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Ariane Web: Conseil d'État 433290, lecture du 23 décembre 2020, ECLI:FR:CECHS:2020:433290.20201223

Décision n° 433290
23 décembre 2020
Conseil d'État

N° 433290
ECLI:FR:CECHS:2020:433290.20201223
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
M. Eric Buge, rapporteur
M. Vincent Villette, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP DELAMARRE, JEHANNIN, avocats


Lecture du mercredi 23 décembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. et Mme C... E..., M. et Mme D... F... et M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 avril 2018 par lequel le maire de Miribel (Ain) a accordé à la société Linéa Construction Immobilière le permis de construire un ensemble immobilier de 22 logements sur une parcelle située 59, rue du Général Degoutte. Par un jugement n° 1807377 du 4 juin 2019, le tribunal administratif a sursis à statuer dans l'attente de la délivrance d'un permis de construire modificatif régularisant le projet au regard des dispositions de l'article UA 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 août et 5 novembre 2019 et le 12 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme E..., M. et Mme F... et M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Miribel et de la société Linéa Construction Immobilière la somme de 4 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code du patrimoine ;
- la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. et Mme E..., de M. et Mme F... et de M. et Mme B..., à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la commune de Miribel, et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la société Linéa Construction Immobilière ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 décembre 2020, présentée par M. et Mme E..., M. et Mme F... et M. et Mme B... ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 19 avril 2018, le maire de Miribel a délivré à la société Linéa Construction Immobilière le permis de construire un ensemble immobilier de 22 logements sur une parcelle située 59, rue du Général Degoutte, dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, devenue site patrimonial remarquable. M. et Mme E..., M. et Mme F... et M. et Mme B... se pourvoient en cassation contre le jugement du 4 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a sursis à statuer sur la légalité de cet arrêté, afin de permettre à la société Linéa Construction Immobilière de solliciter un permis de construire modificatif régularisant la méconnaissance par celui-ci des dispositions de l'article UA 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, relatif à la réalisation d'aires de stationnement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme de Miribel : " Les occupations et utilisations du sol peuvent être refusées sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant : / - à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile l'enlèvement des ordures ménagères, la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie, des engins de déneigement, / - aux impératifs de la protection civile. / Elles peuvent également être refusées si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. / Le nombre des accès sur les voies publiques peut être limité dans l'intérêt de la sécurité. / Lorsque le terrain est riverain de deux ou plusieurs voies publiques, les accès doivent être aménagés sur la voie où les risques encourus par les usagers des voies publiques ou par les personnes utilisant les accès sont les moindres (...) ".

3. En relevant que le projet était desservi par la rue du Général Degoutte qui était en partie, notamment à la hauteur du projet, en sens unique, que cette voie comportait un trottoir et était suffisamment large pour permettre la circulation des véhicules et que la visibilité était satisfaisante, le tribunal administratif de Lyon a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation. Il n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que le projet ne méconnaissait pas l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article UA 8 du règlement du plan local d'urbanisme : " Les constructions non jointives sur un même tènement doivent être implantées de telle façon que la distance comptée horizontalement de tout point d'une construction à tout point de l'autre construction, soit au moins égale à la moitié de la hauteur de la plus haute des deux constructions ".

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet de la société Linéa Construction Immobilière consiste en un immeuble comportant deux volumes reliés entre eux par un espace central, recouvert d'un auvent, qui accueille l'entrée commune et l'escalier métallique partagé desservant leurs étages. En estimant que le projet devait être regardé comme portant sur une même construction, de sorte qu'il ne méconnaissait pas l'article UA 8 du règlement du plan local d'urbanisme, le tribunal administratif, qui a suffisamment motivé son jugement, n'a pas commis d'erreur de droit et a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation, sans qu'ait d'incidence la circonstance qu'il a en outre relevé que le stationnement souterrain était commun à l'ensemble du projet.

6. En troisième lieu, l'article UA 10 du règlement du plan local d'urbanisme renvoie, s'agissant de la hauteur des constructions autorisées dans le périmètre de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, au règlement de cette zone, devenue, en vertu de l'article 112 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, un site patrimonial remarquable au sens de l'article L. 631-1 du code du patrimoine. Le projet de construction, situé dans le secteur C du périmètre du site patrimonial remarquable institué dans la commune, est soumis, par le renvoi qu'opère l'article 3.C.1.4 du règlement applicable dans le périmètre de ce site, à son article 3.B.1.4 selon lequel : " Dans une bande de 15 mètres au long des alignements, les hauteurs seront comprises entre celles des deux bâtiments adjacents. En l'absence de bâtiment adjacent, on retiendra la hauteur du bâtiment le plus proche sur le même alignement ; les bâtiments de moins de 6 mètres de haut seront comptés pour 6 mètres. / II est accordé une tolérance de 2 mètres en plus ou en moins sur la règle précédente. Cette tolérance autorise le dépassement du plafond absolu prévu à l'article 10 du POS. / (...) ".

7. C'est au terme d'une appréciation souveraine des pièces du dossier, exempte de dénaturation, que le tribunal a jugé, en l'absence de bâtiment adjacent au projet de construction objet du permis en litige, qu'aucun autre bâtiment, notamment pas la maison de M. et Mme E..., ne pouvait être regardé comme situé sur le même alignement que le projet. Par suite, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, d'une part, que l'absence, au dossier de demande de permis de construire, de la hauteur des immeubles alentour n'avait pas fait obstacle à l'appréciation, par l'autorité administrative, du respect des règles de hauteur et, d'autre part, que le projet ne méconnaissait pas la règle de hauteur fixée par l'article 3.B.1.4 du règlement applicable dans le périmètre du site patrimonial remarquable.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme : " Il est rappelé que l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme est d'ordre public, il reste applicable en présence d'un PLU : "Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales". / Lorsqu'un projet est délibérément de nature à modifier fortement le site existant, ou à créer un nouveau paysage, l'aspect des constructions peut être apprécié selon des critères plus généraux que ceux ci-dessous détaillés. Le demandeur ou l'auteur du projet doit alors justifier d'une recherche manifeste de qualité architecturale et d'insertion harmonieuse dans le site. / Les prescriptions édictées ci-dessous doivent être complétées par celles de la ZPPAUP. / (...) / L'implantation, le volume et les proportions des constructions dans tous leurs éléments doivent être déterminés en tenant compte de l'environnement bâti et en s'y intégrant le mieux possible. ( ... ) ".

9. Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ou de celles du règlement d'un plan local d'urbanisme ayant le même objet et dont les exigences ne sont pas moindres, au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

10. D'une part, le tribunal n'a pas dénaturé les pièces du dossier, qu'il a souverainement appréciées, en jugeant que le secteur d'implantation du projet ne présentait pas de caractère particulier et comportait d'autres immeubles collectifs et que le projet était constitué d'un immeuble décomposé en deux volumes pour mieux s'insérer dans son environnement. D'autre part, si le tribunal a également retenu que la notice du projet architectural mentionnait que le choix définitif des teintes d'enduits et de matériaux aurait lieu lors du chantier, c'est en relevant qu'aux termes de cette même notice, qui précisait les matériaux et les couleurs de la construction, ce choix interviendrait, après la réalisation d'essais et la présentation d'échantillons, en concertation avec l'architecte conseil ou l'architecte des bâtiments de France. C'est ainsi sans dénaturer les pièces du dossier ni commettre d'erreur de droit que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 10 que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal aurait, à tort, écarté les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 3.C.1.4 du règlement applicable dans le périmètre du site patrimonial remarquable et des articles UA 3, UA 8, UA 10 et UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme. Ils ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que, du fait de cette méconnaissance, le tribunal aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en jugeant que le permis de construire attaqué pouvait faire l'objet d'une mesure de régularisation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon qu'ils attaquent.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des requérants présentées à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Miribel et une même somme à verser à la société Linéa Construction Immobilière.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme E..., de M. et Mme F... et de M. et Mme B... est rejeté.
Article 2 : M. et Mme E..., en premier lieu, M. et Mme F..., en deuxième lieu, et M. et Mme B..., en troisième lieu, verseront une somme de 500 euros à la commune de Miribel et une somme de 500 euros à la société Linéa Construction Immobilière.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme C... E..., représentants uniques, pour l'ensemble des requérants, à la commune de Miribel et à la société Linea Construction Immobilière.