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Ariane Web: Conseil d'État 396958, lecture du 19 octobre 2016, ECLI:FR:CEFSP:2016:396958.20161019

Décision n° 396958
19 octobre 2016
Conseil d'État

N° 396958
ECLI:FR:CEORD:2016:396958.20161019
Publié au recueil Lebon
Formation spécialisée
Mme Catherine de Salins, rapporteur
Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public


Lecture du mercredi 19 octobre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 février et 22 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) de vérifier si des techniques de renseignement ont été mises en oeuvre à son égard ;

2°) le cas échéant, de constater qu'elles l'ont été illégalement.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M.B..., et d'autre part, le Premier ministre et la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

et après avoir entendu en séance :
- le rapport de Mme Catherine de Salins, conseiller d'Etat,
- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Béatrice
Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;


1. Aux termes de l'article L. 833-1 du cde la sécurité intérieure : " La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement veille à ce que les techniques de recueil de renseignement soient mises en oeuvre sur le territoire national conformément au présent livre ". L'article L. 833-4 du même code précise que : " De sa propre initiative ou lorsqu'elle est saisie d'une réclamation de toute personne souhaitant vérifier qu'aucune technique de renseignement n'est irrégulièrement mise en oeuvre à son égard, la commission procède au contrôle de la ou des techniques invoquées en vue de vérifier qu'elles ont été ou sont mises en oeuvre dans le respect du présent livre. Elle notifie à l'auteur de la réclamation qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires, sans confirmer ni infirmer leur mise en oeuvre ".
2. L'article L. 841-1 du code de la sécurité intérieure dispose : " Sous réserve des dispositions particulières prévues à l'article L. 854-9 du présent code, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre des techniques de renseignement mentionnées au titre V du présent livre./ Il peut être saisi par : /1° Toute personne souhaitant vérifier qu'aucune technique de renseignement n'est irrégulièrement mise en oeuvre à son égard et justifiant de la mise en oeuvre préalable de la procédure prévue à l'article L. 833-4 ; /2° La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les conditions prévues à l'article L. 833-8. /Lorsqu'une juridiction administrative ou une autorité judiciaire est saisie d'une procédure ou d'un litige dont la solution dépend de l'examen de la régularité d'une ou de plusieurs techniques de recueil de renseignement, elle peut, d'office ou sur demande de l'une des parties, saisir le Conseil d'Etat à titre préjudiciel. Il statue dans le délai d'un mois à compter de sa saisine.". Ces dispositions s'appliquent aux techniques de renseignement mises en oeuvre à compter de la date de leur entrée en vigueur, soit le 3 octobre 2015, y compris celles qui, initiées avant cette date, ont continué à être mises en oeuvre après.
3. L'article L. 773-6 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque la formation de jugement constate l'absence d'illégalité dans la mise en oeuvre d'une technique de recueil de renseignement, la décision indique au requérant ou à la juridiction de renvoi qu'aucune illégalité n'a été commise, sans confirmer ni infirmer la mise en oeuvre d'une technique. Elle procède de la même manière en l'absence d'illégalité relative à la conservation des renseignements " et l'article L. 773-7 du même code : Lorsque la formation de jugement constate qu'une technique de recueil de renseignement est ou a été mise en oeuvre illégalement ou qu'un renseignement a été conservé illégalement, elle peut annuler l'autorisation et ordonner la destruction des renseignements irrégulièrement collectés./ Sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale, elle informe la personne concernée ou la juridiction de renvoi qu'une illégalité a été commise. Saisie de conclusions en ce sens lors d'une requête concernant la mise en oeuvre d'une technique de renseignement ou ultérieurement, elle peut condamner l'Etat à indemniser le préjudice subi./ Lorsque la formation de jugement estime que l'illégalité constatée est susceptible de constituer une infraction, elle en avise le procureur de la République et transmet l'ensemble des éléments du dossier au vu duquel elle a statué à la Commission consultative du secret de la défense nationale, afin que celle-ci donne au Premier ministre son avis sur la possibilité de déclassifier tout ou partie de ces éléments en vue de leur transmission au procureur de la République ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. /Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en oeuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. /Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a saisi, le 23 novembre 2015, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) afin de vérifier qu'aucune technique de renseignement n'était irrégulièrement mise en oeuvre à son égard. Par lettre du 8 décembre 2015, le président de la CNCTR a informé M. B...qu'il avait été procédé à l'ensemble des vérifications requises et que la procédure était terminée, sans apporter à l'intéressé d'autres informations. Dans le dernier état de son argumentation, M. B...demande au Conseil d'Etat de vérifier si des techniques de renseignement ont été mises en oeuvre à son égard et, le cas échéant, de constater qu'elles l'ont été illégalement. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que ces conclusions, qui se rapportent à la mise en oeuvre éventuelle de techniques de renseignement postérieurement à l'entrée en vigueur, le 3 octobre 2015, de la loi du 24 juillet 2015, sont recevables, que la décision de les mettre en oeuvre ait été prise avant comme après cette date, contrairement à ce que le Premier ministre soutient en défense.
5. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative, saisie de conclusions tendant à ce qu'elle s'assure qu'aucune technique de renseignement n'est irrégulièrement mise en oeuvre à l'égard du requérant, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant fait ou non l'objet d'une telle technique. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si cette technique est mise en oeuvre dans le respect du livre VIII du code de la sécurité intérieure. Lorsqu'il apparaît soit qu'aucune technique de renseignement n'est mise en oeuvre à l'égard du requérant, soit que cette mise en oeuvre n'est entachée d'aucune illégalité, la formation de jugement informe le requérant de l'accomplissement de ces vérifications et qu'aucune illégalité n'a été commise, sans autre précision. Dans le cas où une technique de renseignement est mise en oeuvre dans des conditions qui apparaissent entachées d'illégalité, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. En pareil cas, par une décision distincte dont seule l'administration compétente et la CNCTR sont destinataires, la formation spécialisée annule le cas échéant l'autorisation et ordonne la destruction des renseignements irrégulièrement collectés.
6. La formation spécialisée a examiné, selon les modalités décrites au point précédent, les éléments fournis par la CNCTR, qui a précisé l'ensemble des vérifications auxquelles elle avait procédé, et par le Premier ministre. A l'issue de cet examen, il y a lieu de répondre à M. B...que la vérification qu'il a sollicitée a été effectuée et n'appelle aucune mesure de la part du Conseil d'Etat.



D E C I D E :
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Article 1er : Il a été procédé à la vérification demandée par M.B....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au Premier ministre et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.


Voir aussi