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Ariane Web: Conseil d'État 434376, lecture du 6 novembre 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:434376.20191106

Décision n° 434376
6 novembre 2019
Conseil d'État

N° 434376
ECLI:FR:CECHR:2019:434376.20191106
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Stéphanie Vera, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats


Lecture du mercredi 6 novembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

1°/ Sous le n° 434376 :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 et 19 septembre et 15 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des Acteurs de la Solidarité, la Fédération Nationale des Samu sociaux, Emmaüs France, Emmaüs Solidarité, la Fondation Abbé B... pour le Logement des Défavorisés, la Fondation de l'Armée du Salut, le Secours Catholique, Médecins du Monde, Les Petits Frères des Pauvres, Habitat et Insertion, l'Association des Cités du Secours Catholique, l'association DALO, l'Association Nationale des Assistants de Service Social, l'Association Nationale le Refuge, l'ARDHIS, l'Association Aurore, l'association Avocat-e-s pour la défense des étranger-e-s, le Centre d'Action Sociale Protestant dans la Région Parisienne, la Cimade, le Collectif Les Morts de la Rue, l'association Dignité, Dom'Asile, la FASTI, la Fédération Droit au Logement, la Fédération Santé Habitat, le GISTI, Interlogement 93, la Ligue des Droits de l'Homme, la Fédération Addiction et l'association ELENA demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'instruction interministérielle n° DGCS/SD1A/DGEF/2019/143 du 4 juillet 2019 relative à la coopération entre les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) et l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) pour la prise en charge des demandeurs d'asile et des bénéficiaires d'une protection internationale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2°/ Sous le n° 434377 :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 9 septembre et 15 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des Acteurs de la Solidarité, la Fédération Nationale des Samu sociaux, Emmaüs France, Emmaüs Solidarité, la Fondation Abbé B... pour le Logement des Défavorisés, la Fondation de l'Armée du Salut, le Secours Catholique, Médecins du Monde, Les Petits Frères des Pauvres, Habitat et Insertion, l'Association des Cités du Secours Catholique, l'association DALO, l'Association Nationale des Assistants de Service Social, l'Association Nationale le Refuge, l'ARDHIS, l'Association Aurore, l'association Avocat-e-s pour la défense des étranger-e-s, le Centre d'Action Sociale Protestant dans la Région Parisienne, la Cimade, le Collectif Les Morts de la Rue, l'association Dignité, Dom'Asile, la FASTI, la Fédération Droit au Logement, la Fédération Santé Habitat, le GISTI, Interlogement 93, la Ligue des Droits de l'Homme, la Fédération Addiction et l'association ELENA demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'instruction interministérielle n° DGCS/SD1A/DGEF/2019/143 du 4 juillet 2019 relative à la coopération entre les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) et l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) pour la prise en charge des demandeurs d'asile et des bénéficiaires d'une protection internationale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;





Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la représentante du Défenseur des droits,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Fédération des acteurs de la solidarité et autres ;




Considérant ce qui suit :

1. La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a introduit à l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un nouvel alinéa, devenu le sixième, relatif à l'évaluation de la vulnérabilité des demandeurs d'asile et à l'échange d'informations entre l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), aux termes duquel " Le service intégré d'accueil et d'orientation mentionné à l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles communique mensuellement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la liste des personnes hébergées en application de l'article L. 345-2-2 du même code ayant présenté une demande d'asile ainsi que la liste des personnes ayant obtenu la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ". La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le ministre de l'intérieur ont adressé aux préfets de région et de département une instruction en date du 4 juillet 2019, dont les associations requérantes demandent l'annulation, fixant les modalités de la coopération entre les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) qui sont chargés, sous l'autorité du représentant de l'Etat dans chaque département, de procéder à l'orientation des personnes en situation de détresse au sein du dispositif d'hébergement d'urgence, et l'OFII.

2. Les deux requêtes de la Fédération des Acteurs de la Solidarité et des autres associations requérantes tendent, d'une part, à l'annulation de cette instruction, d'autre part, à la suspension de son exécution. Il y a lieu de joindre les deux requêtes pour statuer par une même décision.

Sur les interventions :

3. L'Association Chrétienne de Coordination d'Entraide et de Solidarité et de l'Union départementale d'Accueil et d'Urgence sociale justifient, eu égard à leur objet statutaire, d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision attaquée. Ainsi, leurs interventions au soutien de la requête de la Fédération des acteurs de la solidarité sont recevables.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé [...] à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat [...] ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

5. Les associations requérantes soutiennent que le législateur a entaché le sixième alinéa de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'une incompétence négative affectant le droit au respect de la vie privée, le droit constitutionnel d'asile et le principe de confidentialité des demandes d'asile.

6. En premier lieu, si ces dispositions sont susceptibles de porter atteinte au principe du droit au respect de la vie privée, leur mise en oeuvre conduisant à la création d'un traitement de données à caractère personnel des informations ainsi recueillies, ce traitement est soumis aux dispositions du règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et ainsi aux garanties qu'elles prévoient. Il appartient en conséquence aux autorités compétentes, dans le respect de ces garanties et sous le contrôle du juge, de s'assurer que la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation, la communication, la contestation et la rectification des données de ce fichier soient mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il suit de là que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les dispositions du sixième alinéa de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont entachées d'une incompétence négative privant de garanties légales les exigences constitutionnelles relatives au droit au respect de la vie privée.

7. En deuxième lieu et alors que les dispositions en cause n'ont pas trait au contenu des demandes d'asile, le grief tiré de ce que l'incompétence négative alléguée porterait atteinte par elle-même au droit d'asile et au principe de confidentialité des demandes d'asile ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions contestées ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

9. L'instruction attaquée demande aux préfets, afin de permettre aux demandeurs d'asile et aux bénéficiaires d'une protection internationale, hébergés dans le dispositif d'hébergement " généraliste ", d'être orientés dans les meilleurs délais vers des dispositifs d'hébergement qui leur sont dédiés et d'être pris en charge en bénéficiant des prestations adaptées à leur situation administrative et sociale, d'organiser au plan départemental la coopération entre les services de l'OFII et les SIAO. A cet effet, l'instruction prévoit notamment que chaque SIAO transmette à la direction territoriale de l'OFII correspondante, le 10 de chaque mois, via une extraction de son système d'information dénommé SI-SIAO, traitement créé par la Direction Générale de la Cohésion Sociale et autorisé par une délibération n° 2011-224 de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) en date du 21 juillet 2011, l'identité des demandeurs d'asile et bénéficiaires de la protection internationale en précisant leur statut administratif, l'adresse de leur hébergement et la date de leur entrée dans celui-ci. Les modalités de cette extraction sont précisées dans deux notices techniques établies en juillet 2019. L'instruction contestée précise que les informations transmises à l'OFII doivent ensuite être évoquées à l'occasion de réunions mensuelles associant les deux services.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence des auteurs de l'instruction :

10. Par l'instruction attaquée, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le ministre de l'intérieur ont, dans le cadre du pouvoir d'organisation des services placés sous leur autorité, notamment défini les caractéristiques du traitement de données, prenant la forme de la transmission d'informations des SIAO à l'OFII prévue à l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les garanties qui l'entourent. Si les dispositions du huitième alinéa de cet article prévoient qu'un décret en Conseil d'Etat fixe ses modalités d'application, ce renvoi à un décret en Conseil d'Etat, antérieur à la loi du 10 septembre 2018, qui a pour principal objet la mise en oeuvre de l'évaluation de la vulnérabilité des demandeurs d'asile et des modalités d'échanges d'informations entre l'OFII et l'OFPRA n'a pas entendu remettre en cause le pouvoir dont disposent les ministres compétents en leur qualité de chefs de service pour définir ou compléter un traitement de données à caractère personnel dans le respect des dispositions du règlement (UE) 2016/679 et des dispositions de la loi du 6 janvier 1978, sous réserve des dispositions prévues par celle-ci s'agissant du traitement de certaines données. Le moyen tiré de l'incompétence des auteurs de l'instruction doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du droit à la protection des données personnelles :

11. Aux termes de l'article 5 du Règlement (UE) 2016/679, " 1. Les données à caractère personnel doivent être : / a) traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée (...) ; / b) collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d'une manière incompatible avec ces finalités ; (...) ; / c) adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (...) ; d) exactes et, si nécessaire, tenues à jour (...) / e) conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ; (...) / f) traitées de façon à garantir une sécurité appropriée des données à caractère personnel (...) ; 2. Le responsable du traitement est responsable du respect du paragraphe 1 et est en mesure de démontrer que celui- ci est respecté (responsabilité) ".

12. L'article 6 de ce règlement dispose que : " 1. Le traitement n'est licite que si, et dans la mesure où, au moins une des conditions suivantes est remplie : a) la personne concernée a consenti au traitement de ses données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques ; (...) ; / e) le traitement est nécessaire à l'exécution d'une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique dont est investi le responsable du traitement ; (...) ".

13. En premier lieu, l'article 35 du Règlement (UE) 2016/679 prévoit que le responsable du traitement effectue une analyse d'impact relative à la protection des données lorsque le traitement est susceptible d'engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques. Si cette analyse incombe au responsable du traitement, sa réalisation est en principe préalable à la mise en oeuvre du traitement et l'analyse doit être actualisée après le lancement effectif du traitement afin de garantir en permanence une prise en compte adaptée des risques pour les droits et libertés des personnes physiques liés au traitement de leurs données à caractère personnel. Ainsi, alors que la réalisation d'une analyse d'impact d'un traitement de données personnelles, dont l'absence peut donner lieu à des sanctions par la CNIL en application de l'article 20 de la loi du 6 janvier 1978, est liée à la mise en oeuvre de ce traitement, la seule circonstance, invoquée par les associations requérantes, qu'elle n'aurait pas été réalisée avant la signature de l'instruction n'est pas de nature à entacher celle-ci d'illégalité. Le moyen tiré de la méconnaissance par l'instruction attaquée de l'article 35 du Règlement (UE) doit par suite et en tout état de cause être écarté.

14. En deuxième lieu, il ressort de l'instruction attaquée que celle-ci précise que la communication des données collectées à l'OFII doit répondre aux finalités suivantes : " orienter les demandeurs d'asile vers les dispositifs qui sont leur sont dédiés, notamment les lieux d'hébergement mentionnés à l'article L. 744-3 du CESEDA, afin d'adapter les modalités de suivi et de prise en charge de ce public ; / - permettre aux bénéficiaires de la protection internationale de bénéficier des dispositifs qui leur sont dédiés (contrat d'intégration républicaine, centres provisoires d'hébergement, hébergement citoyen, dispositifs d'insertion de type HOPE, etc... ) / - fluidifier l'hébergement d'urgence de droit commun qui peut être mobilisé uniquement pour ces publics au nom de l'accueil inconditionnel en cas de détresse ; / - éviter que le montant additionnel journalier de l'ADA ne soit versé à des demandeurs d'asile alors qu'ils bénéficient d'un hébergement dans le dispositif généraliste ". Ainsi, l'instruction prévoit de façon claire et suffisamment détaillée les finalités de la transmission par le SIAO à l'OFII de la liste des demandeurs d'asile et bénéficiaires de la protection internationale, liste dont il est précisé qu'elle ne peut être communiquée à d'autres fins. Par conséquent, ces informations ne pourront être transmises par le SIAO à l'OFII et évoquées uniquement entre ces deux services seuls habilités à en connaître à l'occasion des réunions mensuelles prévues par l'instruction que pour répondre aux finalités limitativement énumérées par celle-ci.

15. En troisième lieu, le traitement étant nécessaire à la mission d'intérêt public tenant notamment à ce que les demandeurs d'asile et bénéficiaires de la protection internationale puissent bénéficier des dispositifs qui leur sont dédiés relève ainsi des dispositions du e) de l'article 6 du Règlement (UE) 2016/679 cité ci-dessus, le consentement des intéressés pour la transmission des données collectées par le SIAO à l'OFII n'étant pas requis par les dispositions de cet article. Toutefois, les intéressés doivent, conformément aux termes de l'instruction, être informés de l'existence de cette transmission et de ses finalités au moment de la collecte des données. En outre, en l'absence de modification par la loi ou par l'instruction des modalités de recueil des données par les SIAO, les personnes interrogées peuvent librement refuser de répondre aux questions posées et doivent être informées de l'absence de conséquences d'un défaut de réponse.

16. En quatrième lieu, si les associations requérantes soutiennent que certaines des données collectées ne sont pas pertinentes au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées, il apparaît, d'une part, que l'information relative à l'adresse du centre d'hébergement est nécessaire à l'OFII non seulement pour mettre en oeuvre de façon effective l'orientation des personnes concernées vers les hébergements dédiés mais également pour déterminer le caractère temporaire ou non de l'hébergement et en tirer les conséquences sur l'attribution du montant additionnel de l'allocation pour demandeur d'asile qui n'est pas versé au demandeur qui n'a pas manifesté de besoin d'hébergement ou qui a accès gratuitement à un hébergement ou un logement à quelque titre que ce soit. D'autre part, il résulte de l'instruction que la transmission du n° AGDREF, numéro d'identification attribué à chaque ressortissant étranger qui a entrepris des démarches administratives de droit au séjour, et des données relatives à la nationalité des personnes concernées, qui ne sera effective que lorsque seront achevées les procédures requises par le règlement (UE) 2016/679, permettra pour la première de ces données d'assurer, compte tenu des risques élevés d'homonymie, une identification fiable des personnes mentionnées par le sixième alinéa de l'article L. 744-6 précité et, pour la seconde, de procéder à leur orientation dans le dispositif dédié dans les meilleures conditions que ce soit tant en matière d'interprétariat que de prévention des conflits intercommunautaires. Par conséquent, les informations dont il est prévu la communication à l'OFII, et qui intéressent exclusivement les demandeurs d'asiles et les bénéficiaires de la protection internationale, sont suffisamment précises mais également nécessaires pour répondre aux finalités pour lesquelles elles sont traitées.

17. En cinquième lieu, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, l'instruction attaquée ne met pas en oeuvre l'interconnexion envisagée entre les systèmes SI-SIAO et DNA-NG, traitement de données de l'OFII, qui nécessitera selon les termes même de l'instruction, une modification du décret n° 2017-665 du 27 avril 2017. Par ailleurs, elle ne prévoit aucune interconnexion entre les traitements SI-SIAO et AGDREF 2. Par suite, le moyen tiré de ce que l'instruction, en prévoyant de telles interconnexions, n'assurerait pas suffisamment la sécurité et la confidentialité des données manque en fait et ne peut qu'être écarté. En outre, l'instruction et ses notices techniques prévoient une procédure sécurisée de transmission des données qui ne seront accessibles pour chaque département qu'aux agents de la direction territoriale de l'OFII correspondante ainsi qu'aux agents exerçant au siège de l'OFII et ce, nécessairement dans la limite de leurs attributions et du besoin d'en connaître au regard des finalités pour lesquelles les données sont collectées. Par conséquent l'instruction ne méconnaît pas, par elle-même et en tout état de cause, les règles de sécurité et de confidentialité.

18. En sixième lieu, il ressort de la notice technique relative aux modalités d'extraction des données, que les SIAO ne pourront conserver les fichiers téléchargés mensuellement au-delà d'une période de trois mois à compter de leur transmission à l'OFII. Par conséquent, dès lors que l'instruction précise les finalités de la collecte de données par les SIAO, les informations qui doivent être transmises pour y répondre et leurs destinataires, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'instruction litigieuse serait illégale faute d'avoir encadré la gestion du fichier par l'OFII, auquel il appartient de s'assurer que la durée de conservation des fichiers transmis n'excède pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles ils sont traités.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance du droit à la protection des données personnelles et du droit au respect de la vie privée ne sont pas fondés.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du code de l'action sociale et des familles relatives à l'hébergement d'urgence :

20. Aux termes de l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles, " A... personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence (...) ". L'article L. 345-2-3 du même code dispose que : " A... personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile ou bénéficiaire d'une protection doit pouvoir demeurer au sein d'un hébergement d'urgence jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Ainsi, l'instruction ne peut ni n'entend interdire l'accès au dispositif d'hébergement d'urgence aux demandeurs d'asile ou bénéficiaires de la protection internationale ou les en exclure. Par suite, le moyen tiré de ce que l'instruction porte atteinte aux dispositions précitées n'est pas fondé.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte portée au respect du domicile :

21. Les associations requérantes contestent les dispositions de l'instruction maintenant l'intervention au sein des hébergements d'urgence d'équipes constituées d'agents de préfecture et de l'OFII, telle que prévue par la circulaire du 12 décembre 2017 relative à l'examen des situations administratives dans l'hébergement d'urgence. Toutefois, ces agents sont exclusivement chargés de recueillir, auprès des personnes hébergées qui acceptent de s'entretenir avec elles, les informations que ces personnes souhaitent leur communiquer et qu'il n'est conféré aucun pouvoir de contrainte aux agents appelés à se rendre dans les lieux d'hébergement, que ce soit à l'égard des personnes hébergées ou des gestionnaires des lieux d'hébergement. L'instruction ne saurait, en particulier, constituer un titre pour pénétrer dans des locaux privés hors le consentement des personnes intéressées. Dans ces conditions, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les auteurs de l'instruction attaquée auraient méconnu le droit au respect de la vie privée, en particulier l'inviolabilité du domicile, garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

22. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'instruction interministérielle du 4 juillet 2019.

Sur les conclusions à fin de suspension :

23. Dès lors qu'il est ainsi statué sur leurs conclusions à fin d'annulation, les conclusions présentées par les associations requérantes tendant à la suspension de l'exécution de l'instruction attaquée sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu, dès lors, d'y statuer.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par les associations requérantes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.


D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions de l'Association Chrétienne de Coordination d'Entraide et de Solidarité et de l'Union départementale d'Accueil et d'Urgence sociale sont admises.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération des Acteurs de la Solidarité et autres.

Article 3 : La requête de la Fédération des Acteurs de la Solidarité et autres, enregistrée sous le n° 434376, est rejetée.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la Fédération des Acteurs de la Solidarité et autres enregistrée sous le n° 434377.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des Acteurs de la Solidarité, premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au Défenseur des droits et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.


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