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Ariane Web: Conseil d'État 431187, lecture du 26 janvier 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:431187.20210126

Décision n° 431187
26 janvier 2021
Conseil d'État

N° 431187
ECLI:FR:CECHR:2021:431187.20210126
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
Mme Cécile Isidoro, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
SCP RICHARD ; SCP GASCHIGNARD, avocats


Lecture du mardi 26 janvier 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

La communauté de communes de l'Oriente a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération du 29 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Linguizzetta a décidé d'instituer la taxe de séjour forfaitaire pour l'année 2015 à son profit sur son territoire et en a fixé les tarifs.

Par un jugement n° 1500412 du 8 juin 2017, rectifié par ordonnance du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17MA03488 du 29 avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 8 juin 2017 du tribunal administratif de Bastia et la délibération du 29 avril 2015 du conseil municipal de la commune de Linguizzetta.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 28 mai, 28 août et 3 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Linguizzetta demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Oriente la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014, notamment son article 67 ;
- la loi n°2015-1785 du 29 décembre 2015, notamment son article 90 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la commune de Linguizzetta et à la SCP Gaschignard, avocat de la communauté de communes de l'Oriente ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 26 juin 2009, le conseil municipal de la commune de Linguizzetta a institué une taxe de séjour forfaitaire sur son territoire à compter du 1er janvier 2010. Par une délibération du 30 juin 2010, le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Oriente, créée en 2008, compétente notamment en matière de développement touristique et dont la commune de Linguizzetta est membre, a décidé l'institution d'une taxe de séjour forfaitaire sur son territoire à compter du 1er janvier 2011. Le conseil municipal de la commune de Linguizzetta a, par une délibération du 29 avril 2015, décidé d'instituer à nouveau une taxe de séjour forfaitaire sur son territoire à compter du 1er janvier 2015 et en a fixé les tarifs. Par un jugement du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de la communauté de communes de l'Oriente tendant à l'annulation de cette délibération du 29 avril 2015. Par un arrêt du 29 avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la communauté de communes de l'Oriente, annulé ce jugement et la délibération du 29 avril 2015. La commune de Linguizzetta se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l'article L. 5211-21 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération du 30 juin 2010 prise par la communauté de communes de l'Oriente : " Dans les établissements publics de coopération intercommunale érigés en stations classées, dans ceux bénéficiant de l'une des dotations prévues à l'article L. 5211-24, dans ceux qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que dans ceux qui réalisent, dans la limite de leurs compétences, des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels, la taxe de séjour ou la taxe de séjour forfaitaire peut être instituée par décision de l'organe délibérant dans les conditions prévues à l'article L. 2333-26. Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale ayant institué la taxe de séjour ou la taxe de séjour forfaitaire ne peuvent percevoir celles-ci ". Aux termes du même article, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération litigieuse, issue de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 et applicable à compter du 1er janvier 2015 en vertu du III de l'article 67 de cette loi : " I. - La taxe de séjour mentionnée aux articles L. 2333-29 à L. 2333-39 ou la taxe de séjour forfaitaire mentionnée aux articles L. 2333-40 à L. 2333-47 peut être instituée par décision de l'organe délibérant dans les conditions prévues à l'article L. 2333-26, sauf délibération contraire des communes qui ont déjà institué la taxe pour leur propre compte, par : 1° Les groupements de communes touristiques et de stations classées de tourisme relevant de la section 2 du chapitre IV du titre III du livre Ier du code du tourisme ; 2° Les établissements publics de coopération intercommunale bénéficiant de l'une des dotations prévues à l'article L. 5211-24 du présent code ; 3° Les établissements publics de coopération intercommunale qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que ceux qui réalisent, dans la limite de leurs compétences, des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels ; 4° La métropole de Lyon. Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale ayant institué la taxe de séjour ou la taxe de séjour forfaitaire ne peuvent percevoir ces taxes (...) ". Aux termes de l'article L. 2333-26 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération litigieuse : " I. - Sous réserve de l'article L. 5211-21, une taxe de séjour ou une taxe de séjour forfaitaire peut être instituée par délibération du conseil municipal : 1° Des communes touristiques et des stations classées de tourisme relevant de la section 2 du chapitre III du titre III du livre Ier du code du tourisme ; 2° Des communes littorales, au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement ; 3° Des communes de montagne, au sens de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ; 4° Des communes qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que de celles qui réalisent des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels ; 5° Ou des communes qui ont adopté la délibération contraire mentionnée au I de l'article L. 5211-21 du présent code ".

3. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 5211-21 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction en vigueur en 2010, qui ne prévoyaient pas la possibilité pour les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de s'opposer à l'institution d'une taxe de séjour par ce dernier et en vertu desquelles les communes membres d'un EPCI qui a institué la taxe de séjour ou la taxe de séjour forfaitaire ne peuvent percevoir de telles taxes, que l'institution d'une telle taxe par un EPCI emportait nécessairement abrogation des taxes existantes éventuellement instituées par les communes membres de cet EPCI.

4. En second lieu, il résulte des dispositions du même article et de celles de l'article L. 2333-6 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2015, que le droit que ces articles ouvrent aux communes membres d'un EPCI de faire valoir leur opposition à l'institution d'une taxe de séjour par cet EPCI, d'une part, ne peut s'exercer qu'au moment où l'EPCI décide d'instituer cette taxe, et non postérieurement à l'entrée en vigueur de la taxe qu'il a instituée, d'autre part, qu'il n'est ouvert qu'aux communes ayant institué une taxe de séjour encore en vigueur au moment où l'EPCI décide d'instituer une telle taxe, les dispositions ajoutées à l'article L. 5211-21 par la loi du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 précisant que ce droit est réservé aux communes ayant déjà institué une taxe dont la délibération est encore en vigueur n'ayant sur ce point qu'une portée interprétative.

5. Par suite, c'est sans erreur de droit au regard des dispositions précitées des articles L. 2333-6 et L. 5211-21 du code général des collectivités territoriales et sans donner à tort une portée rétroactive aux dispositions de la loi du 29 décembre 2015 que la cour administrative d'appel, après avoir relevé que si la commune de Linguizzetta avait institué, à compter du 1er janvier 2010, une taxe de séjour forfaitaire sur son territoire, la communauté de communes de l'Oriente avait ensuite institué une taxe sur son territoire à compter du 1er janvier 2011, en a déduit que la commune ne pouvait légalement, par la délibération litigieuse, instituer une taxe sur son territoire à compter du 1er janvier 2015.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté de communes de l'Oriente qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Linguizzetta la somme que demande la communauté de communes de l'Oriente au titre des mêmes dispositions.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Linguizzetta est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes de l'Oriente présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Linguizzetta et à la communauté de communes de l'Oriente.


Voir aussi