dans le champ de compétences du ministre chargé de l'éducation et du ministre chargé de l'enseignement supérieur exercées à l'échelon de l'académie " ; qu'aux termes de l'article R. 222-26 du même code, dans sa version alors applicable : " Sous réserve des attributions dévolues au préfet en ce qui concerne les investissements des services de l'Etat dans le département, l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, pour l'exercice des missions relatives au contenu et à l'organisation de l'action éducatrice ainsi qu'à la gestion des personnels et des établissements qui y concourent, prend les décisions dans les matières entrant dans le champ de compétences du ministre chargé de l'éducation exercées à l'échelon du département " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour l'exercice des missions relatives à l'organisation de l'action éducatrice, le recteur et l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, sous réserve des attributions dévolues aux préfets de région et de département pour le premier, et des attributions dévolues aux préfets en ce qui concerne les investissements des services de l'Etat dans le département pour le second, prennent les décisions dans les matières entrant dans le champ de compétence du ministre chargé de l'éducation exercées, pour le recteur, à l'échelon de la région académique, de l'académie et des services départementaux de l'éducation nationale, et pour l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale, à l'échelon du département ;

7. Considérant que les finalités de la BE1D, telles que définies par l'article 1er de l'arrêté du 20 octobre 2008, d'assurer la gestion administrative et pédagogique des élèves du premier degré, la gestion et le pilotage de l'enseignement du premier degré dans les circonscriptions scolaires du premier degré et les inspections d'académie et le pilotage académique et national, comme celle de la BNIE, qui est d'attribuer un identifiant unique à chaque élève, afin de permettre le suivi de toute sa scolarité, concourent aux missions relatives à l'action éducatrice et à son organisation, au sens des dispositions des articles R. 222-25 et R. 222-26 du code de l'éducation, dans leur version applicable en l'espèce ; que l'article 2 du même arrêté prévoyant la mise en oeuvre de la BE1D au niveau des établissements, des circonscriptions scolaires et des inspections d'académie, et l'article 6 réservant l'accès aux données au niveau national au seul service ministériel des statistiques, la compétence en matière d'exercice du droit d'opposition doit être regardée comme étant exercée à l'échelon départemental ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il en va de même en ce qui concerne la BNIE ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la cour administrative d'appel de Paris a entaché l'arrêt attaqué d'erreur de droit en considérant que ni l'inspecteur d'académie, ni le recteur de l'académie de Paris n'avaient compétence pour rejeter l'opposition formée par Mme B...-A... à la collecte et au traitement, dans la BE1D et la BNIE, de données relatives à ses deux enfants scolarisés dans une école primaire de Paris ; que, par suite, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mme B...-A... demande soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;



D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'arrêt du 16 juin 2015 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions de Mme B...-A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à Mme C...B...-A....
.



Voir aussi