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Ariane Web: Conseil d'État 423928, lecture du 5 octobre 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:423928.20201005

Décision n° 423928
5 octobre 2020
Conseil d'État

N° 423928
ECLI:FR:CECHR:2020:423928.20201005
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Pierre Ramain, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP L. POULET-ODENT ; SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES, avocats


Lecture du lundi 5 octobre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société anonyme Le Nickel a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge de son obligation de payer la redevance superficiaire qui lui a été réclamée par la Nouvelle-Calédonie au titre des années 2009 à 2015 et d'ordonner la restitution des montants dont elle s'est déjà acquittée. Par un jugement n° 1500094 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16PA01796 du 8 juin 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Le Nickel contre ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique enregistrés le 6 septembre 2018 et le 19 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Le Nickel demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;
- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code minier de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Ramain, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société Le Nickel et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Le Nickel dispose de 849 titres d'exploitation miniers, dont 89 % sont situés sur le domaine de la Nouvelle-Calédonie et 11 % sur des terres coutumières ou des terrains appartenant à des propriétaires privés, à des provinces ou des communes de la Nouvelle-Calédonie. Par plusieurs titres exécutoires, la Nouvelle-Calédonie lui a demandé le paiement des redevances superficiaires correspondant à ces titres d'exploitation miniers pour les années 2009 à 2015. La société Le Nickel a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler ces titres, de prononcer la décharge de son obligation de payer et d'ordonner à la Nouvelle-Calédonie de lui restituer les redevances déjà payées. Par un jugement du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. La société Le Nickel se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 juin 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. L'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie dispose que : " La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : / 1° Impôts, droits et taxes perçus au bénéfice de la Nouvelle-Calédonie [...] ". Aux termes de l'article 43 de la même loi organique : " L'Etat, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes exercent, chacun en ce qui le concerne, leur droit de propriété sur leur domaine public et leur domaine privé ". Aux termes de l'article 45 de cette loi organique : " [...] les provinces réglementent et exercent les droits d'exploration, d'exploitation, de gestion et de conservation des ressources naturelles biologiques et non biologiques [...], de leur sol et de leur sous-sol [...] ".

3. L'article 7 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie dispose que : " Les entreprises dont les activités relèvent de la métallurgie des minerais telle que définie à l'article 3-II qui présentent une importance particulière pour le développement économique de la Nouvelle-Calédonie pourront bénéficier pour l'ensemble de leurs activités, sur justification d'un engagement de programme d'investissements, d'un régime de stabilisation fiscale. Pour bénéficier de ce régime, les entreprises devront être agréées par délibération. Ce régime leur garantira que ni l'assiette ni le taux de l'impôt sur les activités visées à l'article 3-II et des impôts, droits et taxes existants pour lesquels ces entreprises sont ou deviendraient des contribuables prépondérants, ne seront aggravés en ce qui les concerne. D'autre part, aucun nouvel impôt, droit ou taxe ne leur sera appliqué si cette application entraîne de ce fait pour l'entreprise la qualité de contribuable prépondérant au titre de ce nouvel impôt, droit ou taxe. Par contribuable prépondérant, il faut entendre toute personne physique ou morale qui est assujettie au moins à une disposition de l'impôt, du droit ou de la taxe concernés et au titre de laquelle moins de 50 autres personnes physiques ou morales sont des contribuables qui acquittent ou sont susceptibles d'être assujettis audit impôt, droit ou taxe. La qualité de contribuable prépondérant s'apprécie le jour de l'institution d'une taxe, d'un droit ou d'un impôt nouveau, ou le jour de la modification d'une taxe, d'un droit ou d'un impôt anciens ". Aux termes de l'article Lp. 7 bis du même code : " Les exonérations de tous droits, impôts et taxes instaurées par les dispositions du présent code en faveur des entreprises mentionnées au II de l'article 3 du même code, en vigueur à la date à laquelle lesdites entreprises obtiennent le bénéfice de l'un des agréments prévus par les articles 7 et Lp. 45 bis 5 du code, ne peuvent être remises en cause pendant la durée d'application de cet agrément. Cette disposition n'est pas applicable aux exonérations spécifiques prévues aux articles Lp. 45 bis 3, Lp. 45 bis 4 et Lp. 45 bis 11. L'agrément prévu à l'article 7 est délivré par le gouvernement. L'arrêté d'agrément fixe la durée d'application du régime de stabilisation fiscale, laquelle ne peut excéder une période de quinze ans. ".

4. Enfin, l'article Lp. 112-2 du code minier de la Nouvelle-Calédonie dispose que : " Quiconque désire exploiter un gisement doit obtenir, au préalable, une concession minière ". Aux termes de l'article Lp. 131-2 du même code : " La concession minière confère à son titulaire, dans les limites de son périmètre en surface et indéfiniment en profondeur, le droit exclusif de prospection, de recherches et d'exploitation des gîtes contenant les substances pour lesquelles le permis de recherches dont elle dérive est valable ". Selon l'article Lp. 131-3 du même code : " Une redevance dite " superficiaire " est versée par les titulaires de concessions minières à la Nouvelle-Calédonie. / Cette redevance est proportionnelle à la superficie totale détenue par un même titulaire [...]

5. Il résulte des dispositions citées au point 4 que la redevance superficiaire, introduite à l'article Lp. 131-3 du code minier de la Nouvelle-Calédonie par la loi du pays du 16 avril 2009 relative au code minier de la Nouvelle-Calédonie, n'a ni le caractère d'une redevance domaniale, dès lors qu'elle ne constitue pas la contrepartie de l'autorisation d'occuper le domaine public de la Nouvelle-Calédonie à laquelle elle est versée, ni le caractère d'une redevance pour service rendu, dès lors qu'elle ne tend pas à couvrir les charges d'un service public ou les frais d'établissement et d'entretien d'un ouvrage public et ne trouve pas sa contrepartie dans les prestations fournies par ce service ou l'utilisation de cet ouvrage. La redevance superficiaire exigée lors de l'attribution d'une concession et versée à la Nouvelle-Calédonie doit dès lors être regardée comme un impôt, droit ou taxe institué par la Nouvelle-Calédonie sur le fondement de la compétence qui lui est reconnue par l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 cité au point 2. Alors même qu'elle a été instituée par le code minier, elle entre dans le champ du régime de stabilisation fiscale prévu par l'article 7 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie cité au point 3. Il s'ensuit qu'en jugeant que la redevance superficiaire ne relevait pas de ce régime au seul motif qu'elle n'avait pas été instaurée par le code des impôts de Nouvelle-Calédonie, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que la société Le Nickel est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros à verser à la société Le Nickel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Le Nickel qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 8 juin 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : La Nouvelle-Calédonie versera à la société Le Nickel la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Le Nickel et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.



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