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Ariane Web: Conseil d'État 413840, lecture du 11 juillet 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:413840.20190711

Décision n° 413840
11 juillet 2019
Conseil d'État

N° 413840
ECLI:FR:CECHR:2019:413840.20190711
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Christian Fournier, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
CABINET BRIARD, avocats


Lecture du jeudi 11 juillet 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

La SA Fiat France, devenue FCA France, a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre respectivement des années 2010, 2011, 2012, et des années 2013 et 2014. Par un jugement n° 1305974, 1504875 du 30 juin 2017, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ces demandes.

Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 août et 30 novembre 2017 et le 23 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société FCA France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au cabinet Briard, avocat de la société FCA France ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis au juge du fond que la société Fiat France a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2014 pour des immeubles situés rue Albert Einstein et rue Nicolas Copernic à Trappes (Yvelines). Par un jugement du 30 juin 2017, le tribunal administratif, après avoir constaté qu'aucun des nombreux locaux-types proposés par les parties n'était pertinent, a déterminé la valeur locative des biens en cause par voie d'appréciation directe, en application du 3° de l'article 1498 du code général des impôts. Il a retenu comme valeur vénale, pour le bien situé rue Albert Einstein, la valeur figurant sur l'acte de cession de ce bien intervenue en 1985 et, pour le bien situé rue Nicolas Copernic, les montants de deux hypothèques conventionnelles inscrites sur la parcelle AM 15 en 1976 et 1978. Après avoir fixé les valeurs locatives de ces biens et estimé que les nouvelles bases d'imposition en résultant étaient inférieures à celles en litige, le tribunal administratif a rejeté les demandes de la société. La société FCA France, venue aux droit de la société Fiat France, se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il porte sur l'évaluation de la valeur locative de l'immeuble situé rue Nicolas Copernic.

2. Aux termes de l'article 1498 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. (...) / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ". Aux termes de l'article 324 AB de l'annexe III au même code : " Lorsque les autres moyens font défaut, il est procédé à l'évaluation directe de l'immeuble en appliquant un taux d'intérêt à sa valeur vénale, telle qu'elle serait constatée à la date de référence si l'immeuble était libre de toute location ou occupation. / Le taux d'intérêt susvisé est fixé en fonction du taux des placements immobiliers constatés dans la région à la date de référence pour des immeubles similaires ". Aux termes de l'article 324 AC de la même annexe : " En l'absence d'acte et de toute autre donnée récente faisant apparaître une estimation de l'immeuble à évaluer susceptible d'être retenue sa valeur vénale à la date de référence est appréciée d'après la valeur vénale d'autres immeubles d'une nature comparable ayant fait l'objet de transactions récentes situés dans la commune même ou dans une localité présentant du point de vue économique une situation analogue à celle de la commune en cause. / La valeur vénale d'un immeuble peut également être obtenue en ajoutant à la valeur vénale du terrain, estimée par comparaison avec celle qui ressort de transactions récentes relatives à des terrains à bâtir situés dans une zone comparable, la valeur de reconstruction au 1er janvier 1970 dudit immeuble, réduite pour tenir compte, d'une part, de la dépréciation immédiate et, d'autre part, du degré de vétusté de l'immeuble et de son état d'entretien, ainsi que de la nature, de l'importance, de l'affectation et de la situation de ce bien ".

3. En vertu des articles 324 AB et 324 AC de l'annexe III au code général des impôts, la valeur vénale des immeubles évalués par voie d'appréciation directe doit d'abord être déterminée en utilisant les données figurant dans les différents actes constituant l'origine de la propriété de l'immeuble si ces données, qui peuvent résulter notamment d'actes de cession, de déclarations de succession, d'apports en société ou, s'agissant d'immeubles qui n'étaient pas construits en 1970, de leur valeur lors de leur première inscription au bilan, ont une date la plus proche possible de la date de référence du 1er janvier 1970. Si ces données ne peuvent être regardées comme pertinentes du fait qu'elles présenteraient une trop grande antériorité ou postériorité par rapport à cette date, il incombe à l'administration fiscale de proposer des évaluations fondées sur les deux autres méthodes prévues à l'article 324 AC, en retenant des transactions qui peuvent être postérieures ou antérieures aux actes ou au bilan mentionnés ci-dessus dès lors qu'elles ont été conclues à une date plus proche du 1er janvier 1970. Ce n'est que si l'administration n'est pas à même de proposer des éléments de calcul fondés sur l'une ou l'autre de ces méthodes et si le contribuable n'est pas davantage en mesure de fournir ces éléments de comparaison qu'il y a lieu de retenir, pour le calcul de la valeur locative, les données figurant dans les actes constituant l'origine de la propriété du bien ou, le cas échéant, dans son bilan.

4. Aux termes de l'article 2393 du code civil : " L'hypothèque est un droit réel sur les immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation ". L'hypothèque est inscrite à concurrence du montant de la dette à garantir, indépendamment de la valeur de l'immeuble.

5. Pour l'évaluation de l'immeuble situé rue Nicolas Copernic par la méthode d'appréciation directe, le tribunal administratif a retenu les montants de deux hypothèques conventionnelles qui avaient été inscrites sur ce bien en 1976 et 1978. En se fondant sur les montants de ces deux hypothèques conventionnelles, qui ne sont pas de nature à établir la valeur vénale de l'immeuble en cause, le tribunal administratif a fait une inexacte application des articles 324 AB et 324 AC de l'annexe III au code général des impôts. La société FCA France est, en conséquence, fondée à demander, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il porte sur l'évaluation de la valeur locative de l'immeuble situé rue Nicolas Copernic en application du 3° de l'article 1498 du code général des impôts.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société FCA France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 30 juin 2017 du tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il se prononce, pour le bien situé 6, rue Nicolas Copernic à Trappes, sur l'application du 3° de l'article 1498 du code général des impôts.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à la société FCA France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société FCA France et au ministre de l'action et des comptes publics.


Voir aussi