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Ariane Web: Conseil d'État 427220, lecture du 7 octobre 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:427220.20201007

Décision n° 427220
7 octobre 2020
Conseil d'État

N° 427220
ECLI:FR:CECHR:2020:427220.20201007
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Aurélien Caron, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET, avocats


Lecture du mercredi 7 octobre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société de droit portugais Garovito Construções LDA a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2009 à 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1503463 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 17NC02099 du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société Garovito Construções LDA contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 21 janvier et 23 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Garovito Construções LDA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts, son annexe III et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la société Garovito Construcoes LDA ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que dans le cadre d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012, l'administration fiscale a notamment considéré que la société Garovito Construções LDA, dont le siège se trouve au Portugal, disposait, en France, d'un établissement stable non déclaré et a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires réalisé en France au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011. Par un jugement du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée consécutifs à ce contrôle. La société demande l'annulation de l'arrêt du 20 novembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.

2. En l'absence de moyens dirigés contre la partie de l'arrêt attaqué portant sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, la société Garovito Construções LDA doit être regardée comme demandant l'annulation de cet arrêt en tant seulement qu'il porte sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos de 2009 à 2011.

3. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) ".

4. Aux termes du III de l'article 95 de l'annexe III au code général des impôts : " Les assujettis établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne, qui réalisent des opérations imposables en France ou qui doivent y accomplir des formalités, peuvent désigner un mandataire pour effectuer, sous la responsabilité exclusive de leur mandant, tout ou partie des formalités incombant à ces personnes et, en cas d'opérations imposables, pour acquitter la taxe en leur nom ".

5. Il ressort des écritures d'appel que la société Garovito Construções LDA soutenait que la procédure d'imposition suivie à son encontre était irrégulière dès lors, d'une part, que l'avis de vérification de comptabilité du 29 octobre 2012 ne précisait pas les impôts sur lesquels porterait le contrôle et que, d'autre part, cet avis n'avait été adressé qu'à la personne qu'elle avait désignée, en application du III de l'article 95 de l'annexe III au code général des impôts, comme mandataire au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, alors que le contrôle avait également porté sur les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés. En s'abstenant de répondre au moyen de la société tiré du défaut de qualité de son mandataire désigné au regard de la seule taxe sur la valeur ajoutée, pour recevoir l'avis de vérification en ce qui concerne la partie du contrôle portant sur l'impôt sur les sociétés, moyen qui n'était pas inopérant, la cour administrative d'appel de Nancy a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, la société Garovito Construções LDA est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il porte sur les suppléments d'impôt sur les sociétés en litige.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Garovito Construções LDA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 20 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé en tant qu'il porte sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société Garovito Construções LDA au titre des exercices clos de 2009 à 2011.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : L'Etat versera à la société Garovito Construções LDA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Garovito Construções LDA et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.