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Ariane Web: Conseil d'État 427155, lecture du 10 juin 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:427155.20200610

Décision n° 427155
10 juin 2020
Conseil d'État

N° 427155
ECLI:FR:CECHR:2020:427155.20200610
Publié au recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Florian Roussel, rapporteur
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public
SCP DE NERVO, POUPET ; SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH, avocats


Lecture du mercredi 10 juin 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B... a demandé à la commission du contentieux du stationnement payant d'annuler le titre exécutoire émis le 3 juillet 2018 par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) en vue du recouvrement du forfait de post-stationnement mis à sa charge le 2 mars 2018 par la Ville de Paris et de la majoration dont il est assorti. Par une ordonnance n° 18022504 du 19 novembre 2018, le magistrat désigné par la présidente de la commission du contentieux du stationnement payant a rejeté sa requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 janvier et 17 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. A... et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 mai 2020, présentée par le ministère de l'intérieur.


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'un titre exécutoire, émis le 3 juillet 2018 par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions en vue du recouvrement du forfait de post-stationnement d'un montant de 35 euros pour la ville de Paris, assorti d'une majoration de 50 euros revenant à l'Etat, a été adressé à M. A..., qui a cédé son véhicule automobile le 15 décembre 2017, à raison de l'absence de paiement d'une redevance de stationnement constatée à Paris, pour ce même véhicule, le 2 mars 2018. M. A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 19 novembre 2018 par laquelle le magistrat désigné par la présidente de la commission du contentieux du stationnement payant a rejeté sa requête dirigée contre ce titre exécutoire.

Sur le cadre juridique du litige :

2. Aux termes de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales : " I.- (...) le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (...), peut instituer une redevance de stationnement, compatible avec les dispositions du plan de déplacements urbains, s'il existe./ La délibération institutive établit : 1° Le barème tarifaire de paiement immédiat de la redevance, applicable lorsque la redevance correspondant à la totalité de la période de stationnement est réglée par le conducteur du véhicule dès le début du stationnement ; 2° Le tarif du forfait de post-stationnement, applicable lorsque la redevance correspondant à la totalité de la période de stationnement n'est pas réglée dès le début du stationnement ou est insuffisamment réglée (...)/ II.- Le montant du forfait de post-stationnement dû, déduction faite, le cas échéant, du montant de la redevance de stationnement réglée dès le début du stationnement, est notifié par un avis de paiement délivré soit par son apposition sur le véhicule concerné par un agent assermenté de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunale, du syndicat mixte ou du tiers contractant désigné pour exercer cette mission, soit par envoi postal au domicile du titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule concerné effectué par un établissement public spécialisé de l'Etat (...)/ IV.-Le forfait de post-stationnement doit être réglé en totalité dans les trois mois suivant la notification de l'avis de paiement prévu au II du présent article./ A défaut, le forfait de post-stationnement est considéré impayé et fait l'objet d'une majoration dont le produit est affecté à l'Etat. Le forfait de post-stationnement impayé et la majoration sont dus par l'ensemble des titulaires du certificat d'immatriculation du véhicule, solidairement responsables du paiement. / En vue du recouvrement du forfait de post-stationnement impayé et de la majoration, un titre exécutoire est émis, le cas échéant, sous une forme électronique, par un ordonnateur désigné par l'autorité administrative. Ce titre mentionne le montant du forfait de post-stationnement impayé et la majoration (...)/

En ce qui concerne la contestation d'un titre exécutoire :

3. Le VI de ce même article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales dispose que : " VI.- (...) Les recours contentieux visant à contester l'avis de paiement du montant du forfait de post-stationnement dû font l'objet d'un recours administratif préalable obligatoire auprès de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunale, du syndicat mixte ou du tiers contractant dont relève l'agent assermenté ayant établi ledit avis. (...) / La décision rendue à l'issue du recours administratif préalable contre l'avis de paiement du forfait de post-stationnement peut faire l'objet d'un recours devant la commission du contentieux du stationnement payant. Le titre exécutoire émis en cas d'impayé peut également faire l'objet d'un recours devant cette commission. Il se substitue alors à l'avis de paiement du forfait de post-stationnement impayé (...) ". Par ailleurs l'article R. 2333-120-35 de ce code dispose que : " Lorsqu'un titre exécutoire est émis, il se substitue à l'avis de paiement du forfait de post-stationnement impayé ou à l'avis de paiement rectificatif impayé, lequel ne peut plus être contesté. Aucun moyen tiré de l'illégalité de cet acte ne peut être invoqué devant la juridiction à l'occasion de la contestation du titre exécutoire, sauf lorsque le requérant n'a pas été mis à même de contester le forfait de post-stationnement directement apposé sur son véhicule en raison de la cession, du vol, de la destruction ou d'une usurpation de plaque d'immatriculation dudit véhicule ou de tout autre cas de force majeure ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient en principe au redevable d'un forfait de post-stationnement qui entend contester le bien-fondé de la somme mise à sa charge de saisir l'autorité administrative d'un recours administratif préalable dirigé contre l'avis de paiement et, en cas de rejet de ce recours, d'introduire une requête contre cette décision de rejet devant la commission du contentieux du stationnement payant. En cas d'absence de paiement de sa part dans les trois mois et d'émission, en conséquence, d'un titre exécutoire portant sur le montant du forfait de post-stationnement augmenté de la majoration due à l'Etat, il est loisible au même redevable de contester ce titre exécutoire devant la commission du contentieux du stationnement payant, qu'il ait ou non engagé un recours administratif contre l'avis de paiement et contesté au contentieux le rejet de son recours. A ce titre, s'il résulte des termes mêmes de l'article R. 2333-120-35 du code général des collectivités territoriales, cité ci-dessus, que le redevable qui saisit la commission du contentieux du stationnement payant d'une requête contre un titre exécutoire n'est pas recevable à exciper de l'illégalité de l'avis de paiement du forfait de post-stationnement auquel ce titre exécutoire s'est substitué, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce que l'intéressé conteste, dans le cadre d'un litige dirigé contre le titre exécutoire, l'obligation de payer la somme réclamée par l'administration.

En ce qui concerne les effets de la cession d'un véhicule :

5. Le VII de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales dispose que : " VII.- (...) Lorsque, à la suite de la cession d'un véhicule, le système enregistrant les informations mentionnées à l'article L. 330-1 du code de la route mentionne un acquéreur qui n'est pas le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, l'acquéreur est substitué au titulaire dudit certificat dans la mise en oeuvre des dispositions prévues aux II et IV du présent article ". L'article R. 2333-120-13 du même code dispose ainsi que le recours administratif préalable obligatoire prévu au VI de l'article L. 2333-87 est exercé " (...) par le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule ou, dans les cas prévus au VII de l'article L. 2333-87, le locataire ou l'acquéreur du véhicule (...) " et que ce recours est notamment accompagné : " (...) dans le cas prévu au VII de l'article L. 2333-87, de la déclaration de cession du véhicule et de son accusé d'enregistrement dans le système d'immatriculation des véhicules (...) ".

6. Par ailleurs, l'article L. 330-1 du code de la route dispose que : " Il est procédé, dans les services de l'Etat et sous l'autorité et le contrôle du ministre de l'intérieur, à l'enregistrement de toutes informations concernant les pièces administratives exigées pour la circulation des véhicules ou affectant la disponibilité de ceux-ci " et l'article R. 322-4 du même code dispose que : " I.- En cas de changement de propriétaire d'un véhicule soumis à immatriculation et déjà immatriculé, l'ancien propriétaire doit effectuer, dans les quinze jours suivant la cession, une déclaration au ministre de l'intérieur l'informant de cette cession et indiquant l'identité et le domicile déclarés par le nouveau propriétaire (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que le débiteur du forfait de post-stationnement et de sa majoration éventuelle est la personne titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule à la date d'émission de l'avis de paiement de ce forfait. Toutefois, lorsque le véhicule a été cédé, son acquéreur est le débiteur du forfait de post-stationnement dès lors que le vendeur a cédé son véhicule avant l'émission de l'avis de paiement et a procédé à la déclaration prévue par l'article R. 322-4 du code de la route avant cette date ou, en tout état de cause, dans le délai de quinze jours prévu à cet article.

8. Ainsi, lorsque l'ancien propriétaire d'un véhicule conteste un avis de paiement ou un titre exécutoire qui lui a été adressé à raison d'un stationnement de ce véhicule constaté après la date de la cession, il ne peut utilement invoquer, devant l'administration ou, le cas échéant, devant la commission du contentieux du stationnement payant, le fait qu'il n'était plus propriétaire du véhicule à la date d'établissement de l'avis de paiement que s'il justifie, en outre, avoir déclaré la cession de son véhicule au ministre de l'intérieur avant l'établissement de l'avis de paiement ou dans le délai de quinze jours prévu par l'article
R. 322-4 du code de la route.

Sur le pourvoi :

9. Il ressort des termes de l'ordonnance attaquée que, pour rejeter la requête de M. A..., le magistrat désigné par la présidente de la commission du contentieux du stationnement payant s'est fondé sur ce que l'intéressé ne pouvait utilement contester l'obligation de payer la somme réclamée par l'administration, au motif que cette contestation mettait en cause la légalité de l'avis de paiement auquel le titre exécutoire s'était substitué. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que M. A... est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est, sur ce point, entachée d'erreur de droit.

10. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond et est d'ailleurs expressément admis par M. A... que la cession de son véhicule n'a été déclarée au ministre de l'intérieur que le 5 juin 2018, soit plus de quinze jours après la cession du véhicule et postérieurement à l'émission de l'avis de paiement, le 2 mars 2018. Dans ces conditions, ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus, il ne pouvait utilement soulever le moyen tiré de la cession de son véhicule pour contester l'obligation de payer la somme mise à sa charge. Ce motif d'inopérance, qui ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif d'inopérance retenu par l'ordonnance attaquée, dont il justifie le dispositif.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté, y compris, par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'Agence nationale de traitement automatisé des infractions, mise en cause pour observations, n'ayant pas qualité de partie dans la présente instance, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme qu'elle demande à ce même titre.
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D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions, présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B..., à la ville de Paris, à l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions et au ministre de l'action et des comptes publics.


Voir aussi