Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 357039, lecture du 18 juillet 2019, ECLI:FR:CECHS:2019:357039.20190718

Décision n° 357039
18 juillet 2019
Conseil d'État

N° 357039
ECLI:FR:CECHS:2019:357039.20190718
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP ORTSCHEIDT, avocats


Lecture du jeudi 18 juillet 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une décision du 14 mai 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête de la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 19 décembre 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé portant extension de l'accord du 10 mai 2010 portant dispositions spécifiques à l'activité " d'optimisation linéaire ", conclu dans le cadre de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le secteur tertiaire, a sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la validité de cet accord au regard des dispositions de l'article L. 1242-1 et du 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail.

Par un arrêt n° 16/02032 du 19 janvier 2017, confirmant un jugement n° 14/11505 du 15 décembre 2015 du tribunal de grande instance de Paris, la cour d'appel de Paris s'est prononcée sur cette question.


Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par la décision du Conseil d'État du 14 mai 2014 ;

Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ortscheidt, avocat de la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études de conseil et de prévention, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du syndicat CFDT F3C-Service communication, et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat du syndicat national des organisateurs et réalisateurs d'actions promotionnelles et commerciales (SORAP) ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 1242-1 du code du travail : " Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ". L'article L. 1242-2 du même code dispose que : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : (...) 3° Emplois (...) pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ".

2. Par un arrêté du 19 décembre 2011, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a étendu l'accord du 10 mai 2010 portant dispositions spécifiques à l'activité " d'optimisation linéaire ", conclu dans le cadre de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le secteur tertiaire, qui, sur le fondement du 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail, a défini " l'optimisation linéaire " comme un secteur d'activité dans lequel il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire des emplois des salariés affectés aux actions correspondantes, et a créé un contrat d'intervention à durée déterminée au profit des salariés affectés à des actions " d'optimisation de linéaires ". Saisi par la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention d'un recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par une décision du 14 mai 2014, sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la validité de cet accord au regard des dispositions de l'article L. 1242-1 et du 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail.

3. A la suite de la décision du Conseil d'Etat, la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention a fait assigner les organisations signataires de l'accord du 10 mai 2010, ou y ayant adhéré, pour en obtenir l'annulation par le tribunal de grande instance de Paris, lequel a rejeté sa demande par un jugement du 15 décembre 2015. Par un arrêt rendu le 19 janvier 2017, confirmant ce jugement, la cour d'appel de Paris a jugé que les stipulations de l'accord du 10 mai 2010 ne violaient pas les dispositions de l'article L. 1242-1 et du 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail. Cet arrêt est devenu irrévocable après que le pourvoi formé par Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention a été rejeté par la Cour de cassation le 20 février 2019.

4. Ainsi que l'a relevé la Cour de cassation, la cour d'appel de Paris a retenu que les emplois pourvus par les contrats d'intervention d'optimisation linéaire dans les conditions prévues à l'article 1.1 de l'accord du 10 mai 2010 étaient par nature temporaires et qu'il existait, dans le secteur de l'optimisation linéaire, un usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée, avant même la conclusion de l'accord critiqué. Si le juge judiciaire, saisi non de la question préjudicielle renvoyée par le Conseil d'Etat mais d'une action en nullité de l'accord du 10 mai 2010, s'est prononcé en tenant compte de la modification de cet accord par un avenant n° 1 du 13 novembre 2012 qui a précisé qu'étaient " expressément exclus de cet accord les salariés affectés à des postes correspondant à des actions permanentes de remplissage de linéaire et de réapprovisionnement de rayons ", cet avenant s'est borné à expliciter la portée de l'accord, visant les seules prestations ponctuelles correspondant à des actions limitées dans le temps. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que les stipulations de l'accord du 10 mai 2010, au motif que l'" optimisation linéaire " constituerait une activité normale et permanente des sociétés qui réalisent ces prestations et qu'il n'existerait aucun usage constant pour ce type d'activité, violeraient les dispositions de l'article L. 1242-1 et du 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail et que, dès lors, le ministre chargé du travail ne pouvait légalement procéder à leur extension.

5. Il résulte de ce qui précède que la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention présentées à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du syndicat national des organisateurs et réalisateurs d'actions promotionnelles et commerciales, du syndicat national des prestataires de services d'accueil, d'animation et de promotion et du syndicat CFDT F3C-Service communication présentées au même titre.


D E C I D E :
--------------

Article 1er : La requête de la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du syndicat national des organisateurs et réalisateurs d'actions promotionnelles et commerciales, du syndicat national des prestataires de services d'accueil, d'animation et de promotion et du syndicat CFDT F3C-Service communication présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention, à la ministre du travail, au Syndicat national des organisateurs et réalisateurs d'actions promotionnelles et commerciales, au Syndicat national des prestataires de services d'accueil, d'animation et de promotion, à la Fédération des syndicats CFTC commerce, services et force de vente et au Syndicat CFDT F3C-Service communication.
Copie en sera adressée à la Fédération nationale CFE-CGC du commerce et des services et à la Fédération des employés et des cadres Force ouvrière.