Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 395824, lecture du 13 juillet 2016, ECLI:FR:CEASS:2016:395824.20160713

Décision n° 395824
13 juillet 2016
Conseil d'État

N° 395824
ECLI:FR:CEASS:2016:395824.20160713
Publié au recueil Lebon
Assemblée
Mme Marie Gautier-Melleray, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP DELAPORTE, BRIARD ; RICARD ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR, avocats


Lecture du mercredi 13 juillet 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 395824, par une requête, trois mémoires complémentaires et deux mémoires en réplique, enregistrés les 4 janvier, 3 février, 21 mars, 26 mai, 7 et 21 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés BFM TV et NextRadioTV demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2015-526 du 17 décembre 2015 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a agréé une modification des modalités de financement du service de télévision hertzienne terrestre La Chaîne Info (LCI) ;

2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Sous le n° 399098, par une requête enregistrée le 25 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés BFM TV et NextRadioTV demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision n° 2016-119 du 19 février 2016 modifiant la décision n° 2003-316 du 10 juin 2003 modifiée et prorogée autorisant la société La Chaîne info à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national dénommé LCI.





....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la directive 2002/20/CE du Parlement et du Conseil du 7 mars 2002 modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 ;
- la directive 2002/77/CE de la Commission du 16 septembre 2002 relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications ;
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat des sociétés BFM TV et NextRadioTV, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat du Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la SCP Delaporte, Briard, avocat de la société La chaine Info et à Me Ricard, avocat de l'UNSA-CFTC ;


1. Considérant que le premier alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication dispose que l'autorisation relative à un service de communication audiovisuelle " peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement " ; que le quatrième alinéa du même article, introduit par la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, précise toutefois que : " Sous réserve du respect des articles 1er et 3-1, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut, par décision motivée, donner son agrément à une modification des modalités de financement lorsqu'elle porte sur le recours ou non à une rémunération de la part des usagers. Préalablement à sa décision, il procède à une étude d'impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires. Il procède aussi à l'audition publique du titulaire et entend les tiers qui le demandent. Cette modification de l'autorisation peut être agréée si les équilibres du marché publicitaire des services de télévision hertzienne terrestre sont pris en compte " ;

2. Considérant que, par une décision du 10 juin 2003, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a autorisé la société La Chaîne Info (LCI) à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national, diffusé sous condition d'accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique ; que la convention annexée à l'autorisation qui fixe les règles particulières applicables au service LCI prévoit à son article 1-1 que la programmation est consacrée à l'information et que le financement fait appel à une rémunération de la part des usagers ; que, par une décision du 15 mai 2012, le CSA a prorogé l'autorisation pour une durée de cinq ans ; que le groupe TF1, auquel appartient la société LCI, a demandé au CSA d'agréer, sur le fondement des dispositions du quatrième alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 cité ci-dessus, de nouvelles modalités de financement du service ne recourant plus à une rémunération versée par les usagers ; que le groupe TF1 a assorti sa demande d'un ensemble d'engagements, tenant à la part respective des journaux d'information et des magazines dans la grille de programmes de LCI, à la présence d'émissions culturelles et d'émissions consacrées à l'actualité internationale et à la part des femmes intervenant dans les programmes ; que, par une décision du 17 décembre 2015, le CSA a agréé la modification des modalités de financement du service LCI, en subordonnant cet agrément à une modification de la convention annexée à l'autorisation destinée à y inclure les engagements ainsi formulés ; que, le 17 février 2016, le CSA et la société LCI ont conclu un avenant à la convention ; que, par une décision du 19 février 2016, à laquelle cet avenant est annexé, le CSA a modifié l'autorisation d'émission délivrée le 10 juin 2003 au service LCI afin de prévoir que ce service serait diffusé " en clair " et non " sous condition d'accès " ; que la société BFM TV, qui exploite un service gratuit consacré à l'information, et la société NextRadioTV, dont elle est une filiale, demandent l'annulation, d'une part, de la décision du 17 décembre 2015 et, d'autre part, de la décision du 19 février 2016 ; que leurs requêtes présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la recevabilité de l'intervention de l'USNA-CFTC :

3. Considérant que l'USNA-CFTC, qui regroupe des syndicats nationaux de salariés du secteur de l'audiovisuel et déclare intervenir à l'instance afin de défendre les intérêts des salariés de la société La Chaîne Info, justifie d'un intérêt suffisant au maintien des décisions attaquées ; qu'ainsi son intervention en défense est recevable ;

Sur la décision du 17 décembre 2015 agréant la modification des modalités de financement du service LCI :

En ce qui concerne la régularité de la décision :

4. Considérant que les dispositions du quatrième alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 citées ci-dessus imposent au CSA de réaliser préalablement à sa décision une étude d'impact qui est rendue publique ; qu'afin d'assurer la transparence de la procédure suivie, le législateur a entendu que la publication de l'étude d'impact intervienne avant la date à laquelle il est statué sur la demande ; qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant la procédure applicable, il appartient au CSA d'effectuer cette publication en temps utile pour que le demandeur et les autres personnes intéressées puissent faire valoir leurs observations écrites ou demander à être entendus sur les conclusions de l'étude ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'étude d'impact relative à la modification des modalités de financement du service LCI a été rendue publique le 23 novembre 2015 ; que, le 26 novembre 2015, le groupe TF1 a transmis au CSA une lettre modifiant les engagements pris antérieurement par ce groupe à propos de la part respective des journaux d'actualité et des magazines d'information dans les programmes du service LCI ; que si les requérantes soutiennent que ces nouveaux engagements ne pouvaient être pris en compte par le CSA en raison de leur communication tardive et du fait qu'ils n'avaient pu être analysés par l'étude d'impact, il résulte de l'instruction que le contenu de la lettre du 26 novembre 2015 ne soulevait pas de question nouvelle et ne remettait pas en cause les hypothèses générales sur lesquelles l'étude d'impact était fondée ; qu'au demeurant, cette lettre a été rendue publique par le CSA le 30 novembre 2015 et les tiers intéressés ont pu présenter des observations sur son contenu au cours des auditions tenues par le CSA les 3 et 4 décembre 2015 et dans les productions écrites qu'ils pouvaient remettre jusqu'au 11 décembre 2015, date limite fixée à cette fin par le CSA ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la présentation tardive de ces nouveaux engagements et leur prise en compte par le CSA aurait entaché d'irrégularité la procédure suivie doit être écarté ;

6. Considérant, par ailleurs, que la décision attaquée énonce de façon précise les éléments de droit et de fait sur lesquels elle repose ; que la seule circonstance qu'elle ne fait pas état de la création éventuelle d'une chaîne publique consacrée à l'information, ni des raisons pour lesquelles le CSA a estimé ne pas devoir en tenir compte, ne l'entache pas d'insuffisance de motivation ;

En ce qui concerne le bien fondé de la décision :

7. Considérant qu'il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article 5, paragraphe 2 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive " Autorisations ") que si les autorisations d'utilisation de ressources radioélectriques doivent en principe être délivrées après une procédure ouverte, les Etats membres peuvent exceptionnellement ne pas recourir à une telle procédure lorsque cela s'avère nécessaire à la réalisation d'un objectif d'intérêt général défini dans le respect du droit de l'Union ; qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 15 novembre 2013 qu'en permettant au CSA d'agréer la modification, en ce qui concerne le recours ou non à une rémunération de la part des usagers, de l'autorisation afférente à un service de communication audiovisuelle, le législateur a tenu compte de l'échec du modèle économique de distribution payante défini par l'autorité de régulation lors du lancement de la télévision numérique terrestre et de l'intérêt qui peut s'attacher, au regard de l'impératif fondamental de pluralisme et de l'intérêt du public, à la poursuite de la diffusion d'un service ayant opté pour ce modèle ; qu'il appartient au CSA, saisi d'une demande d'agrément présentée sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, d'apprécier, en tenant compte du risque de disparition du service exploité par le demandeur, des risques qu'une modification de ses conditions de financement ferait peser sur la poursuite de l'exploitation d'autres services et des contributions respectives de ces services au pluralisme du secteur et à la qualité des programmes, si, en raison notamment de l'absence de fréquence disponible, l'impératif de pluralisme et l'intérêt du public justifient de ne pas recourir à une procédure ouverte ; que, si tel est le cas, le CSA doit délivrer l'agrément sollicité, sans qu'il en résulte en tout état de cause une méconnaissance des dispositions de la directive dès lors que la modification de l'autorisation en ce qui concerne les conditions de financement du service doit alors être regardée comme nécessaire à la réalisation d'un objectif d'intérêt général ;

8. Considérant que, pour délivrer l'agrément litigieux, le CSA a, dans sa décision du 17 décembre 2015, constaté l'absence à cette date de fréquence disponible permettant d'organiser un appel aux candidatures auquel la société La Chaîne info aurait pu se porter candidate pour l'exploitation d'un service gratuit ; qu'il a estimé que le maintien d'une diffusion payante comportait un risque sérieux de disparition du service LCI ; que, s'interrogeant ensuite sur les effets d'une diffusion gratuite de ce service sur les services d'information gratuits existants, il a retenu que la viabilité économique du service BFM TV ne serait pas remise en cause, même à long terme, et que si celle du service iTélé risquait d'être compromise, elle était susceptible d'être préservée si ce service prenait, dans le cadre d'une concurrence accrue, les mesures nécessaires pour se rendre plus attractif aux yeux du public ; que, tenant compte notamment des engagements pris par LCI en vue de faire évoluer la grille de programmes et de proposer un format de chaîne d'information différent de celui des chaînes gratuites existantes, le CSA a estimé que la diffusion gratuite du service LCI permettrait de renforcer le pluralisme et la qualité des programmes ;

Quant aux critères mis en oeuvre par le CSA :

9. Considérant qu'il ressort des motifs de la décision attaquée que le CSA a apprécié les risques de disparition du service LCI en cas de maintien de ses modalités de financement, les risques de disparition d'autres services dans l'hypothèse où la diffusion gratuite de ce service serait autorisée et la contribution du service LCI au pluralisme et à la qualité des programmes au regard de l'offre déjà présente sur la télévision numérique terrestre gratuite ; qu'il ne ressort ni des mentions de la décision attaquée, ni des autres pièces du dossier que le CSA aurait estimé que le seul constat du risque de disparition du service LCI devait entraîner la délivrance de l'agrément demandé ; que le CSA devant procéder à l'examen de ce critère de façon objective compte tenu de la situation existante à la date où il statue, il ne lui appartenait pas de tenir compte de l'attitude passée de l'éditeur du service pour apprécier le risque de disparition de celui-ci, hors le cas d'un comportement frauduleux qui n'est pas allégué en l'espèce ; que l'examen auquel s'est livré le CSA sur les trois critères mentionnés ci-dessus repose notamment sur l'évaluation de l'impact qu'aurait la modification demandée sur les équilibres du marché publicitaire des services de télévision hertzienne terrestre ; que les sociétés requérantes ne sont, dès lors, pas fondées à soutenir que l'instance de régulation se serait abstenue de procéder à cette évaluation en méconnaissance des dispositions du quatrième alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 ;

Quant à la prise en compte des engagements du groupe TF1 :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 : " La délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre (...) est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel au nom de l'Etat et la personne qui demande l'autorisation./ Dans le respect de l'honnêteté et du pluralisme de l'information et des programmes et des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 27, cette convention fixe les règles particulières applicables au service (...)./ (...) / Sans préjudice des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 27 et afin de faciliter le développement de la télévision numérique de terre, les conventions conclues avec les éditeurs de services autorisés en application de l'article 30-1 pourront être régulièrement révisées sur un ou plusieurs des points précédemment énumérés./ Toute modification de convention d'un service national de télévision autorisé en application de l'article 30-1 ou d'un service de radio appartenant à un réseau de diffusion à caractère national au sens de l'article 41-3 susceptible de modifier de façon importante le marché en cause est précédée d'une étude d'impact, rendue publique..." ;

11. Considérant que ces dispositions, qui subordonnent la délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion d'un service diffusé par voie hertzienne terrestre à la conclusion entre le CSA et la personne qui demande l'autorisation d'une convention fixant les règles particulières applicables au service, ne font pas obstacle à ce que les conventions ainsi conclues fassent l'objet de modifications pour autant que celles-ci ne revêtent pas, par leur objet ou leur ampleur, un caractère substantiel ; qu'aucune disposition ni aucun principe ne s'oppose à ce que de telles modifications soient apportées, dans les limites ainsi permises, à l'occasion de la modification des conditions de financement du service ; que le CSA a ainsi pu, sans méconnaître les dispositions des articles 28 et 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, assortir la délivrance de l'agrément demandé d'une condition tenant à la modification de la convention relative au service LCI ; que les modifications que l'éditeur de ce service s'est engagé à apporter par avenant à cette convention, rappelées par le CSA dans la décision d'agrément, n'affectent pas l'orientation générale de la chaîne dont les programmes continueront d'être consacrés à 80 % à l'information et ne sauraient, dès lors, être regardées comme substantielles ; que dans ces conditions, en examinant la demande du service LCI au vu notamment des modifications ainsi envisagées, le CSA n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'il n'appartenait pas à la décision attaquée de définir les modalités d'élaboration de l'avenant à la convention, lesquelles sont prévues par les dispositions citées ci-dessus de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 ; que les sociétés requérantes ne peuvent, par suite, utilement soutenir que le CSA aurait méconnu sa compétence en s'abstenant d'organiser la procédure d'élaboration de cet avenant ;

Quant aux appréciations auxquelles le CSA s'est livré :

12. Considérant, d'une part, qu'il ressort des mentions de la décision attaquée et qu'il n'est pas contesté que le service LCI est déficitaire depuis plusieurs années, que son chiffre d'affaire est en baisse constante depuis 2009, en raison tant d'une baisse de ses recettes publicitaires que d'une diminution des redevances versées par les distributeurs, et que la nécessité qui en est résultée de diminuer ses charges a pesé sur la qualité de ses programmes et accentué ses pertes d'audience ; que la possibilité pour le service LCI de trouver un modèle économique viable et pérenne s'il n'est plus diffusé que par câble, par satellite et par les réseaux de télécommunication apparaît incertaine ; que la circonstance que LCI aurait pu participer à un appel à candidatures pour obtenir une autorisation de diffusion gratuite au cours des années précédentes est sans incidence sur l'appréciation du risque de disparition du service à la date de la décision attaquée ; que dans ces conditions, le CSA n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'absence de changement des modalités de financement du service LCI était susceptible de conduire le groupe TF1 à cesser son exploitation ;

13. Considérant, d'autre part, que la décision attaquée se fonde sur l'hypothèse d'un transfert d'audience des services d'information existants vers le service LCI représentant 40 à 60 % de l'audience de ce dernier, le transfert étant plus important s'agissant de la chaîne iTélé en raison d'une plus grande proximité de programmation ; que le CSA a pu valablement retenir à cet égard des hypothèses différentes de celles qu'il avait adoptées en 2014 lors de l'examen d'une précédente demande du service LCI, en raison des nouveaux engagements pris par ce dernier relativement à la ligne éditoriale de la chaîne ; que si la présidente de la société France Télévisions nommée au mois d'avril 2015 avait manifesté dans le cadre de sa candidature le souhait de créer une chaîne publique d'information en continu, il est constant qu'à la date de la décision attaquée, la diffusion de cette chaîne par voie hertzienne terrestre en mode numérique demeurait incertaine et que ni son contenu, ni ses programmes n'étaient encore définis ; que, par suite, le CSA a pu sans commettre d'erreur d'appréciation ne pas prendre en compte dans sa décision la perspective de création de cette chaîne publique ; qu'au regard des transferts d'audience tels qu'évalués par le CSA, de la situation des services concernés en terme d'audience et de ressources publicitaires et des engagements pris par le groupe TF1 en matière de promotion croisée et de publicité groupée, le CSA a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que " le service iTélé serait économiquement affecté par l'arrivée du service LCI, en raison d'une part d'audience inférieure au seuil de rentabilité ", sous réserve de mesures par lesquelles ce service parviendrait à faire face à une concurrence accrue, et, s'agissant du service BFM TV, que " la viabilité de la chaîne ne saurait être, même à long terme, remise en cause " ;

14. Considérant, enfin, que le CSA s'est principalement fondé sur les différences existant entre le projet éditorial du service LCI et les programmes des autres chaînes d'information pour estimer que " la poursuite de l'activité du service LCI sur la TNT gratuite serait de nature à renforcer le pluralisme des courants d'expression socio-culturels et présenterait un intérêt pour le public " ; que compte tenu des engagements pris par le service LCI de limiter à 30 % du temps d'antenne la part des journaux d'information et de réserver au minimum 30 % du temps d'antenne à des magazines, alors que ces catégories de programmes représentent respectivement 76 % et 9 % pour la chaîne BFM TV et 45 % et 36 % pour la chaîne iTélé, ce motif n'est entaché d'aucune erreur d'appréciation ; que la circonstance que la diffusion du service LCI sur un canal de la télévision numérique terrestre gratuite a pour effet de renforcer la position du groupe TF1 dans le secteur de l'information télévisuelle gratuite, ne suffit pas, compte tenu de l'existence d'une pluralité d'opérateurs proposant une offre d'information gratuite et de la part d'audience relativement faible des chaînes d'information en continu, à faire regarder comme erronée l'appréciation portée par le CSA sur l'impact qu'aurait la modification demandée sur le pluralisme ; que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions, correspondant aux engagements souscrits par le groupe TF1, auxquelles l'agrément a été subordonné soient insuffisantes pour garantir que la modification des conditions de financement du service apporte une contribution au pluralisme et à la qualité des programmes ;

Quant à l'existence d'une aide d'Etat :

15. Considérant que l'agrément de la modification des conditions de financement d'un service audiovisuel dans les conditions prévues par le 4ème alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 ne se traduit par aucune dépense supplémentaire ou atténuation de recettes pour l'Etat, les autres collectivités publiques ou des personnes agissant pour leur compte ; qu'il ne saurait dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, être regardé comme une aide accordée par l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, devant faire l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne en application de son article 108 ;

Sur la décision du 19 février 2016 modifiant l'autorisation relative au service LCI :

16. Considérant que les requérantes soutiennent que la décision du 19 février 2016 par laquelle le CSA a modifié l'autorisation d'émettre délivrée au service LCI en conséquence de l'agrément donné au changement de ses conditions de financement doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cet agrément ; qu'il résulte du rejet par la présente décision des conclusions dirigées contre cet agrément que ce moyen doit être écarté ;

17. Considérant que l'article 1er de la décision du 17 décembre 2015 agréant la modification des conditions de financement du service LCI dispose que cet agrément est délivré " sous réserve de la signature, par l'éditeur du service LCI, d'un avenant à la convention conclue le 30 juin 2003 avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui devra reprendre chacun des engagements souscrits par le groupe TF1 à l'appui de sa demande ainsi que dans sa lettre du 26 novembre 2015 susvisée " ; que le CSA était tenu de respecter les conditions ainsi posées lors de la conclusion de l'avenant à la convention du service LCI ; que les sociétés requérantes, qui ne démontrent pas que les modifications apportées à la convention ne reprendraient pas l'ensemble des engagements auxquels la décision d'agrément fait référence, ne sont pas fondées à soutenir que ces modifications résulteraient d'une erreur d'appréciation ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation des décisions qu'elles attaquent ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CSA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge des sociétés BFM TV et NextRadioTV les sommes de 6 000 euros à verser au CSA et 6 000 euros à verser à la société LCI, au titre des mêmes dispositions ;


D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'intervention de l'Union des syndicats nationaux de l'audiovisuel (CFTC) est admise.
Article 2 : Les requêtes des sociétés BFM TV et NextRadioTV sont rejetées.
Article 3 : Les sociétés BFM TV et NextRadioTV verseront solidairement la somme de 6 000 euros au CSA et la somme de 6 000 euros à la société LCI au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La décision sera notifiée aux sociétés BFM TV, NextRadioTV et LCI, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la ministre de la culture et de la communication et à l'Union des Syndicats Nationaux de l'audiovisuel CFTC.


Voir aussi