Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 413129, lecture du 24 avril 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:413129.20190424

Décision n° 413129
24 avril 2019
Conseil d'État

N° 413129
ECLI:FR:CECHR:2019:413129.20190424
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
Mme Déborah Coricon, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats


Lecture du mercredi 24 avril 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

La SAS Control Union Inspections France a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2009, la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, la décharge de la retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par deux jugements n° 1300278 et n° 1300280 du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à ces demandes et a prononcé la décharge des impositions en litige.

Par un arrêt n° 15DA01008, 15DA01022 du 6 juin 2017, la cour administrative d'appel de Douai, faisant droit aux appels du ministre des finances et des comptes publics, a annulé ces jugements et remis à la charge de la société les impositions en litige.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 août et 7 novembre 2017 et le 7 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Control Union Inspections France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Déborah Coricon, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Contrôl Union Inspections France (CUIF) ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause, en application de l'article 238 A du code général des impôts, la déductibilité de sommes versées par la société Control Union Inspection France (CUIF), de 2007 à 2009, à la société Control Union Western Hemisphere (CUWH) NV en rémunération de la garantie des risques liés à l'exécution du contrat signé le 11 juillet 2006 avec l'Office Algérien Interprofessionnel des Céréales (OAIC) par lequel celui-ci lui a confié l'inspection et le contrôle des cargaisons de céréales qu'il importe par voie maritime. La société a été assujettie, par voie de conséquence, en premier lieu, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de chacun des exercices vérifiés, assorties de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, en deuxième lieu, à des retenues à la source au titre des mêmes exercices, en application de l'article 119 bis de ce code, également assorties de la majoration pour manquement délibéré, dès lors que les sommes en cause ont été regardées comme des revenus réputés distribués au sens du 1 du 1° de l'article 109 du même code, et, en troisième lieu, à des cotisations minimales de taxe professionnelle au titre des années 2008 et 2009, faute pour les sommes versées à la société CUWH NV de pouvoir être déduites de la valeur ajoutée de la société CUIF. Par deux jugements du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Rouen a fait droit aux demandes de la société CUIF de décharge de ces impositions. La société demande l'annulation de l'arrêt du 6 juin 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, faisant droit aux appels du ministre, a annulé ces jugements et remis à sa charge les impositions en litige.

2. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 238 A du code général des impôts, alors applicables: " Les intérêts, (...), les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en Franceà des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré./ Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. ".

3. Pour l'application de ces dispositions, la charge de la preuve de ce que le bénéficiaire des rémunérations en cause est soumis à un régime fiscal privilégié incombe à l'administration. Il lui appartient à cet égard d'apporter tous éléments circonstanciés non seulement sur le taux d'imposition, mais sur l'ensemble des modalités selon lesquelles des activités du type de celles qu'exerce ce bénéficiaire sont imposées dans le pays où il est domicilié.ou établie en France Le contribuable peut, de son côté, faire valoir, en réponse à l'administration, tous éléments propres à la situation du bénéficiaire en cause. Dans le cas où l'administration doit être regardée, au vu de l'ensemble des éléments ainsi produits par les parties, comme ayant établi que le bénéficiaire n'est pas imposable ou est assujetti à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont il aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, il appartient au contribuable d'apporter la preuve que les dépenses en cause correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

4. Après avoir seulement relevé que la société requérante ne contestait pas qu'aux Antilles Néerlandaises où était établie la société CUWH NV, le taux d'imposition du bénéfice des sociétés variait de 2,4 % à 6 %, alors que le taux d'imposition à l'impôt sur les sociétés était fixé en France à 33,33 %, la cour en a déduit que l'administration devait être regardée comme établissant que la société CUWH NV était, en l'espèce, soumise à un régime fiscal privilégié. Elle a ainsi méconnu la règle exposée au point 3 ci-dessus et commis une erreur de droit. Par suite, la société CUIF est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société CUIF au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 6 juin 2017 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : L'Etat versera à la société CUIF la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Control Union Inspections France et au ministre de l'action et des comptes publics.


Voir aussi