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Ariane Web: Conseil d'État 427696, lecture du 14 octobre 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:427696.20201014

Décision n° 427696
14 octobre 2020
Conseil d'État

N° 427696
ECLI:FR:CECHR:2020:427696.20201014
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE, avocats


Lecture du mercredi 14 octobre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner Pôle emploi à lui verser les sommes de 9 294,14 euros au titre de l'aide différentielle de reclassement, 734,16 euros au titre de l'aide au retour à l'emploi, 1 956,06 euros d'indemnités au titre de la non-attribution de la rémunération de fin de formation, 500 euros d'indemnités au titre de sa radiation de la liste des demandeurs d'emploi et 500 euros d'indemnités au titre du préjudice subi du fait des illégalités commises. Par un jugement n° 1500765 du 5 décembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 février et 6 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de Pôle emploi la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. C... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... C..., qui était un agent de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a perdu son emploi en décembre 2011. Il a bénéficié de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, puis, ayant repris une activité dans le cadre d'un contrat de professionnalisation à compter du 14 février 2013, de l'aide différentielle de reclassement. Titulaire d'un nouveau contrat à compter du 4 juin 2013, il a cessé de percevoir ces aides. En réponse à sa demande de versement de l'aide différentielle de reclassement et de l'aide au retour à l'emploi, Pôle emploi lui a indiqué que le calcul du salaire journalier de référence qui conditionne le montant de l'allocation d'aide au retour à l'emploi était effectué par son ancien employeur et a rejeté sa demande par une décision du 1er décembre 2014, confirmée par une décision du 18 décembre 2014. M. C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner Pôle emploi à lui verser les sommes de 9 294,14 euros au titre de l'aide différentielle de reclassement pour la période du 1er mars 2013 au 31 mai 2015, 734,16 euros au titre de l'aide au retour à l'emploi pour la période du 1er mars 2013 au 30 septembre 2013, 1 956,06 euros à titre d'indemnités en raison de la non-attribution de la rémunération de fin de formation du 14 février 2013 au 3 juin 2015, 500 euros à titre d'indemnités en raison de sa radiation de la liste des demandeurs d'emploi et 500 euros à titre d'indemnités en raison des illégalités commises. Il se pourvoit en cassation contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur le jugement, en tant qu'il rejette ses conclusions relatives au versement de l'aide différentielle de reclassement et de l'aide au retour à l'emploi :

2. En vertu de l'article L. 5424-1 du code du travail, les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat involontairement privés d'emploi ont droit à une allocation d'assurance dont l'employeur assure la charge et dont il peut, en application de l'article L. 5424-2 du même code, confier la gestion à Pôle emploi par convention. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'une telle convention de gestion ayant été signée entre l'ancien employeur de M. C... et Pôle emploi, cet établissement public assurait pour le compte des administrations de l'Etat relevant des ministères économiques et financiers le calcul et le versement des prestations depuis le 1er février 2014.

3. S'agissant des prestations dues au titre de la période courant à compter du 1er février 2014, Pôle emploi, agissant pour le compte de l'Etat, était compétent pour statuer sur la demande de M. C... et, en vertu de l'article R. 5312-5 du code du travail, pour représenter l'Etat devant le tribunal administratif, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que seule l'administration d'origine de l'intéressé disposait des éléments permettant de calculer son salaire journalier de référence, nécessaire à la détermination de ses droits à prestation.

4. S'agissant des prestations dues au titre de la période antérieure au 1er février 2014, à supposer que la convention conclue entre l'Etat et Pôle emploi soit restée sans incidence sur leur gestion - ce dont il appartenait au demeurant au tribunal administratif de Strasbourg de s'assurer - la demande adressée par M. C... à Pôle emploi en novembre 2014 devait être regardée comme adressée à l'État, compétent en la matière. En effet, en l'absence de décision expresse de l'Etat sur cette demande, il était réputé l'avoir implicitement rejetée à l'expiration du délai de deux mois suivant la date de sa réception par Pôle emploi dès lors que ce dernier était tenu de la transmettre à l'autorité compétente en application des dispositions combinées des articles L. 114-2, L. 114-3 et L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration. En outre, dans cette hypothèse et eu égard à la nature de ce contentieux, il appartenait au tribunal, saisi d'un recours dirigé contre le refus des prestations sollicitées, de communiquer la requête tant à Pôle emploi qu'à l'autorité compétente au sein de l'Etat.

5. Par suite, le tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit en rejetant les conclusions de M. C... tendant à obtenir de Pôle emploi le versement de l'aide différentielle de reclassement et de l'aide au retour à l'emploi au motif qu'elles avaient été mal dirigées. Il en résulte que M. C... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ces conclusions.

Sur le jugement, en tant qu'il rejette les autres conclusions de M. C... :

6. En premier lieu, l'article 2 de la délibération n° 2011/11 du conseil d'administration de Pôle emploi du 11 avril 2011 prévoit que : " La rémunération de fin de formation est accordée par Pôle emploi aux demandeurs d'emploi inscrits auxquels, durant la période au cours de laquelle ils perçoivent l'allocation d'assurance chômage, l'allocation spécifique de reclassement ou l'allocation de transition professionnelle, Pôle emploi prescrit, à compter du 1er janvier 2011, une action de formation. / Les actions de formation susceptibles de donner lieu au versement de la rémunération de fin de formation doivent permettre à la fois d'acquérir une qualification reconnue au sens de l'article L. 6314-1 du code du travail et d'accéder à un emploi pour lequel sont identifiées des difficultés de recrutement, dans la région du lieu de la formation et/ou dans la région du lieu de prescription de la formation. (...) ".

7. En rejetant la demande indemnitaire formée par M. C... au titre de la rémunération de fin de formation au motif que celui-ci n'alléguait pas avoir suivi une formation répondant aux critères fixés par la délibération citée ci-dessus, le tribunal, qui n'a pas relevé un moyen d'office, a suffisamment motivé son jugement et n'a pas commis d'erreur de droit. Si le tribunal a également relevé que M. C... n'avait pas sollicité le bénéfice de cette aide auprès de Pôle emploi, ce motif, qui revêt un caractère surabondant, ne peut être utilement critiqué.

8. En deuxième lieu, le tribunal n'a pas dénaturé les faits de l'espèce en jugeant qu'il ne résultait pas de l'instruction que M. C... aurait fait l'objet d'une radiation de la liste des demandeurs d'emploi depuis son inscription auprès de Pôle emploi en 2011.

9. En dernier lieu, le tribunal ne s'est pas mépris sur la portée des écritures de M. C... en jugeant que ses conclusions tendant à la condamnation de Pôle emploi à l'indemniser pour avoir commis un " excès de pouvoir " n'étaient assorties d'aucun moyen ni d'aucune précision.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg qu'il attaque qu'en tant que celui-ci a rejeté ses conclusions relatives à l'aide différentielle de reclassement et à l'aide au retour à l'emploi.

Sur les frais liés au litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2018 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. C... relatives à l'aide différentielle de reclassement et à l'aide au retour à l'emploi.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Strasbourg dans la mesure de la cassation prononcée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. C... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... C..., à Pôle emploi et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.


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