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Ariane Web: Conseil d'État 426555, lecture du 20 décembre 2019, ECLI:FR:CECHS:2019:426555.20191220

Décision n° 426555
20 décembre 2019
Conseil d'État

N° 426555
ECLI:FR:CECHS:2019:426555.20191220
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Yohann Bouquerel, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
OCCHIPINTI ; CABINET BRIARD, avocats


Lecture du vendredi 20 décembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser la somme de 70 365 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis du fait de la violation du principe d'égal accès aux emplois publics. Par un jugement n° 1408764 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Melun a condamné le département du Val-de-Marne à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un arrêt n° 17PA02394 du 23 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme B... contre ce jugement en tant qu'il avait rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 2018 et 25 mars 2019, Mme B... et le syndicat UGICT-CGT du Val-de-Marne demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'appel de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat de Mme B... et du syndicat UGICT-CGT du Val-de-Marne et au cabinet Briard, avocat du département du Val-de-Marne ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, d'une part, Mme B... a été employée au sein du département du Val-de-Marne comme éducatrice spécialisée puis assistante socio-éducative territoriale principale, du mois d'octobre 2000 au 1er avril 2017, date à laquelle elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite et, d'autre part, qu'elle y a exercé des fonctions syndicales. S'étant portée candidate, en 2010, à l'un des trois postes de " responsable enfance adjoint " ouverts au recrutement au sein de la direction de la protection de l'enfance et de la jeunesse du département, après avoir été sélectionnée lors du premier entretien oral et avoir passé l'épreuve écrite, Mme B... n'a pas été retenue à l'issue de l'entretien final. La décision du 11 avril 2011 par laquelle le président du conseil général du Val-de-Marne a rejeté sa candidature a été annulée par un jugement du 10 octobre 2013 du tribunal administratif de Melun, devenu définitif, au motif que le jury qui, lors de la première phase de sélection orale des candidatures, l'avait interrogée sur la compatibilité de son engagement syndical avec le poste d'encadrement auquel elle postulait, avait ainsi méconnu le principe d'égal accès aux emplois publics. Ayant recherché en vain auprès du département la réparation des préjudices financier, de carrière, de retraite et moral qu'elle estimait avoir subis du fait du rejet de sa candidature, Mme B... a obtenu par un jugement du 16 mai 2017 du tribunal administratif de Melun la réparation par cette collectivité du seul préjudice moral regardé comme étant en lien avec la faute commise lors du premier entretien de sélection. Par un arrêt du 23 octobre 2018, contre lequel elle se pourvoit en cassation aux côtés du syndicat UGICT-CGT du Val-de-Marne, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel que Mme B... avait formé contre ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

2. L'illégalité d'une décision prise par l'administration constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, pour autant qu'elle entraîne un préjudice direct et certain.

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé que l'illégalité de la décision du président du conseil général du Val-de-Marne tenait aux conditions de déroulement du premier entretien de Mme B..., la cour a estimé que le jury n'avait pas été convaincu, lors de la seconde phase de sélection, par la capacité de l'intéressée à mobiliser une équipe sur un projet de direction et qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'il avait à cette occasion tenu compte de l'engagement syndical de l'intéressée pour apprécier les mérites de sa candidature. D'une part, la cour a ce faisant porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine qui est exempte de dénaturation. D'autre part, en déduisant de cette appréciation que le lien de causalité entre la faute ainsi commise par l'administration et les préjudices financier, de carrière et de retraite allégués par l'intéressée ou la perte d'une chance sérieuse d'être nommée aux postes sur lesquels elle s'était portée candidate, ne pouvait pas être regardé comme établi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, n'a pas méconnu l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au jugement d'annulation du 10 octobre 2013 du tribunal administratif de Melun et ne s'est pas méprise sur la portée de ce jugement. Enfin, la cour n'a pas, eu égard aux écritures d'appel, entaché son arrêt d'insuffisance de motivation en s'abstenant de prendre en compte la discrimination indirecte que Mme B... estime avoir subie tout au long de sa carrière en raison de son engagement syndical.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et le syndicat UGICT-CGT du Val-de-Marne ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

5. Les conclusions présentées par Mme B... et le syndicat UGICT-CGT du Val-de-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par suite être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... et du syndicat UGICT-CGT du Val-de-Marne la somme que le département du Val-de-Marne réclame au même titre.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme B... et du syndicat UGICT-CGT du Val-de-Marne est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Val-de-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B..., au syndicat UGICT-CGT du Val-de-Marne et au département du Val-de-Marne.