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Ariane Web: Conseil d'État 418962, lecture du 8 juin 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:418962.20200608

Décision n° 418962
8 juin 2020
Conseil d'État

N° 418962
ECLI:FR:CECHR:2020:418962.20200608
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Christelle Thomas, rapporteur
Mme Anne Iljic, rapporteur public
SCP RICHARD, avocats


Lecture du lundi 8 juin 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° M. A... D... et Mme E... C..., épouse D..., ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1999, pour la période du 1er octobre au 31 décembre, et au titre des années 2001, 2002 et 2003. Par un jugement n° 0803420, 1004012, 1103873 du 29 mars 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 13LY01349 du 25 juin 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. et Mme D... contre ce jugement.

Par une décision nos 392959, 392960 du 22 février 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour administrative d'appel de Lyon le jugement de l'affaire.

Par un arrêt n° 17LY00951 du 11 janvier 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. B... D..., venant aux droits de M. A... D..., et par Mme E... D... contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble.

Sous le n° 418962, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mars et 12 juin 2018 et le 12 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1998 et de l'année 1999, pour la période du 1er janvier au 30 septembre. Par un jugement n° 0705898 du 29 mars 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13LY01351 du 25 juin 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel de M. D... contre ce jugement.

Par une décision nos 392959, 392960 du 22 février 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour administrative d'appel de Lyon le jugement de l'affaire.

Par un arrêt n° 17LY00952 du 11 janvier 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel de M. B... D... venant aux droits de M. A... D..., contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble.

Sous le n° 418963, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mars et 12 juin 2018 et le 12 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
-le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
-le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. B... D... ;



Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois n° 418962 et 418963 de M. B... D... présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... D... a cédé, le 15 décembre 1988, un ensemble de marques et logos dont il était propriétaire à la société Interlicence Distribution Limited, installée dans les îles Vierges britanniques. Cette dernière a conclu, le lendemain, un contrat de licence avec la société de droit hollandais D... International BV. A la suite d'examens contradictoires de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 1998 à 2003, M. D..., d'abord seul, puis avec son épouse, ont été imposés, sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts, à raison des redevances perçues par la société D... International BV pour l'exploitation des marques et logos " D... ". M. D... a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1998 et au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 1999. M. et Mme D... ont saisi le tribunal administratif de Grenoble de demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de la période du 1er octobre au 31 décembre 1999 et au titre des années 2001, 2002 et 2003. Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes par deux jugements du 29 mars 2013, confirmés par deux arrêts de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 25 juin 2015. Par une décision du 22 février 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé ces arrêts et a renvoyé les affaires devant la cour administrative d'appel de Lyon. M. B... D..., venant aux droits de M. A... D..., se pourvoit en cassation contre les deux arrêts du 18 janvier 2018 par lesquels la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté les appels formés contre les jugements du tribunal administratif de Grenoble.

3. Le I de l'article 155 A du code général des impôts dispose que : " Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A ". Les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte.

4. En jugeant que les redevances versées pour l'utilisation des marques et logos exploités par la société D... International BV à la suite de leur cession par M. A... D... à la société Interlicence Distribution Limited, doivent être regardées comme les rémunérations d'une prestation liée au service rendu par M. A... D..., et étaient imposables, en conséquence, à l'impôt sur le revenu, à son nom, en application des dispositions du I de l'article 155 A du code général des impôts, alors que ces redevances ne sont pas la contrepartie d'un service rendu, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit. M. D... est dès lors fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de ses pourvois, à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque.

5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative: " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il y a lieu, par suite, de régler les affaires au fond.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les redevances perçues par la société D... International BV pour l'utilisation des marques et logos cédés par M. A... D... ne peuvent être regardées comme la rémunération d'un service rendu par ce dernier et n'étaient dès lors pas imposables sur le fondement du I de l'article 155 A du code général des impôts, cité au point 3. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, M. B... D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a refusé de faire droit aux demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ont été assujettis d'une part, M. A... D..., au titre de l'année 1998 et de l'année 1999, pour la période du 1er janvier au 30 septembre, et d'autre part, M. A... D... et son épouse au titre de l'année 1999, pour la période du 1er octobre au 31 décembre, et au titre des années 2001, 2002 et 2003.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à M. B... D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Lyon du 11 janvier 2018 et les jugements du tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2013 sont annulés.

Article 2 : M. A... D... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il avait été assujetti au titre de l'année 1998 et de l'année 1999, pour la période du 1er janvier au 30 septembre, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : M. A... D... et Mme E... D... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils avaient été assujettis au titre de l'année 1999, pour la période du 1er octobre au 31 décembre, et au titre des années 2001, 2002 et 2003, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 4: L'Etat versera à M. B... D... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Schwartz