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Ariane Web: Conseil d'État 449875, lecture du 15 mars 2021, ECLI:FR:CEORD:2021:449875.20210315

Décision n° 449875
15 mars 2021
Conseil d'État

N° 449875
ECLI:FR:CEORD:2021:449875.20210315
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du lundi 15 mars 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 et 25 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Der Grušne Punkt Duales System Deutschland GmbH et la société PRO Europe Sprl demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 30 novembre 2020 relatif aux signalétiques et marquages pouvant induire une confusion sur la règle de tri ou d'apport du déchet issu du produit, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'arrêté contesté préjudicie de manière grave et immédiate à leurs intérêts en tant qu'il interdit de fait, ou compromet très fortement, l'utilisation de la signalétique " Point Vert " sur les emballages et produits emballés vendus ou fabriqués en France, restreignant par suite les importations et les exportations au sein de l'Union européenne des produits utilisant le " Point Vert ", qu'il existe un intérêt public à faire cesser, à titre provisoire et conservatoire, les effets d'une réglementation portant atteinte aux droits qu'elles tiennent de l'ordre juridique européen, que le marché français des emballages est un marché majeur au sein de l'Union européenne et, enfin, que ces effets risquent d'être pérennes et irréversibles ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- il n'a fait l'objet d'aucune notification préalable en application de l'article 5 de la directive (UE) 2015/1535 du 9 septembre 2015 et de l'article 16 de la directive 94/62/CE du 20 décembre 1994 ;
- il constitue une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation prohibée par les articles 34 et 35 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) en ce que les restrictions induites ne sont ni justifiées, ni pertinentes, ni proportionnées ;
- il est manifestement disproportionné eu égard à l'objectif poursuivi dès lors qu'une mesure plus adéquate que la pénalité financière et aux effets de restriction et d'éviction moins prégnants pourrait remédier aux risques supposés de confusion créés par certains marquages ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 462-2 du code de commerce qui impose la consultation de l'Autorité de la concurrence pour toute réglementation instituant un nouveau régime ayant pour effet de soumettre à l'accès à un marché des restrictions quantitatives ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 28 du TFUE relatives aux taxes d'effet équivalent en tant qu'il pénalise financièrement l'usage du marquage " Point Vert " ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 13 de la directive 94/62/CE du 20 décembre 1994 qui prévoient l'obligation, pour les Etats membres, de permettre aux consommateurs de recevoir une information sur leur contribution à la réutilisation, à la valorisation et au recyclage des emballages et des déchets d'emballages, ce que permet précisément le marquage " Point Vert " ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 18 du TFUE relatif à l'interdiction de toute discrimination exercée en raison de la nationalité, le marquage " Point Vert " étant une signalétique créée et détenue par une société allemande.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la requête n'est pas recevable faute pour les sociétés requérantes d'établir leur intérêt à agir et, à titre subsidiaire, que les conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne sont pas satisfaites.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Der Grušne Punkt Duales System Deutschland GmbH et la société PRO Europe Sprl, et d'autre part, la ministre de la transition écologique ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 26 février 2021, à 15 heures :

- Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Der Grušne Punkt Duales System Deutschland GmbH et de la société PRO Europe Sprl ;

- les représentants des sociétés requérantes ;

- les représentants de la ministre de la transition écologique ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Par une ordonnance n°s 450160, 450164 de ce jour, le juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de l'arrêté du 30 novembre 2020 relatif aux signalétiques et marquages pouvant induire une confusion sur la règle de tri ou d'apport du déchet issu du produit. Par suite, les conclusions à fin de suspension présentées par les sociétés requérantes sont devenues sans objet.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 3 000 euros à verser aux sociétés requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


O R D O N N E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de suspension présentées par les sociétés requérantes.

Article 2 : L'Etat versera aux sociétés requérantes la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Der Grušne Punkt Duales System Deutschland GmbH, première dénommée, et à la ministre de la transition écologique.