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Ariane Web: Conseil d'État 423931, lecture du 3 juillet 2020, ECLI:FR:CECHS:2020:423931.20200703

Décision n° 423931
3 juillet 2020
Conseil d'État

N° 423931
ECLI:FR:CECHS:2020:423931.20200703
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Martin Guesdon, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats


Lecture du vendredi 3 juillet 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par une décision du 25 mars 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de M. et Mme B... A... dirigées contre l'arrêt n° 17DA02226 du 3 juillet 2018 de la cour administrative d'appel de Douai, en tant qu'il leur a refusé le bénéfice des dispositions du I 1° h) de l'article 31 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet du pourvoi. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 2 septembre 2019, M. et Mme A... concluent à l'annulation de l'arrêt dans la limite de l'admission de leur pourvoi et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. et Mme A... ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A... ont acquis le 1er août 2005 un ensemble immobilier en l'état futur d'achèvement, qui leur a été livré le 24 juin 2009 et au titre duquel ils ont, alors, demandé la réduction d'impôt dite " Scellier ", prévue par l'article 199 septivicies du code général des impôts. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de cette réduction d'impôt. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis par voie de conséquence, au titre des années 2009 à 2011, ainsi que des pénalités correspondantes et, à titre subsidiaire, de leur accorder, au titre des années en litige, le bénéfice de la déduction d'impôt dite " Robien ", prévue par les dispositions du I. 1° h) de l'article 31 du code général des impôts. Par un jugement du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Par un arrêt du 3 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel qu'ils ont formé contre ce jugement. Par une décision du 25 mars 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a admis les conclusions de leur pourvoi dirigées contre cet arrêt qu'en tant seulement qu'il leur a refusé le bénéfice des dispositions du I. 1° h) de l'article 31 du code général des impôts.

2. Aux termes du I. 1° h) de l'article 31 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : (...) h) Pour les logements situés en France, acquis neufs ou en l'état futur d'achèvement entre le 3 avril 2003 et le 31 décembre 2009, et à la demande du contribuable, une déduction au titre de l'amortissement égale à 6 % du prix d'acquisition du logement pour les sept premières années et à 4 % de ce prix pour les deux années suivantes. La période d'amortissement a pour point de départ le premier jour du mois de l'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure. / (...) Le bénéfice de la déduction est subordonné à une option qui doit être exercée lors du dépôt de la déclaration des revenus de l'année d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure. Cette option est irrévocable pour le logement considéré et comporte l'engagement du propriétaire de louer le logement nu pendant au moins neuf ans à usage d'habitation principale à une personne autre qu'un membre de son foyer fiscal. Cette location doit prendre effet dans les douze mois qui suivent la date d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure. Cet engagement prévoit, en outre, que le loyer ne doit pas excéder un plafond fixé par décret. (...) ". Aux termes de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ".

3. Les dispositions qui instituent un régime fiscal optionnel et prévoient que le bénéfice de ce régime doit être demandé dans un délai déterminé n'ont, en principe, pas pour effet d'interdire au contribuable qui a omis d'opter dans ce délai de régulariser sa situation dans le délai de réclamation, y compris celui prévu à l'article R. 196-3 du livre de procédure fiscale. Il en va autrement si la loi a prévu que 1'absence d'option dans le délai qu'elle prévoit entraîne la déchéance de la faculté d'exercer l'option ou lorsque la mise en oeuvre de cette option implique nécessairement qu'elle soit exercée dans un délai déterminé.

4. En jugeant que M. et Mme A... ne pouvaient opter, dans le délai de réclamation prévu par l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, pour le régime de déduction dit " de Robien ", au motif que, par les dispositions du I 1° h) de l'article 31 du code général des impôts, le législateur en a expressément subordonné le bénéfice à la condition que le contribuable ait opté en sa faveur lors du dépôt de la déclaration des revenus de l'année d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure, alors que les dispositions précitées ne prévoient pas, à défaut, la déchéance de la faculté d'exercer l'option, et en ne recherchant pas si les intéressés avaient pris puis respecté, au titre de leur option en faveur de la réduction d'impôt dite " Scellier ", un engagement au moins équivalent à celui qui est imposé par les dispositions précitées ainsi qu'ils le soutenaient, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant qu'il s'est prononcé sur leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions du I 1° h) de l'article 31 du code général des impôts.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 3 juillet 2018 est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions de M. et Mme A... tendant au bénéfice des dispositions du I 1° h) de l'article 31 du code général des impôts.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.